Lire : Adieu Lacan

Postface de Richard C. LEDESMichèle SARDE

 

  Adieu Lacan réunit un roman – Le Perroquet de Lacan – et une pièce de théâtre – Adieu Docteur – inspirés par l’analyse de l’auteure au 5, rue de Lille dans les années 1970. Le roman sur le drame de l’immigration et la perte d’identité, la pièce de théâtre sur le genre et la maternité sont les deux faces d’une expérience analytique menée par un Docteur inspiré par Jacques Lacan.

Adieu Lacan réunit un roman – Le Perroquet de Lacan – et une pièce de théâtre – Adieu Docteur – inspirés par l’analyse de l’auteure au 5, rue de Lille dans les années 1970. Le roman sur le drame de l’immigration et la perte d’identité, la pièce de théâtre sur le genre et la maternité sont les deux faces d’une expérience analytique menée par un Docteur inspiré par Jacques Lacan. 

 

« L’heure du rendez-vous approchait. L’heure de dire qui j’étais. ‘Une histoire d’immigration, monsieur le Docteur, d’une Brésilienne qui ne l’est pas pour les Libanais et encore moins pour les Brésiliens, qui la considèrent comme une Turque. Une créature qui n’a rien à faire dans son propre pays et qui en cherche un autre…’ Mais non ! Je ne pouvais pas dire ça, puisque je ne savais pas qui j’étais, ni ce qui m’animait. Tout bien considéré, je voulais qu’on m’aime sans avoir à rien dire, point final. Accepter mon silence, c’était me donner une preuve d’amour. »

 

Voici réunis en un seul volume un roman – Le Perroquet de Lacan – et une pièce de théâtre – Adieu Docteur – tirés de l’analyse de Betty Milan auprès de Jacques Lacan dans les années 1970. Le roman sur le drame de l’immigration et la perte d’identité, la pièce de théâtre sur le genre et la maternité sont les deux faces de cette expérience analytique fondatrice.   

 DANS LA COLLECTION

Psychanalyse autrement

 

À propos de l’auteure
Diplômée en médecine de l’université de São Paulo, Betty Milan s’est formée à la psychanalyse auprès de Jacques Lacan dont elle fut l’assistante au département de psychanalyse de l’université de Vincennes. Elle partage son temps entre São Paulo et Paris.

 

Quelques questions à Betty Milan

Pouvez-vous me raconter dans quelles conditions vous avez rencontré Jacques Lacan ?
J’ai fait mes études de médecine au Brésil, et je me suis orientée vers la psychiatrie très tôt, puis j’ai découvert la théorie analytique dans laquelle je me suis tout de suite plongée. En 1966, mon analyste brésilien m’a poussée à présenter ma candidature pour faire ma formation à la Société Brésilienne de Psychanalyse, où j’ai été acceptée. Mais, deux ans plus tard, j’ai arrêté mon analyse, je considérais que c’était fini. La Société Brésilienne de Psychanalyse n’a pas été de cet avis, et m’a fait savoir que si je ne reprenais pas l’analyse, je ne pourrais pas continuer la formation. Je n’ai pas voulu la reprendre. Peu de temps après, en 1968, j’ai croisé un psychanalyste français de passage à São Paulo qui travaillait avec
Lacan. Son discours m’a beaucoup intéressé et j’ai donc formé, avec d’autres médecins et psychologues, un groupe de lecture des Écrits.

Mon premier contact avec Lacan s’est opéré à travers ses textes et en 1971, trois ans plus tard, je l’ai rencontré à Paris. Le groupe qui lisait les Écrits voulait inviter un analyste lacanien français pour travailler avec nous et faire des conférences à São Paulo. Je suis donc allée voir Lacan sur un plan professionnel pour lui demander de nous indiquer l’analyste en question. Je n’avais pas la moindre intention de faire une analyse avec lui. C’est Lacan qui m’a vue comme sa future analysante. Il a fait en sorte que je finisse par exprimer mon souhait de faire une analyse avec lui et de revenir à Paris deux ans plus tard – au terme du travail dans lequel je m’étais engagé au Brésil avec un psychiatre très pointu. Le Docteur m’a laissé entendre qu’il attendrait et je suis partie au Brésil avec l’engagement de revenir en France, ce qui s’est passé. Je raconte cela en détail dans Pourquoi Lacan, mon témoignage, qui a aussi été publié aux éditions Erès avant Adieu Lacan.

Qu’avez-vous appris à ses côtés ?
Mon travail avec Lacan a changé́ ma vie. Il m’a permis d’accepter mes origines, mon sexe biologique et la maternité́, grâce d’une part à son intérêt, dont je percevais l’intensité́, et d’autre part à sa manière de travailler qui, aujourd’hui encore, suscite la controverse.

Quelle était sa méthode de travail ?
Lacan n’interprétait pas la signification du discours de l’analysant. Il le coupait pour lui laisser l’interprétation de la coupure. Du coup le temps de la séance était variable et pouvait être très court. Je vais vous donner un exemple : En 197, j’ai convenu avec Lacan que je reviendrais dans deux ans, et quand je lui ai téléphoné en 1973 pour dire que j’étais arrivée, il m’a simplement demandé : « – Et alors ? » C’est comme ça qu’il a précipité la réponse qui m’a projetée dans l’analyse : « – Alors, je veux faire une analyse ! » Mais je dois dire que c’était violent. Puis il m’a dit de revenir le lendemain et il a raccroché. Cela a été particulièrement efficace. Il m’avait fait exprimer clairement mon désir. Par la suite, Je me suis habituée à la coupure parce que cela m’obligeait à m’écouter, à faire un retour sur moi-même, et je me suis rendue compte que j’aimais cela.

Qu’est-ce que cela vous a apporté ?
L’analyse met en valeur le discours intérieur et celui-ci est très important pour un écrivain. C’est aussi grâce à l’analyse que j’ai plongé dans la voie de l’écriture, sans laquelle il me serait impossible de vivre aujourd’hui.

Quels sont les thèmes que vous développez dans « Le perroquet de Lacan » et Adieu Docteur » ?
J’ai voulu mettre en lumière les effets dévastateurs d’une immigration, aggravés par le poids de mentalités ancestrales qu’on croyait oubliées.
L’ouvrage se structure autour de la cure analytique afin de révéler l’importance de l’écoute pour l’analysant comme pour l’analyste. À travers le personnage du Docteur, j’ai tenté de dessiner un portrait de Jacques Lacan dépouillé de tout artifice et très proche dans sa simplicité.

Adieu Lacan réunit un roman – Le Perroquet de Lacan – et une pièce de théâtre – Adieu Docteur – inspirés par mon analyse au 5, rue de Lille dans les années 1970. Les protagonistes, Seriema et le Docteur sont les mêmes dans les deux textes. Mais le roman traite surtout du drame de l’immigration, de la xénophobie et de la perte d’identité, et montre toute l’importance que revêt pour le sujet sa langue maternelle, tandis que la pièce évoque plutôt la question de la maternité et du genre.

Le roman et la pièce de théâtre sont à l’origine du film éponyme de Richard Ledes, qui a été réalisé à New York en 2021 et se trouve maintenant sur le web : https://www.richardledes.com/screen-adieu- lacan
ou https://www.richardledes.com/adieu-lacan-film-reviews

Adieu Lacan rejoint directement quelques-uns des problèmes les plus aigus que pose notre temps. Il est d’une brûlante actualité.
Quelle a été votre motivation pour devenir écrivain ?
J’ai toujours eu le désir d’écrire. J’ai écrit mon premier roman en 1977 quand mon analyse touchait à sa fin et depuis j’ai écrit plusieurs romans et des pièces de théâtre. La plupart de mes livres ont été publiés au Brésil. Mais, quelques-uns sont publiés en Argentine, au Portugal, en Espagne, en France, aux Etats Unis et même en Chine.

Avez-vous un prochain livre en cours d’écriture ?
Un roman sur les effets dévastateurs du négationnisme pendant la pandémie. Le Brésil a été particulièrement atteint à cause de Jair Bolsonaro qui a refusé d’acheter le vaccin aussi longtemps qu’il a pu.