L’estime de soi et les tout-petits

On entend beaucoup parler d’estime de soi. À tel point que l’expression est passée dans le langage populaire. Peu de personnes, par contre, en saisissent le vrai sens. En effet, on confond fréquemment « estime de soi » avec « confiance en soi », « assurance » ou « détermination ».                                                                                                                               © istock
            
                                                                                                               


On entend beaucoup parler d’estime de soi. À tel point que l’expression est passée dans le langage populaire. Peu de personnes, par contre, en saisissent le vrai sens. En effet, on confond fréquemment « estime de soi » avec « confiance en soi », « assurance » ou « détermination ».

Vers une définition de l’estime de soi
Les dictionnaires définissent généralement l’estime de soi comme étant un sentiment favorable né de la bonne opinion qu’on a du mérite et de la valeur. Pour sa part, Rénald Legendre, dans le Dictionnaire actuel de l’éducation, parle de l’estime de soi comme de la valeur qu’un individu s’accorde globalement. Il ajoute qu’elle fait appel à la confiance fondamentale de l’être humain en son efficacité et en sa valeur. Soulignons que le terme « valeur » revient souvent dans les définitions. Nous disons, pour notre part, que l’estime de soi est la conscience de la valeur personnelle qu’on se reconnaît dans différents domaines. Il s’agit, en quelque sorte, d’un ensemble d’attitudes et de croyances qui nous permettent de faire face au monde.

Il est important de bien préciser ce que nous entendons par la conscience de la valeur personnelle. Ce n’est pas la valeur qui est en cause, mais bien la conscience de celle-ci. En effet, beaucoup d’individus (enfants, adolescents, adultes) font preuve de belles et grandes qualités, manifestent des compétences et des talents, mais n’en sont pas conscients et ressentent une faible estime d’eux-mêmes. Ce n’est donc pas la maîtrise et l’actualisation de forces et d’habiletés particulières qui font qu’une personne a une bonne estime de soi. La clé se trouve dans le processus de conscientisation. L’estime de soi est dans la représentation mentale de soi-même quant à ses propres qualités et habiletés ainsi que dans la capacité de conserver ces représentations dans la mémoire vive pour les actualiser et pour pouvoir surmonter des difficultés, relever des défis et vivre de l’espoir.

L’estime de soi n’est pas du tout synonyme de narcissisme, n’est en rien une admiration de soi-même associée à de l’égocentrisme, à des sentiments de « grandiosité » et d’omnipotence. Au contraire, l’estime de soi suppose une perception de ses difficultés et une conscience de ses limites personnelles. Toute personne qui a une bonne estime de soi est capable de dire d’elle-même : « J’ai des qualités, des forces et des talents qui font que je m’attribue une valeur personnelle même si je fais face à des difficultés et à mes limites ». On constate, en définitive, que l’estime de soi implique la perception la plus réaliste possible de soi-même. Cette perception se modifie et s’enrichit au gré des expériences et au fil du développement.

À la source de l’estime de soi
Quelle est la source première de l’estime de soi ? De nombreuses études et recherches s’entendent pour dire qu’elle s’enracine dans l’attachement. En effet, tout individu, qu’il s’agisse d’un enfant, d’un adolescent ou d’un adulte, qui s’est senti aimé ou qui se sent encore aimé — même si ce n’est que par une seule personne — peut se dire qu’il est aimable et qu’il possède une valeur propre. Cette période de l’attachement, dont l’importance a été mise en lumière et confirmée par de nombreuses études et recherches, est fondamentale dans le développement psychique de tout être humain. Elle constitue le noyau de base de l’estime de soi. Ce premier sentiment d’une valeur personnelle s’enrichit, par la suite, de feed-back positifs de l’entourage, de rétroactions qui confirment à l’individu ses forces, ses qualités et ses réussites.

Estime de soi et amour-propre
Examinons maintenant les rapports entre « estime de soi » et « amour-propre ». L’amour-propre est défini, de façon générale, comme étant un sentiment vif de la dignité et de la valeur personnelle, ce qui fait qu’un être souffre d’être mésestimé et qu’il désire s’imposer à l’estime d’autrui (Le Petit Robert). On constate rapidement que les liens sont étroits entre les deux termes et que la différence réside dans la distinction qu’il faut faire entre « aimer » et « estimer ».
À cet effet, il faut faire remarquer qu’on peut estimer quelqu’un sans nécessairement l’aimer. En effet, on peut reconnaître des qualités et des compétences à un individu qui ne vit pas dans son environnement immédiat — un personnage public ou politique par exemple — sans l’aimer en tant que personne. Mais l’inverse n’est pas vrai : on ne peut aimer une personne sans l’estimer, c’est-à-dire sans lui attribuer une valeur personnelle et intrinsèque. Dans une relation d’amour et d’attachement, il est important qu’on puisse apprécier, admirer et estimer les qualités, les compétences et les attitudes de la personne aimée. Cette comparaison entre « amour-propre » et « estime de soi » nous permet de nous rendre compte qu’un individu ne peut s’aimer sans s’estimer, c’est-à-dire sans s’attribuer une valeur personnelle. Et nous avons vu précédemment que la première conscience de cette valeur est le sentiment d’être aimable et aimé à cause de ses caractéristiques personnelles (qualités, forces, façon d’être, identité unique).

Un phénomène cyclique et variable
L’estime de soi peut se développer à tout âge et elle varie selon les étapes de la vie. Les premières années dans la vie d’un enfant sont très importantes, bien que tout ne se joue pas avant 6 ans. Il y a, en effet, le risque qu’une conception trop déterministe du développement réduise l’espoir de ceux qui accompagnent les enfants, les adolescents et les adultes dans leur croissance personnelle, surtout quand ceux-ci ont vécu des moments difficiles au cours de leurs premières années de vie. De plus, cette conception met une pression beaucoup trop grande sur les parents et sur les éducatrices qui ont la charge des jeunes enfants d’âge préscolaire. Les premières années de vie sont, en quelque sorte, le fondement psychique de chaque être humain. Cela n’empêche pas que chaque autre étape de la vie comporte ses propres enjeux. Soulignons, à cet égard, que des recherches démontrent amplement que l’estime de soi peut s’améliorer, même chez les personnes âgées. La conscience d’une valeur personnelle est donc cyclique et variable comme la vie. Pour illustrer cela, il suffit d’imaginer la situation suivante : une personne qui possède une bonne estime de soi du fait qu’elle vit de bonnes relations avec ses proches, qu’elle aime son travail où elle se sent valorisée et qu’elle s’actualise dans ses diverses activités vit soudainement une épreuve. Cette épreuve — une maladie, une perte d’emploi ou une séparation — a pour résultat de perturber temporairement son estime de soi. Mais c’est quand même sur la base de sa bonne perception d’elle-même, qui est enracinée en elle, qu’elle peut faire face à l’épreuve et s’adapter. Ayant conscience de ses ressources et de ses forces personnelles, elle peut les utiliser pour sortir de l’ornière. C’est cela l’estime de soi : la conscience acquise de sa valeur personnelle, de ses forces, de ses qualités et de ses habiletés.

On comprend mieux maintenant que de nombreuses recherches mettent en évidence le fait que l’estime de soi constitue le principal facteur de prévention des difficultés d’adaptation et d’apprentissage chez les enfants ainsi que de maladie mentale chez les adultes. L’estime de soi est une réserve consciente de forces personnelles dans laquelle l’enfant ou l’adulte puise l’énergie nécessaire pour combattre ou gérer les stress de la vie...

 

Germain Duclos

 


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Quand les tout petits apprennent a s'estimer