Jusqu’à maintenant le rêve n’était qu’un récit que quelqu’un venait vous faire, en vous en demandant le sens. Grâce à une série de découvertes récentes, il devient une donnée fondamentale de la psychophysiologie et des laboratoires du rêve se créent partout.
Ces résultats considérables ont été précédés de longues re- cherches sur le sommeil et les niveaux de vigilance. L’éveil et le sommeil d’un côté, le sommeil et le rêve de l’autre, fonctionnent à partir de deux systèmes antagonistes. Il y a donc deux types d’insomnie, l’une avec compensation ultérieure, l’autre non, et deux types de trouble de l’éveil, l’un de somnolence sans rêve avec envahissement du seul stade un du sommeil, et de l’autre avec envahissement complet des cinq stades du sommeil.
Il existe six stades du sommeil caractérisés chacuns par leur type d’ondes :
A. Dit bêta, tracé d’éveil, yeux ouverts, ondes courtes rapides de tension basse.
B. Dit alpha, ou d’assoupissement, ondes de bas voltage, sans fuseaux, plus hautes.
C. Sommeil léger, avec apparition de fuseaux sur fond d’ondes de bas voltage et lentes.
D. Sommeil de transition ou moyen, avec ondes lentes delta à haut voltage.
E. Sommeil profond ; les ondes delta occupent plus de la moitié de l’enregistrement.
F. Sommeil rapide (I. REM), dit phase paradoxale car il y a retour aux ondes bêta du tracé d’éveil, mais synchrones et précédées d’ondes en dents de scie.
Puis il a été possible de prouver que la phase paradoxale correspondait à la période de rêve. Les vocalisations (gémissements, paroles...) se produisent pendant la phase paradoxale, et vers la fin apparaissent les grands mouvements du corps, par lesquels le dormeur change de position. Enfin le cycle des érections chez l’homme et chez la femme découvert par Ohlmeyer en 1944 se situe toutes les 85 minutes et dure 25 minutes en moyenne. Et surtout, pendant cette phase se situent des bouffées de mouvements rapides des globes oculaires. Ils sont visibles sous les paupières fermées. Un appareil d’enregistrement de ces mouvements rapides, le R.E.M. (Rapid Eye Movement), fut réalisé en 1952. Les gens qui déclarent ne pas rêver sont donc des personnes qui rêvent tout autant que les autres, mais oublient plus rapidement leurs rêves par un processus de refoulement plus important. En effet, l’expérimentation démontre que l’oubli des rêves arrive très vite : huit minutes après la fin de la phase paradoxale, il n’y a plus que 5 % des rêveurs qui se souviennent d’avoir rêvé lorsqu’on les réveille. Nous avons là l’explication du préjugé si répendu : « Moi, Monsieur, je ne rêve jamais. » Tout le monde rêve et ceux qui ne s’en souviennent pas peuvent retrouver progressivement le souvenir de leurs rêves, s’ils le désirent, avec les méthodes exposées ici.
Pour prouver de plus que la personne raconte bien le rêve qu’elle était en train de faire pendant la phase paradoxale et les mouvements oculaires, on produit des stimuli extérieurs (odeurs, contacts, bruits divers...) et l’on vérifie qu’ils ont bien été inté- grés dans le rêve.
Actuellement, la méthode a été perfectionnée, et l’on vient d’aboutir à un véritable magnétoscope du rêve. Il s’agit d’un appareil mis au point au Massachussetts Institute of Technology à Boston (USA) qui permet de traduire visuellement les ondes électroencéphalographiques, ce qui fournit le paysage mental du rêve. Et l’on fait encore mieux avec les sortes d’IRM.
Ayant maintenant les instruments permettant de repérer et de suivre les rêves, on a pu constater qu’ils se répartissaient régulièrement durant la nuit. L’étude du rythme nycthéméral (ou de 24 heures) du sommeil a été faite avec précision chez le nourrisson et chez l’enfant. Durant les trois premiers jours, l’enfant dort en moyenne 90 minutes puis s’éveille pendant 30 à 60 minutes, jour et nuit. Ce rythme de base de 90 minutes par soudure des périodes de la nuit va donner un sommeil continu de 22 heures à 7 heures du matin. Il va rester définitif sauf chez ceux qui font la sieste l’après-midi (méditerranéens, hindous...). Ce n’est que vers 10 ans que l’éducation parvient à séparer nettement en deux la période de veille de celle du sommeil. La prolongation du sommeil chez l’enfant de 12 ans et chez l’adulte n’est donc qu’un multiple de ce rythme de base de 90 minutes.
En enregistrant tous ces rythmes, Kleitmann et Dement découvrirent que pendant huit heures de sommeil moyen, l’être humain passe par quatre phases. En moyenne, on a la distribution suivante :
1. 90 minutes de sommeil + 10 minutes de R.E.M. 2. 90 minutes de sommeil + 20 minutes de R.E.M. 3. 90 minutes de sommeil + 24 minutes de R.E.M. 4. 90 minutes de sommeil + 36 minutes de R.E.M.
Pendant l’heure et demie de sommeil, nous passons successi- vement par les quatre stades du sommeil. Cela donne pour une nuit une courbe d’allure sinusoïdale à quatre sommets correspondants aux quatre rêves. Normalement, tout être humain fait donc 4 à 5 rêves par nuit soit 100 minutes en moyenne, et il est impossible de rêver plus. Les Américains ont offert, en vain, aux étudiants un dollar par quart d’heure de rêve en plus.
Marc-Alain Descamps
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