Les enfants d’aujourd’hui ne craignent plus les parents

« De plus en plus de jeunes “craignent” de moins en moins l’autorité. »
Nous entendons souvent dire : « Les enfants d’aujourd’hui ne “respectent” plus rien. » Cependant, après maintes discussions et réflexions, il nous apparaît plus juste de dire : « De plus en plus de jeunes “craignent” de moins en moins l’autorité. »

Je ne suis pas le premier à vouloir nuancer le mot « crainte » de celui de « respect ». Mais, encore aujourd’hui, ils ne font qu’un dans l’esprit des gens.

Pourtant, il y a une grande différence entre le véritable respect et celui qui implique des notions de crainte. Déjà, plusieurs saisissent la nuance simplement à partir de ces quelques mots. Toutefois, préciser la valeur du vrai respect épuré de sa notion de crainte m’apparaît comme un élément primordial en pédagogie moderne, surtout si nous parlons d’autorité saine.

Voulons-nous être craints ou respectés ? Voilà une question claire, qui mérite une réponse de chacun.

La crainte sous-entend des notions de peur et même d’abus de pouvoir. Le respect englobe toutes les autres notions. Mais avant de parler du vrai respect, sans la notion de crainte qui y est souvent accolée, voyons pourquoi les jeunes d’aujourd’hui ne craignent plus autant l’autorité et pourquoi ils ont la capacité d’y résister fortement. Il existe quatre facteurs.

 Les enfants sont de plus en plus intelligents et ont l’esprit alerte. Ce qui leur permet de comprendre plus rapidement :
• les faiblesses des adultes ;
• les failles et les incohérences du milieu dans lequel ils se retrouvent ;
• le jeu de la manipulation pour obtenir ce qu’ils désirent.

 Les enfants sont de plus en plus précoces pour ce qui est de leur développement psychologique. Ils peuvent, dès leur plus jeune âge, exprimer leurs aptitudes et faire montre de leur intelligence. Ainsi, tout petits, ils sont aptes à exploiter les points mentionnés précédemment, ce qui prend souvent par surprise les parents et les éducateurs.

Les enfants sont de plus en plus puissants sur le plan psychologique. Ils sont prêts, à tort ou à raison, à faire face à tout ce qui ne fait pas leur affaire, entre autres, à l’autorité.
 
Les enfants sont de moins en moins manipulables par les émotions.
Même s’ils en ont, ils n’acceptent pas pour autant de changer facilement leur comportement et de faire ce que nous leur demandons, surtout lorsque nous évoquons des raisons d’ordre émotif. C’est pourquoi ils résistent beaucoup à une éducation qui culpabilise, qui moralise et qui donne trop de raisons émotives, quelles qu’elles soient.

Voici quelques exemples de manipulations émotives fréquemment communiquées aux enfants : « C’est pas beau », « C’est pas bien », « Pour qui tu te prends ? », « Si tu nous aimais, tu ferais le ménage de ta chambre », « C’est toujours de ta faute », « Tu fais de la peine à maman », « Tu n’as pas honte ? », etc.

Bien sûr, ce portrait ne convient pas à tous les enfants et nous le retrouvons à différents niveaux, selon le cas. Mais il reflète très bien la tendance actuelle. Il nous permet de mieux comprendre l’attitude des jeunes à l’égard de l’autorité.

Dans toutes les activités que j’ai eu le plaisir d’animer, et où je décrivais ainsi les jeunes d’aujourd’hui, les gens reconnaissaient cette réalité.
Ce type de caractère, dit « téflon », n’empêche pas pour autant l’enfant de pouvoir bénéficier d’une bonne éducation et de vivre de bonnes relations avec les adultes. Cela dépend entièrement de la façon dont on s’y prend pour les éduquer. Mais, indépendamment du type d’éducation donné, il est clair que ce caractère, de plus en plus déterminant chez les enfants, fait en sorte qu’ils ne craignent plus l’autorité.

Ceci ne signifie pas qu’il ne doit plus y avoir d’autorité. Absolument pas ! Il s’agit, pour l’instant, de simplement constater que le type de respect qui faisait émerger la crainte chez les enfants d’autrefois a de moins en moins d’emprise sur les jeunes d’aujourd’hui. Car la peur, qui faisait taire leurs opinions et leurs mécontentements, ne fonctionne plus autant.

Voilà déjà une bonne raison de vouloir cesser d’être craint et d’essayer plutôt d’être vraiment respecté et aimé.
Voilà aussi pourquoi nous devrions cesser de croire que les jeunes d’aujourd’hui ne respectent plus rien. En fait, plusieurs d’entre eux ne craignent plus rien. Cela ne signifie pas qu’ils ne peuvent plus rien respecter.

L’enfant, roi et maître
Au temps des grandes familles, où frères et sœurs se retrouvaient en grand nombre sous un même toit, pour ne pas dire dans la même chambre, les relations familiales étaient différentes. Les parents ne pouvaient guère porter leur attention uniquement sur un seul enfant. Ils donnaient ce qu’ils pouvaient, et la marmaille prenait ce qu’elle pouvait. Quitte à le partager ou à se chamailler, selon les mœurs de la maison.

Aujourd’hui, avec nos familles restreintes, l’enfant reçoit beaucoup d’attention. Il vit dans son petit royaume. Il découvre rapidement qu’à la maison, ses parents lui sont entièrement dévoués. Il voit qu’on lui accorde beaucoup d’importance. Cela lui confère une force, voire un pouvoir. Haut comme trois pommes, il le comprend déjà.

De plus, lorsque les parents travaillent à l’extérieur, ils cherchent à gâter l’enfant pour compenser leur absence. Ils auraient l’impression d’être de mauvais parents s’ils ne succombaient pas à ses diverses demandes. D’autres, sans même avoir besoin d’être absents, ont un penchant naturel pour répondre aux caprices de leurs enfants.

Si l’enfant est habitué à recevoir beaucoup d’attention et si le parent ne sait pas dire non face à certaines demandes ou à certains comportements de l’enfant, celui-ci découvrira rapidement qu’il est le roi et le maître à sa façon.

Dans ces conditions, et avec le caractère des enfants d’aujourd’hui, tout est en place pour qu’ils puissent manipuler à leur guise.

Je travaille depuis maintenant quelques années au Centre pour enfants téflons du Québec. Je viens en aide aux parents qui ne savent plus quoi faire avec leur enfant.

Deux mères m’ont raconté une histoire identique vécue dans leur foyer respectif. Leur enfant attira leur attention à l’extérieur de la maison. Une fois que la mère fut sur le balcon, l’enfant rentra rapidement à l’intérieur et verrouilla la porte. La mère, sous l’effet de la surprise et dépassée par les événements, constata avec grand regret que l’enfant en profitait pour lancer contre les murs toute la nourriture qu’il trouvait dans la cuisine. Un de ces enfants avait trois ans et demi, l’autre, quatre ans et demi.

Après qu’elles m’eurent relaté cette histoire, j’ai eu une brève discussion avec elles et leur ai expliqué qu’elles auraient intérêt à être un peu plus fermes avec leur enfant. Elles m’ont toutes deux dit qu’elles avaient peur d’être trop fermes : « Il est trop jeune pour comprendre. J’ai peur de lui parler sur un ton dur. »
Pourtant, si ces enfants sont capables à leur jeune âge de faire une telle chose, ils sont tout autant en mesure de comprendre rapidement ce que leurs parents font et disent. Ils peuvent assumer les conséquences. Et si personne n’intervient de façon plus dynamique dès maintenant, ils risquent de devenir des « petits monstres », selon l’expression populaire.


Nous pourrions raconter de nombreuses histoires, particulières ou banales, qui démontreraient à quel point les parents d’aujourd’hui sont passés à un autre extrême.
Un peu trop mous ? Un peu trop bons ? Peur des réactions de l’enfant ? Peur d’être trop fermes ? Peur d’être jugés par les autres ? Vouloir conquérir l’affection de l’enfant ? Peu importe les raisons, l’enfant découvre rapidement qu’il peut manœuvrer à sa guise. Dans ce contexte, comment pouvons-nous instaurer une notion de respect et vivre en harmonie ?

 


Robert  Langis

 

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