Les composantes du respect de soi



On ne peut pas obliger un enfant ou toute autre personne à nous traiter de façon respectueuse, mais on peut se traiter soi-même avec respect et bienveillance. Se respecter, c’est ne pas porter atteinte à son corps, c’est en prendre soin, ne pas le maltraiter et lui fournir ce dont il a besoin pour demeurer en santé. C’est également prendre soin de sa personne à tous les niveaux : protéger sa vie privée, tenir compte de ses désirs, de ses limites et de ses besoins affectifs, protéger son espace intime, etc. Cette forme de respect est étroitement liée à l’estime de soi, à la valeur que l’on s’attribue en tant que personne dans différents domaines.

Il faut d’abord se connaître, s’accepter, s’aimer et se reconnaître pour arriver à se respecter. Il faut parfois toute une vie pour y parvenir. Courage ! C’est un voyage exaltant qui vous rapportera, à vous et vos enfants, plus que vous n’espérez ! Il existe une foule de livres sur le sujet. À l’aide d’exemples concrets, voici un survol de ces notions qui constituent le respect de soi.

> Virginie
Lorsque Virginie m’a affirmé ne pas être respectée de son enfant, ma première interrogation aété celle-ci : « Vous respectez-vous dans votre vie de tous les jours ? Vous aimez-vous ? Vous affirmez-vous ? Au travail ? En famille ? En tant que parent ? Assumez-vous pleinement et adéquatement votre rôle de parent ? Affirmez-vous votre autorité comme il se doit ? Le faites-vous de façon respectueuse ? » Virginie a fini par admettre qu’elle éprouvait des difficultés à se respecter et à s’affirmer, comme bon nombre d’adultes, parents ou non.

L’acceptation de soi et l’amour de soi
Comment respecter qui je suis si je ne me connais pas, si je ne m’accepte pas et si je ne m’aime pas ? C’est impossible. Vous devez tenter d’établir qui vous êtes, ce que vous aimez faire, ce que vous aimeriez être et avoir. Il vous faut ensuite vous reconnaître et vous estimer en tant que personne, puisque le respect attire le respect.

Le respect de soi passe d’abord par l’acceptation de soi et l’amour de soi, et ce, sous plusieurs aspects.

L’aspect physique
L’acceptation de soi commence par ce qui est le plus visible : le corps. Quels sentiments éprouvez-vous envers lui ? L’acceptez-vous et l’aimez-vous ? Le respectez- vous ? La popularité de la chirurgie esthétique à notre époque et dans notre société montre bien à quel point nous avons de la difficulté à accepter notre corps tel qu’il est. Le modèle de perfection qui s’impose dans les publicités rend l’acceptation de soi particulièrement difficile. Travailler à accepter notre corps, à l’aimer tel qu’il est et à le démontrer dans nos attitudes et nos comportements, voilà une voie saine à privilégier si nous souhaitons que nos enfants s’acceptent et s’aiment tels qu’ils ont.

Y a-t-il quelque chose que vous pouvez changer pour aimer davantage votre corps ? Sinon, pouvez-vous imaginer commencer à l’aimer ? Comment votre enfant arrivera- t-il à s’accepter si vous dénigrez sans cesse votre propre corps ? Avez-vous tendance à le critiquer de façon négative ? Si c’est le cas, évitez de le faire devant vos enfants.

> Des modèles dommageables
Récemment, en sortant de chez moi, j’ai constaté qu’une séance de photos se déroulait dans le jardin commun. En observant la jeune fille en bikini, j’ai tout de suite ressenti un malaise. Les formes du mannequin, qui n’avait que la peau sur les os, me rappelaient celles des femmes en phase terminale que je soignais en tant qu’infirmière. Il est aberrant que l’on propose de tels modèles de beauté dans les publicités. Cela est contre nature et très dommageable pour les jeunes filles en quête de modèles.
Avec l’idée du corps vient celle de la pudeur. On peut définir celle-ci comme une « disposition à éprouver de la gêne devant ce qui peut blesser la décence, devant l’évocation de choses très personnelles et, en particulier, l’évocation de choses sexuelles6 ». La pudeur consiste à garder pour soi ce qui est du ressort de l’intime. Certains spécialistes s’entendent pour dire que tant que l’enfant n’exprime pas de malaise face à la nudité de ses parents, il n’y a pas lieu de la dissimuler. D’autres affirment qu’il est préférable de se vêtir en présence des enfants lorsque ces derniers commencent à marcher ou qu’ils atteignent l’âge d’un an. L’enfant en bas âge peut en effet ressentir un malaise sans être en mesure de l’exprimer.

Voici quelques pistes de réflexion sur le sujet :
◗ Portez-vous des vêtements (décolleté ou autre) qui pourraient entraîner un malaise ou de la gêne chez les personnes que vous côtoyez ou même chez vos enfants ?
◗ Êtes-vous un modèle de respect de soi inspirant pour vos enfants en termes d’habillement ?
◗ Quel langage et quel vocabulaire employez-vous en relation avec le corps ? Utilisez-vous les termes justes pour parler de la sexualité et des organes sexuels ou employez-vous des termes vulgaires ?
◗ Est-ce que vous faites des blagues « déplacées » concernant le corps, la sexualité ou les relations sexuelles en présence de vos enfants ?
◗ Y a-t-il lieu de modifier votre langage ou certains comportements concernant le respect de votre corps ?

Les forces et les limites
Il est difficile et épuisant de tenter d’être autrement que ce que l’on est. Plus on pose le regard sur ce qui nous fait défaut, plus cela prend d’importance. De la même façon, plus on éprouve de gratitude pour ce que l’on a, moins on voit ce qui nous manque. Choisissez-vous de voir le verre à moitié plein ou à moitié vide ?

Tout comme nos qualités, nos limites font de nous des personnes uniques. Voici des exemples de phrases que vous pouvez dire en présence de vos enfants pour leur montrer que vous acceptez vos limites :
◗ Pendant que vous jouez avec lui, vous pouvez dire à votre petit : « Tu sais combien il est difficile pour moi de lancer le ballon pour qu’il tombe directe- ment entre tes mains, même si je m’exerce souvent avec toi. On peut le faire rouler par terre. Je suis bonne là-dedans ! »
◗ Lorsque vous accompagnez votre enfant durant la période des devoirs et des leçons, vous pouvez dire : « Ou tu commences seul tes devoirs en mathématiques ou tu attends ton père. Mes aptitudes sont faibles dans ce domaine. Peut-on commencer par le français ? Je suis forte dans cette matière. »
◗ En parlant à votre adolescent de son récent anniversaire, vous pouvez dire : « Je suis capable d’identifier le visage de tes amis présents à ta fête samedi, mais il m’est difficile de me souvenir des noms. Mais si tu me décris Virginie, je suis certain que je saurai qui c’est. »
◗ Lors de la planification des repas, vous pouvez mentionner: «J’ai beaucoup de facilité à griller les viandes, mais cuisiner les mijotés, ce n’est pas ma force. Peux-tu t’en occuper, Julie ? »


Ces petites phrases anodines peuvent faire une réelle différence dans la vie de vos enfants. Tout comme les adultes, ils aimeraient bien être parfaits. Ils ont besoin de vous pour les aider à s’aimer et à s’accepter tels qu’ils sont, malgré leurs imperfections. En parlant ouverte- ment de vos faiblesses ou de vos limites, vous aidez votre enfant à accepter les siennes.

L’affirmation de soi
Pour inspirer le respect aux enfants ou à toute autre personne, vous devez oser dire oui. Si l’on vous propose par exemple de passer vous prendre pour aller à une réunion et que vous avez envie d’accepter, dites oui sans hésiter. Après tout, la personne ne vous le proposerait pas si cela représentait un trop long détour pour elle ou si elle n’en avait pas envie.

Pour inspirer le respect aux enfants ou à toute autre personne, vous devez aussi oser dire non. Si l’on vous demande, par exemple, si le choix musical de la fête d’hier vous a plu et que ce n’est pas le cas, n’hésitez pas à répondre franchement et sans détours. Qu’est-ce qui nous empêche de nous affirmer en utilisant simplement oui ou non ? Serait-ce la peur de déplaire, de déranger, d’être différent ou d’être jugé ?

Après l’acceptation de soi vient donc l’affirmation de soi. L’affirmation de soi consiste à différencier ce qui nous convient de ce qui ne nous convient pas et d’ainsi poser nos limites. Vous aimez rendre service, mais cela ne vous convient pas toujours. S’il est bon d’être aimable et serviable avec les autres, il ne faut pas non plus s’oublier soi-même. Nous devons d’abord savoir prendre soin de nous-mêmes et satisfaire nos besoins pour être en mesure de prendre soin des autres.

Lorsqu’elle est pratiquée dans le respect des autres et de l’environnement, l’affirmation de soi est la manifestation visible de l’estime de soi. S’affirmer ne signifie pas se mettre en colère pour donner son point de vue à tout prix. Ce n’est pas non plus dénigrer ou écraser l’autre en lui donnant des ordres ou en l’humiliant. S’affirmer, c’est exprimer son avis calmement, sans agressivité ni violence, tout en respectant et en écoutant l’opinion de l’autre. Les personnes qui ont de la difficulté à s’affirmer ont de la difficulté à dire non, à demander un ser- vice ou de l’aide à un autre adulte, à faire ou recevoir un compliment et à prendre leur place dans différentes situations du quotidien. Heureusement, l’affirmation de soi s’apprend et se développe à tout âge, tout comme l’estime de soi. Le parent a un rôle important à jouer : plus il s’affirme, plus son enfant aura de la facilité à s’affirmer à son tour.

Quelques exemples d’affirmation de soi concernant les besoins, les désirs et les rêves
◗ Au moment du repas, vous pouvez dire à votre enfant : « J’ai besoin d’aide pour la préparation du repas. Que choisis-tu de faire pour m’aider ? » Affirmer ses besoins et se respecter, c’est aussi dire : « Je ne peux pas préparer le repas toute seule. Si vous ne voulez pas m’aider, vous pouvez vous préparer des sandwichs tout seuls. »
◗ À l’approche de votre anniversaire, vous pouvez dire: «Pour ma fête, j’aimerais beaucoup qu’on me chante “ Joyeux anniversaire ” et qu’on m’offre un gâteau préparé par ma famille avec des bougies. Cela me ferait vraiment plaisir. »
◗ Dans un moment où chacun parle de ses projets et de ses rêves, vous pouvez dire : « Je rêve qu’un jour nous puissions faire une journée complète de randonnée tous ensemble. »

Il est important d’oser demander ce dont on a besoin, qu’il s’agisse d’un service, de réconfort, de précisions, etc. Il est décevant de ne pas voir nos souhaits se réaliser. Demeurer dans l’attente peut même être souffrant.

Dans ce cas, nous n’assumons pas la responsabilité de nos besoins et de nos désirs. Or si on demande clairement ce dont on a besoin, ce qui est important pour nous, nos chances de l’obtenir sont forcément plus grandes.
◗ Vous pouvez dire à vos enfants : « Je veux lire au minimum 30 minutes sans être dérangée cet après-midi. »
◗ Rappelez à votre conjoint que vous aimeriez sortir seule avec lui plutôt que de vous dire constamment : « Il sait pourtant que j’aime sortir seule avec lui. Je lui ai dit mille fois ! Il devrait me le proposer plus souvent ! »
◗ Demandez à votre amoureux : « Peux-tu me serrer dans tes bras ? J’ai eu une rude journée et cela me ferait beaucoup de bien. »
◗ Plutôt que d’attendre qu’on remarque votre coupe de cheveux ou votre coiffure, prenez les devants et demandez : « Comment trouves-tu mes cheveux ? »
◗ Vous attendez que votre beau-frère vous offre son aide pour remplacer votre clôture ? Vous vous dites que c’est à son tour puisque vous l’avez aidé l’été dernier? Même si vous lui en avez déjà parlé, demandez-lui tout simplement son aide au lieu d’attendre qu’il vous l’offre.
◗ Un collègue vous a emprunté 20 dollars il y a quelques semaines et il ne vous a pas encore remboursé? N’hésitez pas à le lui rappeler : « Peux-tu me rembourser l’argent que je t’ai prêté l’autre jour ? » On est parfois mal à l’aise de demander son dû, mais ce que l’on a prêté — argent ou autre — nous appartient. Demander qu’il nous soit remis est une forme de respect de soi.

Lorsque nous exprimons nos besoins, nos désirs et nos rêves sans obliger, menacer ou culpabiliser les autres et en leur laissant la liberté d’y répondre ou non, nous nous respectons et nous nous affirmons. Si vous exprimez vos besoins, vos désirs et vos rêves et que personne n’en tient compte, il est possible, au fil du temps, que vous ayez moins envie de satisfaire les désirs et les rêves des autres... Dans ce cas, il faut chercher à continuer de vous respecter en adoptant des attitudes d’affirmation et de respect plutôt que des intentions de vengeance.

> William
Lorsque William, 10 ans, a demandé à ses parents d’inviter huit amis, d’avoir un gâteau en forme de ballon de soccer et de faire plusieurs activités pour sa fête, Catherine, sa mère, a répondu : « J’ai envie de te faire plaisir, mais, en même temps, je sens que je n’ai pas l’énergie ni le goût de faire d’efforts. Je me sens en manque récemment, un peu à sec. Mes besoins ne sont pas comblés. Cela fait un bon moment que je ne reçois pas l’aide que je demande pour le rangement ou la préparation des repas... »

William s’est excusé et a immédiatement proposé à sa mère de l’aider à ranger ou à préparer le prochain repas.

À vous de déterminer vos limites dans une telle situation. Si Catherine et son conjoint Stéphane décident de satisfaire les désirs de leur fils, il faudrait que ce soit en exigeant davantage d’efforts. Ils pourraient dire, par exemple : « Si tu t’occupes des invitations et des activités et que tu nous donnes un coup de main pour la prépa- ration du goûter, nous te ferons la surprise du gâteau. Qu’en dis-tu ? » Voilà une façon sensible et respectueuse de prendre sa place et d’affirmer ses limites et ses besoins tout en donnant de l’importance à ceux qu’on aime. En agissant ainsi, vous apprenez à vos enfants à faire de même. On ne peut pas donner sans jamais recevoir, sans quoi on se retrouve totalement vidé.

 

Brigitte Racine


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