Le soutien à la communication des enfants



Les parents sont souvent assaillis par le doute et l’inquiétude lorsqu’ils apprennent que leur enfant a un trouble de langage. Plusieurs se questionnent notamment sur leur capacité à soutenir le développement de leur enfant et à répondre à ses besoins particuliers. Or, il faut savoir que la majorité des parents ont naturellement ce qu’il faut pour stimuler leur enfant et s’adapter à sa progression. Il est donc probable que vous utilisiez déjà bon nombre des stratégies présentées dans les pages qui suivent. Pourquoi, alors, lire ce chapitre ? Tout simplement parce que le fait de mieux comprendre pourquoi, quand et comment les appliquer vous permettra d’agir plus judicieusement et efficacement.

Ce chapitre présente les stratégies de communica- tion et les adaptations pouvant être mises en place par les familles et les proches pour diminuer les impacts du trouble du langage. Il conclut avec des exemples de leur utilisation dans trois contextes d’interaction à la fois courants, intéressants et efficaces : les jeux, les routines quotidiennes et la lecture.

Stratégies générales pour stimuler le développement du langage
La majorité des techniques de base employées en orthophonie s’inspirent du langage utilisé par les parents au cours du développement de l’enfant : ralentissement de la parole, modulation accentuée de la voix, phrases courtes, pauses et redondances. Cette façon de faire favorise le développement de l’enfant. Comme dans une danse, l’adulte s’adapte aux besoins et au rythme de l’enfant.

Logique et naturelle, cette manière d’interagir peut être appliquée partout : elle ne demande ni contexte ni matériel particulier. Saine, elle contribue à créer un attachement plus fort et une communication plus enrichissante entre l’enfant et son entourage. Utilisée régulièrement, elle favorise un développement plus rapide et harmonieux de l’enfant. Elle s’adapte en outre aux différentes difficultés d’expression ou de compréhension que peuvent présenter les enfants atteints d’un trouble de langage.

Ces stratégies de stimulation évoluent naturellement avec l’enfant. Elles peuvent être regroupées en trois périodes dont la durée dépend de la progression du jeune : les premiers mots et les premières combinaisons de mots, l’élaboration des phrases et le perfectionnement du langage.
Premiers mots et premières combinaisons de mots : viser la simplicité

> Anaïs
Anaïs, 3 ans, a tardé à prononcer ses premiers mots. Elle fait main- tenant des phrases de deux ou trois mots, qu’elle prononce labo- rieusement. L’orthophoniste qui vient de la rencontrer soupçonne un trouble de langage. Au début de son suivi, il a suggéré aux parents de ralentir leur débit de parole et de s’exprimer avec des phrases courtes en prenant le temps de prononcer clairement les mots. Comme l’attention d’Anaïs est de courte durée, ils doivent prendre soin de se mettre à sa hauteur et de se placer face à elle pour lui parler. Ils accompagnent aussi leurs mots de gestes lorsque cela est possible. Enfin, pour l’inciter à parler, ils lui demandent de les imiter et lui donnent des choix entre deux réponses plausibles lorsqu’elle veut quelque chose.

Il est fascinant d’observer des adultes parler à de jeunes enfants. Ils attirent leur attention, parlent moins vite, optent pour des messages courts, exagèrent leur prononciation, prennent une intonation plus chantante et répètent avec beaucoup d’emphase les mots importants. Ils incitent également les enfants à les imiter ou à parler.

Cette façon de stimuler l’apparition du langage est très efficace jusqu’à ce que l’enfant commence à élaborer de lui-même de courtes phrases. Il arrive pourtant qu’elle soit délaissée avant que cette étape ne soit franchie. Il a par exemple été démontré que les parents d’enfants ayant un trouble de langage avaient tendance à abandonner rapidement ces façons de faire, notamment parce que les réactions de l’enfant ne les encouragent pas à continuer. L’enfant en a pourtant besoin plus que de toute autre chose. Le parent doit donc faire un effort supplémentaire pour continuer à les utiliser intensivement.

En simplifiant votre langage, vous vous assurez que l’enfant comprend tous les mots que vous dites.
En mettant de l’emphase, en exagérant et en répétant les mots clés, vous attirez son attention (souvent fragile, comme on l’a vu) sur les éléments importants de votre message ou sur ce qu’il ne connaît ou ne produit pas encore.

En ralentissant votre débit de parole, vous lui per- mettez de faire des liens entre ce qui se passe et ce que vous dites. Vous l’aidez aussi à mémoriser l’information. Vous lui permettez ainsi de maîtriser peu à peu le sens des mots et les subtilités du langage.

En mettant de l’expression, vous suscitez son intérêt et vous provoquez des sensations qui serviront d’assises pour construire le sens des mots.

En observant l’enfant et en vous basant sur ses pré- férences et ses tentatives de communication verbale ou non verbale (gestes, regards, réactions physiques, etc.), en cherchant à interpréter ce qu’il veut dire et en y mettant des mots, vous vous assurez de créer un contexte favorable à l’imitation.

Enfin, en lui demandant d’imiter vos productions dans un contexte pertinent de son point de vue, tout en respectant ses limites, vous lui apprenez à utiliser le langage. À l’enfant qui veut manifestement une banane, on peut par exemple dire : « Qu’est-ce que tu regardes ? Ah ! Une banane ! Tu veux une banane ? Dis-le avec moi ! Banane ». Cette demande d’imitation doit être faite sans trop d’insistance et en respectant simplement la façon habituelle de dire les mots — et non leur forme écrite, qu’il découvrira bien plus tard. Elle doit aussi s’inscrire dans la logique de ce qu’il vient de dire.

À cette étape, on recherche une certaine redondance de l’information en combinant les gestes, les images, l’action, les sensations et les mots. On peut par exemple laisser l’enfant toucher l’objet et l’explorer ou encore sentir le mouvement avant de le nommer. On peut ensuite parler de ses caractéristiques et de ce à quoi il peut servir. On commence ainsi à créer des liens de plus en plus

forts entre les mots. Sur le plan visuel, il est important de s’assurer que l’enfant peut voir vos lèvres quand vous prononcez les mots. On peut le faire en mettant les objets nommés près de la bouche.
Il ne faut pas oublier par ailleurs que l’enfant ayant un trouble de langage a besoin d’entendre les mots maintes et maintes fois pour les apprendre et savoir comment les combiner. Ces stimulations ne s’appliquent pas qu’aux objets, mais aussi aux actions, aux lieux et aux personnes.

Ces stratégies sont particulièrement utiles pour aider l’enfant à faire ses premières demandes, à formuler des commentaires et à exprimer ses goûts et ses préférences. Elles restent pertinentes même à un âge plus avancé pour introduire de nouvelles habiletés, de nouveaux mots et de nouvelles façons de dire.

 

Isabelle Meilleur, Annick Proulx, Tamara Bacheleet, Annik Arsenault

 

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Les troubles du langage chez l'enfant