La dépression, qu’est-ce que c’est ?

 Il existe différentes façons d’envisager la dépression. J’en aborde quelques-unes au chapitre, mais pour commencer, je souhaiterais rappeler une information essentielle: la dépression n’est pas un état psychologique ou émotionnel, pas plus qu’une maladie mentale. Ce n’est pas une forme de démence. C’est une maladie physique.


Il existe différentes façons d’envisager la dépression. J’en aborde quelques-unes au chapitre, mais pour commencer, je souhaiterais rappeler une information essentielle: la dépression n’est pas un état psychologique ou émotionnel, pas plus qu’une maladie mentale. Ce n’est pas une forme de démence. C’est une maladie physique.

Il ne s’agit pas là d’une métaphore, mais d’un fait. La dépression clinique est une pathologie physique de la même manière qu’une pneumonie ou une fracture de la jambe. Si je pratiquais une ponction lombaire chez mes patients, cela me permettrait de montrer, à partir d’une analyse du liquide céphalorachidien (le liquide dans lequel baignent le cerveau et la moelle épinière), la carence de deux éléments chimiques normalement présents en grandes quantités dans le cerveau, et plus particulièrement dans certaines de ses structures.

Les structures concernées sont réparties dans différentes régions du cerveau, mais elles sont reliées par un circuit appelé le système limbique.

Le système limbique contrôle un certain nombre de processus dans notre organisme, comme les cycles de sommeil et d’éveil, la régulation de la température, la stabilité de l’humeur, les habitudes alimentaires et les hormones: toute hormone présente dans l’organisme est directement ou indirectement contrôlée par le système limbique. C’est le système limbique qui assure le maintien d’un équilibre entre toutes ces fonctions.

La notion de « circuit réverbérant » est familière aux ingénieurs électriciens. Au cœur de toutes machines complexes, on trouve un circuit réverbérant. Ainsi, par exemple, lorsqu’un avion gros-porteur affronte un vent latéral, le pilote doit compenser par un angle de dérive en agissant sur le gouvernail et les ailerons, mais cela lui implique aussi de modifier l’orientation des volets des ailes, faute de quoi l’avion tomberait. Ce n’est pas sans conséquence sur la poussée que doivent fournir les réacteurs, et ainsi de suite. Le moindre changement a donc des retombées sur les différents éléments de l’appareil éloignés les uns des autres. Pour coordonner le fonctionnement de la machine dans son ensemble, compenser les changements et maintenir un équilibre entre les différents éléments et fonctions, il faut un élément central. Cet élément central, c’est un circuit réverbérant, c’est-à-dire un circuit électrique comportant de nombreuses entrées et sorties et permettant à chaque élément de la machine de « dialoguer » avec les autres et d’assurer la compensation appropriée lorsqu’un changement s’impose. C’est une sorte de thermostat géant qui contrôle un grand nombre de fonctions simultanément.

Le système limbique est un circuit réverbérant. Sa fonction la plus importante, outre les fonctions que j’ai déjà mentionnées, est de contrôler l’humeur. Il y parvient remarquablement bien.

Compte tenu de tout ce qui se passe dans notre quotidien, l’humeur d’un être humain est généralement très stable, et elle revient très rapidement à la normale après un épisode marquant. On doit exclure de ces considérations le deuil d’un proche, qui est un processus distinct et qui demande plus de temps que celui normalement nécessaire à notre organisme pour s’adapter aux grands événements. Supposons, par exemple, que vous gagniez un million d’euros au jeu Qui veut gagner des millions ? ou au Loto® : vous allez connaître pendant quelques jours un état d’excitation particulier, après quoi votre humeur retrouvera son état normal, avec quelques pointes de temps à autre, surtout pendant les premières semaines, comme lorsque vous vous achèterez votre première Ferrari®. Cependant, un mardi, à 15 h 30, à quelques semaines de là, votre humeur ne sera en rien différente de ce qu’elle était avant ce grand changement dans votre vie.

Fondamentalement, à long terme, notre humeur ne dépend donc pas des événements que nous traversons ni de notre qualité de vie, mais de notre système limbique.

Cependant, comme tout système et comme toute structure dans notre organisme, le système limbique a ses limites. À l’instar d’un os qui casse si on le frappe assez longtemps ou assez fort, il peut céder.

Son dysfonctionnement peut avoir plusieurs causes, par exemple la grippe ou une autre maladie virale. Pour la plupart d’entre nous, il nous est arrivé de traverser un moment de dépression plus ou moins accentuée après une telle affection. C’est très désagréable et invalidant mais, en temps normal, cela passe rapidement. Parfois cependant, le problème persiste et donne lieu à un épisode de dépression clinique pure et simple. À ce propos, il ne faut pas confondre ce type de dépression avec le «syndrome de fatigue chronique» ou encéphalomyélite myalgique, qui est une autre maladie très ennuyeuse, même si elle a aussi tendance à succéder à une pathologie virale.

Les autres facteurs de dysfonctionnement du système limbique sont les dérèglements hormonaux, la consommation de drogues, l’excès d’alcool, l’absorption de certains médicaments, des changements trop importants et trop nombreux survenant dans l’existence, la perte de proches de façon trop répétée, et le fait d’être confronté à des choix correspondant à des besoins contradictoires.
Néanmoins, le facteur déclenchant le plus courant – et de loin – est le stress.

Au bout du compte, quelle que soit la cause, le résultat est le même. Si le système limbique est sollicité au-delà de ses limites naturelles, il connaîtra des dysfonctionnements. Cela se passe au niveau de l’écart entre la terminaison d’un nerf et le commencement d’un autre, c’est-à-dire au niveau d’une synapse. Le système limbique en comporte des millions, qui constituent la partie la plus vulnérable du circuit. Une fibre nerveuse est assez semblable à un câble. Un influx nerveux qui apparaît au départ d’une fibre en atteint la terminaison sans difficulté: le moment le plus délicat est la traversée de la synapse. Pour permettre ce passage, le premier nerf libère des substances chimiques dans la synapse en réponse à l’arrivée de l’influx à son extrémité. Ces substances traversent la synapse, et quand elles parviennent en quantité suffisante là où commence la prochaine fibre nerveuse, un influx est déclenché.

La continuité et le fonctionnement du circuit sont donc assurés par l’influx nerveux.
Dans le cas d’une dépression clinique, ce sont ces substances, appelées neurotransmetteurs, qui sont affectées. En réaction au stress ou à un des autres facteurs, les niveaux de ces substances dans les synapses du système limbique chutent (et les nerfs deviennent probablement moins sensibles à ces substances). À ce jour, on ne connaît pas très bien le pourquoi de ce phénomène, mais c’est ainsi que les choses se passent et cela provoque un blocage du système limbique.

Ces substances chimiques sont la sérotonine et la nor- adrénaline ainsi que deux autres, la dopamine et une hormone appelée la mélatonine, dont on a découvert plus récemment qu’elles jouaient aussi un rôle. En réalité, on ne connaît pas précisément le fonctionnement de ces substances chimiques et de ces mécanismes nerveux. Plus nous en savons sur le système limbique, plus nous nous rendons compte que nous ignorons tout. N’en est-il pas toujours ainsi? Il n’en demeure pas moins que les changements chimiques au niveau du système limbique jouent un rôle important dans le développement de la dépression.

Quand le système limbique fonctionne mal, on voit apparaître une série de symptômes caractéristiques. Ces symptômes définissent la dépression clinique et la distinguent d’autres états comme la tristesse, le mécontentement et le stress. Les mêmes symptômes se retrouvent dans certaines autres pathologies comme la fièvre glandulaire, une forme d’hypothyroïdie, ou l’encéphalomyélite myalgique, et une personne en proie à un stress important peut en présenter certains. Cependant, si vous les présentez tous ou pratiquement tous, c’est que vous êtes atteint de dépression clinique. La plupart de ces symptômes se classent sous la rubrique «perte de». On pourrait presque parler de perte généralisée: tout se passe comme si le corps tout entier s’arrêtait de fonctionner, et comme je l’expliquerai plus loin, ce peut bien être effectivement le cas.

Dr Tim Cantopher

 

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