L’adolescence, l’effervescence des sentiments

Adolescence et effervescence sont deux mots qui résonnent si bien. Tous les adultes ont connu cette période et beaucoup l’ont oubliée, et pourtant de nombreux souvenirs y sont attachés. Il n’est pas rare qu’une musique nous y replonge, qu’un parfum nous alerte, qu’un prénom ravive en nous les amours d’antan. Cette période charnière, cette antichambre de la vie d’adulte est le terreau de notre devenir et pourtant elle se déroule avec un nombre de contradictions incalculable. Si les sentiments à cette époque sont exacerbés, ils se vivent avec un imaginaire extraordinaire. Les changements hormonaux perturbent notre stabilité et risquent de nous faire vivre les événements avec une grande sensibilité ; ces chamboulements peuvent s’exercer dans différentes directions, le spleen, l’enthousiasme irraisonné, la tristesse, le dépit, le désir irrésistible, la perte de contact avec la réalité, « le délire »... Tout est profondément amplifié et si peu maîtrisé ! Si à l’âge adulte nous vivions les mêmes fluctuations, nous serions bien souvent déconnectés de la réalité et en grande difficulté.
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Adolescence et effervescence sont deux mots qui résonnent si bien. Tous les adultes ont connu cette période et beaucoup l’ont oubliée, et pourtant de nombreux souvenirs y sont attachés. Il n’est pas rare qu’une musique nous y replonge, qu’un parfum nous alerte, qu’un prénom ravive en nous les amours d’antan. Cette période charnière, cette antichambre de la vie d’adulte est le terreau de notre devenir et pourtant elle se déroule avec un nombre de contradictions incalculable. Si les sentiments à cette époque sont exacerbés, ils se vivent avec un imaginaire extraordinaire. Les changements hormonaux perturbent notre stabilité et risquent de nous faire vivre les événements avec une grande sensibilité ; ces chamboulements peuvent s’exercer dans différentes directions, le spleen, l’enthousiasme irraisonné, la tristesse, le dépit, le désir irrésistible, la perte de contact avec la réalité, « le délire »... Tout est profondément amplifié et si peu maîtrisé ! Si à l’âge adulte nous vivions les mêmes fluctuations, nous serions bien souvent déconnectés de la réalité et en grande difficulté.

Pendant mon adolescence, j’ai vécu des périodes de mysticisme, vivant auprès de religieux dans une abbaye ; j’ai aussi vécu de nombreuses déceptions amoureuses tant mon imaginaire et l’attraction des sentiments se heurtaient en moi. J’ai vécu quelques périodes de révolte, durs et nécessaires moments, et aussi des instants paradisiaques. L’expression du tout est possible, l’expression du rien aussi. Mais je me souviens qu’une énergie intérieure m’invitait à toujours rebondir ! Quelle énergie... Une envie d’aimer était toujours présente, elle a bien souvent été maltraitée, puis cachée et refoulée... À mon époque la sexualité était un tabou par excellence, autant dire qu’il fallait se débrouiller et rencontrer les mystères de la vie avec inquiétude, peur, fascination, et une certaine exaltation...

Pourquoi j’évoque ces questions ? Je pense que cette période est souvent mal perçue et mal comprise par l’entourage. Et pourtant, c’est l’époque des émois, des premières relations sentimentales vécues en cachette, c’est aussi l’époque des amours inachevées, des blessures sentimentales, dit autrement des blessures de l’égo, des drames d’aventures amoureuses sans lendemain. Les sentiments sont quelquefois meurtris et masqués tant l’adulte ne peut pas comprendre. Toute cette passe de vie constitue un jardin secret fait de grands bonheurs et de grandes déceptions, et, quand ce jardin demeure habité par les chardons de l’échec, du dépit amoureux, il est probable que le trouble se réveille à grand bruit dans notre vie d’adulte.

En chacun de nous subsiste une part d’adolescence ; il est utile de pouvoir achever ce qui a été douloureux, il est essentiel de percevoir ce chemin qui nous a conduits à nos choix d’adulte. Combien d’adultes en difficulté suite à une séparation amoureuse évoquent une relation lors de leur jeunesse qui s’est soldée par un échec ! et de nombreuses souffrances émotionnelles jaillissent. Les premières amours sont vécues avec tant de force, de conviction, et quand elles restent ainsi sans lendemain, les troubles sont prêts à se raviver en vous. C’est un feu qui couve et il encombre votre existence. Mais à cet âge-là, le réflexe premier est de le cacher, de l’étouffer ou de l’amplifier en rêveries secrètes, créant la nostalgie. Cet état compromet alors votre bonheur dans le présent de votre vie. Quand j’étais adolescent, je croyais que Dieu tout-puissant pouvait remédier à tout, ce n’était bien sûr qu’une pure croyance qui ne m’a jamais apporté d’apaisement ! J’en ris maintenant !

En tant que parent, dans cette quête d’être là pour que votre jeune apprenne à s’aimer, il serait utile d’être attentif aux émois de ce dernier. Votre écoute n’est pas toujours acceptée, mais soyez vrai près de lui. Évitez des propos acides ou ironiques à l’égard de ses aventures amoureuses. Soyez juste là sans les magnifier, mais en restant présent. Parfois l’écoute sera brève, mais juste, évitez les conseils et ne vous mêlez pas de ses rencontres, ni projection, ni réprimande, posez un cadre juste selon vos valeurs.

L’adolescence comporte également des risques, la fuite dans la consommation de drogue, les états de mélancolie avec des tentatives de suicide. L’anorexie et d’autres troubles psychiques peuvent venir entraver le développement du jeune. Les parents peuvent alors ressentir l’impuissance face à ces états qui se manifestent alors que les premiers symptômes sont passés inaperçus dans la plupart des situations. Les mesures éducatives liées à la prévention sont importantes, mais quand la réalité s’impose à vous, il est urgent de faire appel à des professionnels. Le « tout possible » fait partie de cette période de vie, il ne s’agit pas de la vivre dans la peur, mais dans une écoute juste du développement du jeune. Si certains signaux sont inquiétants, il est essentiel de prendre des mesures. Ce sont souvent des appels au secours, il faut y remédier sans jugement, sans culpabilisation.
Cette période de vie est quelquefois qualifiée d’âge ingrat, ou d’âge bête. C’est une erreur, c’est un âge de transformation, de mutation à tous les niveaux. Françoise Dolto l’a qualifié de « syndrome du homard ». Et c’est aussi un âge où la scolarité prend une tournure décisive ! Tout gérer et vivre le plus paisiblement est un enjeu incroyable. Donc, parents, soyons à l’écoute de ce jeune qui s’établit dans une nouvelle vie à venir. Si la communication reste présente, vous l’aidez alors à grandir sur de nombreux plans. Si la confrontation est bienveillante, elle lui apprend à se respecter et guide ses choix en conscience. Si votre inquiétude est exacerbée, vous produirez chez lui de la colère, du réactionnel, il a aussi besoin que vous lui fassiez confiance. Si vous le confinez dans une rigidité sans nom, vous risquez de mettre en danger son évolution. L’adolescence est synonyme de construction de l’image de soi, elle s’appuie sur les fondations de l’enfance, elle questionne de nombreuses expériences. Cette période fondatrice est celle où la mutation est la plus forte et la plus sensible, mais elle est rarement conscientisée à sa juste mesure dans notre existence. Je résume rapidement ce que j’entends, soit elle se passe bien, soit elle devient problématique....

Pour devenir adulte, pour construire l’amour en soi, depuis notre vie intra-utérine, notre naissance, notre enfance et notre adolescence, nous rencontrerons des éléments favorables et d’autres moins. Mais la quête de cette vie nous invite à faire croître cette étincelle d’amour reçue en héritage, ce sera alors un chemin à poursuivre pour aller à la rencontre de soi, je vous souhaite de grandes découvertes et avancées !

 
Lucien Essique

 

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