L’absence d’un manque est-elle source de bonheur ?


Il est facile d’identifier la cause du malheur, ou pour le moins de l’absence de bonheur qui frappe certains individus. Les malades chroniques atteints d’un cancer, d’un diabète ou ayant subi un grave dommage à leur santé, de même que les personnes victimes d’un accident ayant causé un handicap, ont un motif évident de plainte. Les parents d’un enfant souffrant, par exemple, d’une mucoviscidose, peuvent témoigner de ce que serait leur vie sans cette terrible maladie. Idem pour les couples désirant un enfant mais n’arrivant pas à concevoir. Celui qui vient de perdre son emploi sait distinctement ce qui lui manque pour être satisfait, de même que les célibataires à la recherche de l’âme sœur.

Si les causes du malheur semblent aussi aisées à identifier, peut-on pour autant en déduire que leur absence devrait équivaloir au bonheur ? Et là, ô surprise, il apparaît clairement que non ! Il est en effet notoire que les gens en bonne santé ne sont pas tous pleinement épanouis; les parents d’enfants sans problème ne jouissent pas d’un bonheur total ; les travailleurs et les personnes en couple ne vivent pas dans un état de félicité sans bémol. En réalité, chacun d’eux continue de vivre des aléas qui pèsent sur leur bien- être, de sorte qu’ils ne se disent au final pas plus heureux que les membres de la première catégorie, ceux qui peuvent clairement identifier la cause de leur malheur.

Résumons le point essentiel de cette réflexion : si l’absence de quelque chose d’enviable – la santé, l’amour, un travail motivant, des amis sincères, des revenus garantissant des conditions de vie décentes, la tranquillité d’esprit, etc. – semble causer le malheur, sa seule présence n’arrive par contre pas à apporter un bonheur durable. Il existe une asymétrie en matière de bien-être : une carence peut générer de l’insatisfaction et du malheur, alors que l’assouvissement des désirs ne se traduit pas forcément par un état de bonheur1.

La psychologie positive a, dès le début de son existence, clairement pointé ce paradoxe. En tant que science du bonheur, elle a par exemple mis en garde contre l’utilisation de ses découvertes pour tenter de guérir la souffrance psychique : les outils pour œuvrer au bonheur ne sont pas les mêmes que ceux destinés à apaiser la douleur morale ou à résoudre les problèmes psychiques ou relationnels. Si l’on prend la métaphore du thermomètre, la psychologie positive travaille exclusivement au-dessus de zéro, c’est-à-dire à améliorer le bien-être, et non en dessous, à savoir soigner les souffrances pour arriver à les faire disparaître. Elle est en cela parfaitement lucide sur le fait que l’absence de souffrance n’équivaut pas au bonheur et à l’épanouissement.

Identifier un paradoxe, ce n’est pas encore en connaître la cause ! Pourquoi une perte peut-elle précipiter notre malheur alors qu’un gain ne parvient pas à nous rendre durablement plus heureux ?

1. Il se traduit au mieux par un état de plaisir passager.


Yves-Alexandre Thalmann


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Connaissez-vous Mimosa pudica, une plante d’ornement au feuillage bien vert ? Aussi nommée Sensitive Pudique, sa particularité est de replier rapidement ses feuilles au moindre contact. Et aussi de les déployer à la lumière du jour et de les refermer le soir venu. Quoi de plus banal qu’une plante qui s’épanouit au soleil et se recroqueville dans l’obscurité, donc sensible à la lumière ? Et qui plus est avec une régularité indéfectible ! Voilà une explication logique, pleine de bon sens et simple à comprendre. Elle a tout pour plaire... si ce n’est qu’elle est fausse !