Favoriser le respect du corps chez l’enfant et l’adolescent

L’importance de l’image dans notre société n’est plus à prouver. Les modèles imposés façonnent la perception que chacun développe de son corps au fil du temps. Les enfants ne sont pas à l’abri des jugements. Pour limiter l’impact négatif que peuvent avoir ces jugements, il est bon de leur inculquer le respect du corps, et ce, dès la plus tendre enfance.

Chez l’enfant de 2 à 5 ans
◗ Le jeune enfant observe beaucoup son environne- ment et les gens qui l’entourent. Cela peut évidemment entraîner des comparaisons. Si votre petit vous parle de votre bedon rond, par exemple, rappelez- lui : « Ce ventre rond a été ta première maison. Il est devenu rond comme un ballon et cette belle rondeur me rappelle que tu y as séjourné pendant neuf mois. Avec un enfant aussi merveilleux que toi, j’aime ce lieu qu’on a partagé tous les deux. » Voilà une belle façon de lui montrer que vous aimez votre corps et que vous vous respectez.
◗ Les enfants de cet âge commentent rarement leurs propres différences physiques. Si cela arrive et que le commentaire est négatif, vous pouvez rectifier le tir et aider votre enfant à accepter sa différence. Dites-lui par exemple : « Moi, je t’aime tel que tu es. Tu es unique, tu possèdes de grandes qualités et tu es mon fils.»
◗ Vous pourriez dire à votre petite fille : « J’aime la couleur de mes yeux. On dirait des noisettes, comme les tiens. Aimes-tu la couleur de tes yeux, toi ? »
◗ Il est important d’être à l’écoute de votre enfant. Si, par exemple, votre petit vous dit : « Papa, Jasmine m’a dit que je ressemblais à une carotte à cause de mes cheveux. Qu’en dis-tu, toi ? Je ne suis pas une carotte ! » Vous pouvez répondre : « Je suis d’accord. L’as-tu dit à Jasmine ? » « Non, mais demain, je vais lui dire ceci : « J’ai les cheveux orange comme mon papa, mais je ne suis pas une carotte ! » « Je suis tout à fait d’accord avec toi.» Vous l’encouragez ainsi à s’affirmer tout en favorisant la communication entre les enfants.

Chez l’enfant de 6 à 11 ans
◗ L’enfant qui fréquente l’école peut avoir tendance à se comparer. Généralement, il ne le fait pas de façon très positive. Rappelez-vous que vous êtes le premier modèle de respect pour votre enfant. Se peut-il que vous ou d’autres adultes le compariez à d’autres enfants ? « Regarde comme Jérémie prend soin de ses dents. » « Pourrais-tu cesser de t’empiffrer ? Tu as vu comment ta sœur est mince, elle ? » Évitez les comparaisons. Elles font mal et nuisent au développement de l’estime de soi.
◗ Votre enfant est en surpoids ? Prenez rendez-vous avec votre pédiatre ou votre médecin de famille et discutez avec lui et votre enfant des moyens à prendre et de l’alimentation à privilégier pour qu’il retrouve un poids santé tout en prenant en compte le fait qu’il est encore en pleine croissance. Faites cette démarche sans porter de jugement : « Le pédiatre nous a informés que ton poids est au-dessus de la courbe et que tu fais de l’embonpoint. Je suis inquiète des répercussions que cela peut avoir sur ta santé actuelle et future et je veux faire des changements dans l’alimentation de notre famille. Es-tu d’accord ? Nous y travaillerons ensemble. » Vous pouvez par la suite veiller à n’acheter que des aliments sains pour encourager vos enfants à faire des choix responsables.

Chez l’adolescent de 12 à 16 ans
◗ Tentez d’être un modèle positif pour votre jeune. Évitez de faire devant lui des remarques telles que : « Il faut vraiment que je maigrisse, regardez-moi ce ventre ! » ou encore « Je me remets à la diète dès demain. Je n’ai pas envie que tout déborde de mon bikini ! »
◗ Évitez de comparer votre adolescent aux autres. Cela est à la fois inutile et blessant. Il subit déjà beaucoup de comparaisons à l’école. N’en rajou- tez pas à la maison. Les ados ont autant besoin que les plus petits d’être acceptés, aimés et reconnus, surtout qu’ils sont souvent mal vus par la société à cet âge.
◗ Évitez aussi de vous concentrer sur ses insuffisances et ses manques. Cherchez plutôt à souligner ses différences et ses talents. Plutôt que d’affirmer: « Enfin, tu as décidé de voir clair et de dégager tes cheveux de devant tes yeux ! », dites plutôt : « J’aime comment tu coiffes tes cheveux en ce moment. Je trouve que cela laisse voir davantage tes yeux. »
◗ Lorsque votre adolescent vous dit : « Je suis tellement affreux avec ces boutons d’acné dans le visage ! », vous pouvez lui répondre : « Ces boutons te dérangent vraiment. Je te trouve toujours aussi beau, mais je vois qu’il en est autrement pour toi. Veux-tu que l’on consulte un médecin pour voir ce qu’il peut faire pour toi ? »
◗ S’il est important de respecter les goûts vestimentaires de votre adolescent, il peut cependant par- fois être nécessaire d’intervenir. Votre fils de 13 ans porte son pantalon si bas qu’il a le fond de culotte au niveau des genoux ? Si aucun règlement à l’école n’interdit cette tenue vestimentaire, n’intervenez pas. Si, toutefois, il sort vêtu de cette façon pour une occasion importante et que vous craignez que cela puisse lui nuire, faites-lui part de vos craintes : « Certaines personnes attachent beaucoup d’importance à l’habillement. Crois-tu que ton habillement est adéquat si tu veux obtenir ce travail de caissier ? » Tentez d’avoir l’appui de votre conjoint ou d’un autre adulte : vous aurez ainsi plus de chances de le convaincre. Et surtout, laissez-le choisir. Si vous tentez de le contrôler et de décider pour lui, il restera habillé de la même manière pour exprimer son opposition. Votre fille de 14 ans sort au cinéma avec une petite camisole décolletée qui laisse voir une partie de son ventre ? Cette tenue pourrait lui attirer des regards et des commentaires de toutes sortes. Cela touche aussi le respect de soi, qui est une valeur importante. Vous pouvez lui dire franchement : « Cette tenue est acceptable à la maison, en famille, mais, à l’extérieur, tu peux t’attirer des regards et des commentaires désobligeants.» Elle peut bien sûr retirer son chandail au coin de la rue et se promener avec la camisole qu’elle a gardée en dessous, mais vous aurez tout de même fait votre travail de parent en cherchant à lui transmettre vos valeurs, et notamment le respect de soi. À la longue, cela aura un certain impact sur elle, même si elle est en désaccord.
◗ L’adolescent détient ses propres réponses. Il n’a pas besoin de conseils ni de suggestions, à moins qu’il ne le réclame. Il suffit de l’écouter, de reformuler dans ses mots ce que l’on a compris et de le laisser poursuivre seul sa réflexion.

Les complexes
Votre enfant est gêné ou complexé par des taches de rousseur, des cheveux très frisés ou un autre signe cor- porel distinctif ou inusité ? Voici comment vous pouvez l’aider à s’accepter et, surtout, à se respecter.
◗ Répondez de façon honnête : « Tu es vraiment dérangée par ces taches de rousseur. Sache que moi, j’adore cela. » Vous reconnaissez ainsi le fait que votre enfant n’aime pas cela, mais vous affirmez en même temps que vous aimez cette particularité. Vous affirmez vos goûts sans chercher à le faire changer d’avis.
◗ Évitez de banaliser la chose : « Ça se voit si peu ! Avec tes beaux grands yeux, on ne les remarque même pas. » Dans ce cas, non seulement votre enfant souffre de ce trait, mais il souffre aussi d’incompréhension et ne se sent pas davantage accepté par vous.
◗ Évitez aussi d’énoncer le lien génétique : « Ces cheveux frisés sont de moi ! » Il lui sera difficile par la suite d’émettre des commentaires en sachant qu’il risque de vous blesser.
◗ N’en rajoutez pas : « Tu n’es vraiment pas chanceux, en effet. C’est vrai que je ne saurais pas quoi faire non plus avec de tels cheveux.» Lui proposer de camoufler ses taches de rousseur avec du fond de teint n’est pas non plus une bonne idée. Cela viendrait plutôt lui confirmer qu’il a bien raison d’en être gêné ou complexé.

L’intimité et l’intégrité physique
L’enfant est un être humain au même titre que les adultes. C’est pourquoi il est important de respecter aussi son intimité et son intégrité physique. La question de la nudité des jeunes enfants reste toutefois un élément subjectif qui dépend des valeurs familiales, personnelles et culturelles des parents.
> Ma conception de la nudité
Comme dans tout autre domaine, nous nous entendons pour accorder à l’enfant le même respect qu’à l’adulte, pour le traiter comme une personne à part entière. Pourquoi en serait-il autre- ment pour son corps ? « Il n’y a pas de mal non plus à laisser un petit se promener nu. Il y a des gens qui voient le mal partout ! », ai-je entendu. Il n’est pas nécessairement mal de vouloir cacher la nudité du petit au regard de tous. Nous évitons généralement d’exposer nos organes génitaux à la vue de tous : pourquoi agi- rions-nous différemment avec un enfant ? J’ai remarqué que de nombreux enfants n’aiment pas regarder des photos d’eux nus lorsqu’ils étaient petits...

Différents aspects peuvent être considérés pour encourager l’enfant à respecter son intimité et son intégrité physique :

Chez l’enfant de 2 à 5 ans
◗ Certains parents ressentent un malaise face à l’intensité des câlins et des caresses prodigués à leur jeune enfant par ses oncles, ses tantes ou d’autres membres de la famille. Ils décrivent cela comme une sorte d’envahissement corporel du petit. Lorsque vous vivez un malaise, fiez-vous à ce que vous ressentez et posez votre limite parentale. Voilà un beau défi d’affirmation.
◗ Lorsqu’il est en âge de comprendre, informez votre enfant que son corps est à lui et que personne, même dans la famille, n’a le droit de le toucher sans sa per- mission, même pour lui faire un câlin ou un bisou.
◗ Enseignez très tôt à votre enfant à frapper avant d’entrer dans la salle de bain lorsque quelqu’un s’y trouve et à attendre qu’on l’autorise à entrer.
◗ Frappez avant d’entrer dans la salle de bain et dans la chambre de votre enfant. Il s’agit de deux territoires d’intimité. Respectez les limites de l’enfant même si elles sont différentes des vôtres.
◗ Questionnez-vous sur certains choix esthétiques comme le perçage des oreilles. Cette pratique est assez répandue dans notre société, même chez les très jeunes filles. Dans ce cas, cependant, les parents imposent un choix à leur fillette. Or, ce choix devrait peut-être revenir à l’enfant lorsqu’il aura la maturité pour décider s’il veut ou non se faire percer les oreilles.

Chez l’enfant de 6 à 11 ans
À cet âge, les enfants peuvent ressentir un malaise lié à la nudité ou à la proximité physique. Il est parfois difficile pour eux de s’affirmer et de se faire respecter. Prenez le temps d’écouter votre enfant lorsqu’il vous parle de ses malaises, quels qu’ils soient. Votre attitude bienveillante lui donnera confiance en son ressenti et l’incitera à se respecter et à poser ses limites.
◗ Si votre enfant refuse d’embrasser sa grand-mère alors qu’elle vient de lui offrir un cadeau, dites-lui de lui dire merci autrement afin de demeurer poli. Le petit peut lui envoyer un baiser soufflé, par exemple, et le plus grand peut lui dire qu’il lui fabriquera une petite carte de remerciement. Vous lui donnez ainsi le droit de refuser d’être embrassé ou touché lorsqu’il ressent un inconfort.
◗ Accordez de l’importance au malaise de l’enfant qui se confie à vous et tentez de corriger la situation. Si, par exemple, votre enfant vous dit : « Quand tante Lise me garde, elle entre dans la salle de bain quand je prends mon bain et ça me gêne. » Vous pouvez lui répondre : « Tu n’aimes pas qu’elle te voie nu. Est-ce cela ? » « Oui, c’est très gênant et je n’aime pas ça. » Une fois le malaise confirmé, vous pouvez dire : « Nous lui ferons part de ton malaise demain. Nous lui demanderons de frapper avant d’entrer dans la salle de bain. Tu pourras alors accepter ou refuser qu’elle entre. Est-ce que ça te va ? » Si la tante en question banalise le malaise de l’enfant parce qu’il n’a que 6 ans, demandez tout simplement à ce qu’il y ait congé de bain lorsqu’elle le garde ou faites-le garder ailleurs.
◗ Encouragez votre enfant à s’affirmer et à faire res- pecter son corps. Si, par exemple, votre enfant vous dit : « Au service de garde, lorsque Geneviève me parle, elle me caresse les cheveux, me les place derrière les oreilles. Ça m’agace vraiment », vous pouvez lui proposer un jeu de rôle pour l’inciter à parler à son éducatrice. Jouez le rôle de l’éducatrice et voyez avec votre enfant de quelle façon il pourrait nommer son malaise et poser sa limite. Il est rassurant pour l’enfant de se sentir appuyé dans sa démarche par son parent. Vous pouvez aussi être présent lorsque celui-ci passera à l’action. Votre présence pourrait par ailleurs prévenir la possibilité que l’adulte concerné insiste, banalise ou nie le malaise : « Voyons, c’est parce que je t’aime que je te caresse les cheveux ! »

Chez l’adolescent de 12 à 16 ans
L’adolescence est une période de changements et de questionnements. Il est dès lors normal que le jeune soit parfois maladroit lorsqu’il formule des demandes concernant le respect de son intimité et de son intégrité physique. Restez à l’écoute, mais veillez aussi à ce que ces demandes soient faites dans le respect.
◗ Respectez les distances physiques que demande votre adolescent : « Ce que tu peux être énervante, maman, lorsque tu me prends la main en marchant comme lorsque j’étais petit ! Lâche-moi ! » Votre adolescent a besoin de se distancier de vous, et ce, sur tous les plans. Il n’a plus envie d’être câliné ou même d’être embrassé sur la joue. Il se peut que la proximité que vous aviez auparavant vous manque, mais dites-vous que ce n’est que passager. Il est cependant important que votre adolescent exprime ce besoin de façon respectueuse. Vous pouvez donc répondre à votre jeune: «Je suis désolée! Tu ne sembles plus avoir les mêmes besoins de contacts physiques que moi. Je vais respecter ta limite, mais j’aimerais que tu me l’exprimes de manière respectueuse. Tu pourrais me dire : “ Maman, quand tu me prends la main, je me sens mal à l’aise ou je n’aime pas cela.” Il sera plus facile pour moi d’entendre ta limite si elle est exprimée de cette façon. »

> Ma conception de la proximité physique et de la familiarité
Certaines personnes touchent les autres en leur parlant, même lorsqu’il s’agit de purs inconnus. Pour ma part, cela me rend mal à l’aise. En famille, c’est différent : la proximité physique va davantage de soi. C’est un peu la même chose pour le tutoiement. Je sais que dans certaines régions, on tutoie tout le monde. Dans ce cas, puisque c’est la tradition, je ne m’en offusque pas, mais je ne me sens pas totalement à l’aise... J’ai encore une fois l’impression que cette proximité devrait être réservée à mes proches et à mes connaissances. En général, si je revois plusieurs fois une personne, je laisse le tutoiement s’installer tout naturellement au fil des rencontres...

 

Brigitte Racine


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