Être indépendant est un incontestable atout mais peut-on se priver de la compagnie des autres sans en souffrir ? Très difficilement parce que nous sommes des êtres de relation. Parce que nous avons besoin de communication, de nous sentir appar- tenir à un groupe, de voir des gens, de nous entendre avec eux. Il ne s’agit pas de retrouver l’amour mais d’avoir une vie sociale dans laquelle nous puissions exprimer nos qualités humaines et relationnelles. Si nous avons appris quelque chose dans cette rupture, c’est que certaines personnes illuminent nos journées parce qu’elles nous apprécient, parce qu’elles nous permettent de donner le meilleur de nous-mêmes tandis que d’autres nous plombent, nous angoissent, nous abîment. Dans la période d’extrême vulnérabilité que nous venons de traverser, nous étions encore plus sensibles que d’habitude. Tant mieux, nous avons appris à connaître nos points de fragilité et à faire tourner nos gyrophares pour repérer les personnes bénéfiques et les gens à fuir...
Carine a retrouvé sa confiance en elle, tellement mise à mal par la violence des dénigrements, des accusations de son ex-mari, en se lançant dans des voyages humanitaires au Sénégal dont elle rentrait pleine de force. « Quand on a l’impression de ne plus servir à rien ni à personne puisqu’on vous a jetée, donner aux autres fait un bien fou. On retrouve le sentiment d’être bon et nécessaire. On se sent appartenir à une équipe, presqu’à une famille. Je ne connais pas de meilleur remède pour se reconstruire ni de meilleur moyen pour occuper des vacances qui, sinon, seraient déprimantes. Voir tous ces couples au soleil, avoir tout le loisir de cogiter sur sa pauvre condition de femme séduite et abandonnée... il n’est pas sûr que ce soit une bonne idée. Dans l’action, contrairement à ce que l’on pense, on réfléchit beaucoup. Et l’on comprend que c’est moins l’amour qui nous manque que le besoin de donner, de partager, d’être appréciée, reconnue. Et puis de voir tous ces gosses démunis si heureux de ce que vous leur apportez, remet les choses à leur place. Il y a le vital : avoir à manger, être en bonne santé, pouvoir apprendre... et le négligeable comparative- ment, à savoir ses peines de cœur, qui apparaissent alors comme un luxe pour nantis. »
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ON VALORISE TROP LE COUPLE DANS NOTRE SOCIÉTÉ
Carine s’indigne. On nous fait croire que sans vie de couple on ne peut pas être heureux. La Saint-Valentin, l’astrologie du cœur dans les magazines féminins, les films d’amour, les séries cultes comme Un gars une fille... nous font croire que le célibat est une sorte de tare. On se dit qu’il y a en soi quelque chose qui ne va pas. Qu’on a un problème physique ou psychologique. On pense qu’on n’est pas une vraie femme ou un homme normal. Or ce qui ne va pas c’est peut-être notre vision de l’amour, de la vie à deux... Il existe des couples miraculeux qui passent toute une vie ensemble mais est-ce la majorité ? La plupart des gens vivent des périodes avec et des périodes sans. C’est devenu la norme. On s’aime, on fait un bout de chemin ensemble ; suit une période de vie en solo plus ou moins accompagnée. Puis on retrouve l’amour... Nous sommes quinze millions de célibataires en France et tous « anormaux » vraiment ?
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Bien sûr que non. Ces périodes de vie en solo sont en général des périodes où l’on se protège, où l’on récupère des forces après une histoire d’amour qui a mal tourné. Une période pendant laquelle on réfléchit puisqu’on a mûri en se demandant ce qui est le mieux pour soi, là où nous en sommes. Parfois, le mieux consiste à retrouver ses marques dans une vie bien à soi. Nombre de célibataires affirment que le meilleur moment de leur journée est celui où ils rentrent chez eux, dans leur cocon. Là, ils se sentent en paix, en sécurité. Là, ils se sentent bien. Puis arrive le moment où à nouveau, ils ont envie de sortir, de rencontrer quelqu’un... mais en ayant tiré les leçons de leur passé amoureux.
Des leçons qui retentissent aussi sur leur vie amicale. Souvent, comme ils ont fait le ménage dans la maison, comme ils se sont débarrassés des souvenirs encombrants, des traces qui leur faisaient mal, ils « font le ménage » dans leur entourage. C’est l’un des contrecoups pénibles ou choisis de la rupture : en perdant son partenaire on perd aussi des amis, une famille qui étaient devenus les nôtres. Mais une fois encore, quand certaines portes se ferment, d’autres s’ouvrent.
Cet isolement post-matrimonial a obligé Pauline la timide à aller vers les autres : « Sinon, c’est sûr, je serais restée enfermée entre mes quatre murs. » Elle va aider les Restos du cœur. Elle commence à tchater sur Internet. Elle renoue avec des copines de lycée. « C’est comme ça que j’ai commencé à devenir plus sociable, à inviter chez moi, à proposer à des copines des soirées ciné, des visites d’expo... J’étais toujours sortie avec mon copain. On se connaissait depuis l’âge de seize ans. C’était lui qui faisait les relations publi- ques du couple. Il était sympa, drôle... tout ce que je ne suis pas. Il est vrai qu’il ramenait un peu n’importe qui, des gens que je n’appréciais pas forcément. Ça m’a fait plaisir de me faire des amis par moi-même et de les choisir à mon goût. »
Juste quelqu’un de bien.
À mon goût, c’est-à-dire ? Les critères changent après une rupture aussi bien sur le plan amical qu’amoureux.
D’ailleurs, ils se rejoignent. Sophie cherche « des gens bien » qui appliquent la devise de l’ancien ministre, écrivain, navigateur Jean-François Deniau : « Je dis ce que je fais et je fais ce que je dis. » Après avoir vécu une passion de six ans avec une anguille qui mentait sur ses actes (« Je ne couche qu’avec toi »), sur ses sentiments (« Je n’aime plus ma femme »), sur ses intentions (« Je vais divorcer et t’épouser »), elle ne veut plus rencontrer que des personnes honnêtes, fiables et franches. Dès que je sens que quelque chose n’est pas clair, que les réponses sont décalées ou que je n’en obtiens aucune, je coupe. Je sais maintenant que j’ai besoin d’avoir confiance. Je ne veux plus me poser toutes ces questions : mais qui est-il vraiment ? Qu’est-ce qu’on me cache ? C’est vrai ce qu’ils me racontent ? Je veux rencontrer des gens qui ont suffisamment confiance en eux pour être transparents et suffisamment confiance en moi pour me parler en toute intimité. Ça fait gagner beaucoup de temps ! »
Un autre nouveau critère auquel on est vigilant : la constance. Laurent ne peut plus supporter « les histoires compliquées du genre “tu m’aimes, je te fuis, tu me fuis, je te suis”. C’est épuisant et sans intérêt. Je rêve d’une relation simple dans laquelle chacun donne le meilleur de lui-même en étant prêt à recevoir simplement l’amour et le désir... Je ne comprends pas les femmes qui jouent à ce jeu-là. C’est puéril et très vite je m’ennuie à leur courir après pour qu’elles me rejettent ou à les fuir pour qu’elles accourent. Si je sens des réticences, un pas en avant suivi de deux pas en arrière, je n’insiste pas. Merci, ravi de t’avoir connue et au revoir sans me retourner. J’ai déjà trop donné et surtout trop morflé ».
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PETIT RÉCAPITULATIF DES AMIS, DES AMOUREUX À FUIR
Les pervers. Leur jeu principal : nous déstabiliser. Ils nous donnent sans cesse l’impression d’être en faute, de ne pas être à la hauteur. Ils nous « coincent » devant les autres en lançant des piques humiliantes et ne sont jamais là où on les attend. Un jour ils sont charmants, nous déclarent leur amour, leur amitié. Le lendemain, c’est à peine s’ils ont l’air de nous connaître... Pour comprendre l’incompréhensible, on s’accroche et on a tort. Ils se sentent bien quand nous nous sentons mal. On ressort de ces relations-là sans énergie ni confiance en soi. Fiez-vous à vos sens. Vous êtes fascinés peut-être mais mal à l’aise. N’hésitez pas, partez !
Les manipulateurs. Eux sont absolument charmants. Dès les premiers instants vous vous sentez adoptés, en confiance. Vous devenez rapidement l’un de leurs amis les plus chers jusqu’au moment où vous constatez que vous avez donné ce que vous ne vouliez pas donner, fait ce que vous ne vouliez pas faire, etc. On ne vous aime pas, on vous utilise ! De toute façon cette relation ne durera pas, ne s’améliorera pas... pourquoi insister ? Les dominateurs. Homme ou femme, on les rencontre dans les deux camps. Avec eux, une alternative : vous soumettre en ayant le sentiment de ne pas exister, de ne pas avoir le droit à la différence ou réagir et enchaîner les crises de rivalité pour avoir le dessus puisqu’on cherche à vous écraser. Là encore, c’est stérile et épuisant.
Les malades. Ils sont alcooliques, dépressifs, joueurs... et vous êtes la gentillesse même. Vous aimeriez tellement les aider, les sortir de là, devenir leurs sauveurs.
On ne peut changer personne. À moins qu’ils n’aient décidé de se prendre eux-mêmes en charge. Auriez-vous quelque chose à réparer ?
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Pourquoi ne pas s’entourer de gens aimables et aimants ? C’est-à-dire d’hommes et de femmes qui ont envie de nous voir pour nous faire du bien et réciproquement, de personnes avec lesquelles la discussion est facile, même quand nous ne sommes pas d’accord. De personnes fiables qui sont « toujours là », partantes pour passer un moment agréable en notre compagnie. Sophie a réalisé qu’elle ne se sentait exister que dans ce qu’elle appelle « l’amour souffrance ». Lui seul avait l’intensité de la passion ; mais à quoi est due cette « inten- sité » qu’elle recherche ? À la force de l’amour ? Non, à l’intensité des émotions qu’elle éprouve en compagnie de ces hommes qui risquent de la blesser, de l’abandonner... C’est le mélange de joie, de peur, de colère qui donne l’impression que « ça n’a jamais été aussi fort », et non l’amour lui-même qui est fait d’attirance, de confiance, de bien-être. Elle a réussi à se débarrasser du fantôme de l’amour idéal mais pas encore de son attirance pour les amants redoutables. Ce sont eux qui lui plaisent, eux qui la fascinent. Jusqu’à quand ?
Se libérer des croyances
Nous avons quantité de croyances sur l’amour. Elles sont héritées de l’enfance, de la façon dont on nous a aimés et dont on nous a demandé d’aimer. Dans certaines familles, par exemple, l’enfant est chargé de jouer le rôle du Sauveur. C’est lui qui sauve le couple, lui qui sauve de la dépression sa maman dont il est la raison de vivre, son papa qui boit trop, etc. Un rôle qui nous est familier et que nous pouvons reproduire dans nos amours. À moins que nous confondions amour et coup de foudre. Il faut que la rencontre soit une révélation : c’est elle, c’est lui ! Mais il existe quantité de belles relations qui commencent par une antipathie mutuelle ou par une indifférence réciproque parce que nous nous mettons des barrières ou parce que ce n’est pas le moment pour lui pour nous, ou encore par du copinage sans importance.
Ce qui n’a pas fonctionné dans cette relation nous aide à remettre en cause nos idées toutes faites, à mieux savoir nous protéger des gens qui appuient là où nous avons mal. Nos antennes nous disent mieux désor- mais si l’aventure est à tenter ou à abandonner tout de suite. « À la prochaine rencontre, je saurai qu’il est important d’être amis, dit Laura. Le coup de foudre n’est pas un gage de réussite. Je veux aussi un homme qui m’aime et qui me le dira... Un homme drôle. J’ai besoin de rire. Petite, je voulais être comique. Je ne peux plus supporter les dépressifs rabat-joie. Je ne veux plus m’embarquer avec un torturé. Spontanément, j’aime les hommes “pas simples”. Il faut que je change ça ! »
Patricia Delahaie
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