Burn-out : les conséquences sur la relation mère-enfant

Si le burn-out maternel se doit d’être reconnu à sa juste importance, c’est bien sûr parce qu’il a des conséquences potentiellement graves sur la mère, mais aussi parce qu’il se répercute sur l’enfant et sur leur relation à tous les deux. Le mal-être maternel permanent a logiquement une incidence sur l’enfant qui tente alors de se débattre et de résister. Plus l’enfant sent que sa mère est indisponible et dans l’évitement, plus il réclame qu’elle s’occupe de lui. Il en fait des tonnes, se montre agité, exigeant, car en fait il n’a qu’un seul but : la sortir de sa léthargie. Mais ce e attitude épuise encore un peu plus la mère, qui rejette alors la faute sur l’enfant, qu’elle juge « difficile ». Ce qui entre- tient un cercle vicieux.
© istock

 
Si le burn-out maternel se doit d’être reconnu à sa juste importance, c’est bien sûr parce qu’il a des conséquences potentiellement graves sur la mère, mais aussi parce qu’il se répercute sur l’enfant et sur leur relation à tous les deux. Le mal-être maternel permanent a logiquement une incidence sur l’enfant qui tente alors de se débattre et de résister. Plus l’enfant sent que sa mère est indisponible et dans l’évitement, plus il réclame qu’elle s’occupe de lui. Il en fait des tonnes, se montre agité, exigeant, car en fait il n’a qu’un seul but : la sortir de sa léthargie. Mais ce e attitude épuise encore un peu plus la mère, qui rejette alors la faute sur l’enfant, qu’elle juge « difficile ». Ce qui entre- tient un cercle vicieux.

La relation se retrouve alors dans une impasse. Le fossé entre les a entes légitimes de l’enfant et l’incapacité de sa mère à les combler se creuse. « Je ne sais plus ce qu’il veut » : c’est ainsi que les femmes victimes de burn-out décrivent leur relation à leur enfant. Comme si la mère ne disposait plus des ressources qui, en temps normal, lui permettraient de comprendre son  fils ou sa  fille de manière instinctive et de répondre à ses besoins. L’enfant devient alors une sonnette d’alarme, un lanceur d’alerte. Un enfant agité, hyper-demandeur, ultra-exigeant est souvent le signe que quelque chose se passe mal chez sa mère. Et cela, même chez les plus jeunes ou les bébés.

L’exemple de Léna, maman de deux enfants, Julie, 6 ans, et Anatole, 3 ans et demi, illustre bien à quelle situation extrême le burn-out peut mener et quelles conséquences il peut avoir sur la relation et sur l’enfant lui-même.

Léna est une jeune maman très active qui a repris des études universitaires. Elle se plaint régulièrement d’être « totalement épuisée ». À ma question sur la possibilité de l’interviewer sur le burn-out maternel, Léna me répond que, précisément, son burn-out est tel qu’il la rend indisponible à cet exercice qu’elle juge beaucoup trop éprouvant ! Elle me paraît en effet particulièrement découragée au point que le burn-out semble avoir envahi toute sa personne. J’en aurai la preuve peu de temps après ma vaine tentative d’entretien... Un jour où je me trouve en leur présence, Anatole lance une petite voiture en métal à travers la pièce. Il manque de peu sa grande sœur, occupée à jouer tranquillement de son côté. Sa maman, excédée par son comportement, décide de le punir. Dans un geste impulsif, elle lui arrache son doudou, un petit lion auquel il est très attaché et qu’il ne quitte guère, de jour comme de nuit. Elle le dépose en haut d’un meuble inaccessible pour l’enfant. Anatole se met aussitôt à pleurer et à émettre des hurlements stridents en réclamant son doudou. Ses sanglots, ponctués de cris de désespoir, l’étouffent, au point qu’il a de plus en plus de mal à respirer. Sa mère se contente de l’observer. Froide, distante, imperturbable, les bras croisés dans une attitude de rejet. Elle ne se manifeste que par quelques mots répétitifs et à peine audibles par son  fils : « Anatole, arrête de pleurer, calme-toi. » Mais ces quelques paroles ne font qu’augmenter la détresse du petit garçon, désespéré de se sentir incompris. Anatole vit la froide indifférence maternelle à son égard comme une forme de cruauté insoutenable. Ce qui augmente encore son désespoir. Le fait d’être dépossédé de son doudou le laisse sans aucune solution pour se calmer et le rend sourd aux injonctions de sa mère. Cette scène éprouvante a duré environ 20 minutes. Anatole a véritablement frôlé la syncope à force de pleurer et de hurler. Mais à aucun moment sa mère n’a fait le moindre geste pour l’attirer vers elle ou tenter de le calmer. Sourde à ses suppliques, elle semblait comme déconnectée de la scène qu’elle avait elle-même provoquée, et à mille lieues du ressenti dramatique de son enfant. Sa disponibilité affective semblait si réduite que l’on peut se demander si elle n’avait pas érigé une sorte de barrière infranchissable, un mur d’indifférence pour se protéger de lui. Quant au petit garçon, il se trouvait poussé au désespoir tant il ressentait l’indifférence de sa maman. Finalement, au bout d’un temps qui m’a paru interminable face à cette scène pénible, sa mère, exaspérée, lui a rendu son doudou en lui extorquant la promesse qu’il ne recommencerait plus. Anatole a approuvé de la tête tout en hoquetant.

Cette scène, à la limite de l’insoutenable, s’est terminée comme elle avait commencé : dans la plus froide indifférence maternelle. Aucun contact de retrouvailles apaisées n’a eu lieu entre ce petit garçon et sa maman. Tout au plus s’agit-il d’un compromis tacite entre les deux partenaires. Ce e maman semble bien être en proie à un burn-out dans la mesure où elle est incapable de toute manifestation affective à l’égard de son enfant. En e et, alors que la dépression apporte son lot de tristesse et de culpabilité mêlées à une remise en question de soi-même, le burn-out équivaut à une forme de vide existentiel dans lequel l’affectivité n’a pas sa place. Il s’agit d’une véritable anesthésie émotionnelle, la mère n’étant plus capable de faire preuve d’une quelconque empathie.

On pourrait imaginer un dénouement plus conforme à ce que l’on attend communément d’une relation mère-enfant : la maman maîtriserait la situation, ne la laisserait pas s’éterniser. Pour ce faire, elle interviendrait rapidement dans un contact corps à corps avec son enfant. Un geste empathique, une attitude de connivence accompagnée de paroles apaisantes qui expliqueraient à l’enfant en quoi il a transgressé l’interdit. Elle ferait ainsi preuve de fermeté tout en ménageant l’enfant pour lui éviter ce sentiment d’impuissance humiliant qu’il éprouve. Chacun sortirait avec dignité de ce conflit certes justifié mais qui exige d’être bien géré par l’adulte tutélaire, modèle privilégié de l’enfant. Mais Léna est plongée dans une telle distanciation et un tel reniement qu’elle est littéralement incapable d’un tel comportement (elle n’en a pas les ressources). Absente à elle-même, elle l’est aussi à son propre enfant. Ce dernier le ressent douloureusement, à tel point qu’il peut se sentir abandonné à son désespoir. Quelles traces gardera-t-il de l’indifférence maternelle face à sa sou rance d’être incompris si ce genre de situation devait se reproduire ? Sans doute des marques profondes... Comme l’explique Serge Tisseron dans Vérités et Mensonges de nos émotions, la froideur, la violence et la honte administrées à l’enfant ont la même conséquence tragique, elles constituent une forme de traumatisme pour l’enfant.


Etty Buzyn


 

Si cet extrait vous a intéressé,
vous pouvez en lire plus
en cliquant sur l'icône ci-dessous 

Couverture de livre