Apprivoiser sereinement ses émotions

« Je suis trop émotionnel ! » « J’ai besoin d’apprendre à maîtriser mes émotions. » Combien de fois entendons-nous cela ! Pour beaucoup d’entre nous, les réactions émotionnelles sont encombrantes : on ne sait pas quoi en faire, elles gênent, elles inquiètent parfois, et on aimerait en être détachés pour se sentir plus apaisés et faire de meilleurs choix. Et en même temps, si les autres pouvaient se contrôler aussi, ce ne serait pas plus mal !

Nous voici face à un étrange paradoxe. Nous redoutons nos réactions émotionnelles et souhaitons opérer nos choix avec de la logique et un raisonnement structuré. Cependant, dès qu’il y a un petit peu de tension, nos émotions se placent au premier plan et bien souvent prennent le dessus, à tel point qu’il nous arrive de prendre des décisions irréfléchies. Alors que nous voulons contrôler la situation, une réaction quasiment automatique se met en route, nous empêchant toute prise sur les événements. Par exemple, nous nous croyons tranquilles, sûrs de nous et confiants, et voilà qu’un événement « supposé » – il n’existe pas, il est juste construit par notre imaginaire – fait soudain battre notre cœur plus vite et crée de la peur. Enfants, nous avions peur du noir, et aujourd’hui, nous avons peur du futur, de demain, de maintenant, de manière tout aussi irrationnelle et tout aussi terrifiante.

Ce paradoxe est d’autant plus étrange qu’au pays de Descartes – et même ailleurs – nous avons fini par considérer que notre mode de fonctionnement est d’abord et avant tout basé sur notre réflexion, nos pensées, notre intelligence cérébrale. En adoptant le fameux « Je pense, donc je suis », détaché de son contexte, nous avons fini par croire que ce qui fait notre singularité et nous donne notre force, c’est notre capacité à penser, à calculer, à ordonner et à décider comme le ferait un super ordinateur. La conclusion logique de tout cela, c’est qu’être rationnel consiste à se couper de ses émotions et à ne plus s’encombrer avec elles.

Or, un contemporain de Descartes, le philosophe Blaise Pascal a écrit : « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point. » En effet, il y a des émotions qui s’invitent dans notre processus de pensée. Elles s’y invitent tellement bien qu’elles le bousculent et le modèlent sans nous demander notre avis.

Du coup, nous voici face à un dualisme : raison contre émotion. Nous pourrions même supposer que l’une est altérée ou empêchée par l’autre et qu’elles doivent se livrer un combat. En réalité, il existe une interaction permanente entre les deux. Elles ne sont pas à opposer mais à concevoir comme s’alimentant l’une l’autre.

Notre cerveau qui pense et réfléchit est aussi et en même temps un cerveau qui aime ou qui n’aime pas, qui éprouve de la colère ou de la joie, et même, en bien des situations, qui nous amène à prendre une décision différente, voire carrément contraire à celle que notre « logique rationnelle » aurait prise.

Il nous est arrivé à tous d’être emportés par un torrent émotionnel sans analyser précisément la problématique, sans rechercher une certaine vérité et sans relativiser ce qui n’est au fond qu’un point de vue. Le « Je pense, donc je suis » est-il donc si vrai ?

D’un autre côté, si vous voulez convaincre quelqu’un, motiver une équipe ou opérer un choix de vie et que vous n’exprimez aucune envie, aucune joie, aucun enthousiasme, que vos propos n’émettent aucune « vibration », vous serez assimilé à un ordinateur froid qui parle mécaniquement sans croire ni accorder d’importance à ce qu’il dit.

Nous sommes donc face à une contradiction. D’une part, nous ne pouvons pas nous empêcher d’éprouver des émotions, même lorsque celles-ci nous font prendre des décisions contraires à la raison. D’autre part, nous ne pouvons pas être rationnels si nous essayons de faire abstraction de nos émotions, car celles-ci nous permettent de nous adapter à l’environnement et font donc partie de la raison. C’est ce qu’avait mis en lumière le neurologue et psychologue Antonio Damasio, pour qui l’incapacité d’éprouver est associée à une certaine incapacité de raisonner. Ainsi, lorsqu’une situation nous « échappe », nous réalisons souvent après coup que nous avons pris la mauvaise décision, mais que cela a été plus fort que nous : nous ne sommes pas parvenus à faire abstraction de notre émotion et nous avons été comme contraints par elle. Les émotions peuvent tout autant perturber le processus de raisonnement que le favoriser et l’aider.

Pour essayer d’y voir un peu plus clair, nous allons d’abord chercher à comprendre ce qu’est une émotion et à quoi elle sert. Nous verrons ensuite que les émotions sont étroitement liées à des besoins divers que l’on doit identifier et respecter. Nous comprendrons alors que nos émotions ne sont pas des ennemis à combattre, mais des indicateurs précieux de ce qui se passe en nous. Comme toutes nos relations avec les autres passent avant tout par la communication, nous verrons comment des mots, neutres en eux-mêmes, peuvent susciter des pensées et donner naissance à des émotions variées.

Le but de cet ouvrage n’est pas d’expliquer dans le détail tous les processus neuropsychologiques à l’œuvre, mais de donner des clés simples, faciles à mettre en application, de façon à créer une harmonie en nous-mêmes et avec les autres. De cette manière, nous serons parvenus à apprivoiser nos émotions pour en faire, enfin, des alliées !

Xavier Cornette de Saint-Cyr

 
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