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« Demande et tu recevras. » Telle est la loi de l’attraction – ou plutôt, telle est la manière dont on la résume dans bon nombre d’ouvrages sur le sujet.
Une recette miracle qui permettrait d’obtenir absolument tout ce que l’on veut du moment qu’on le demande avec force conviction, selon le postulat « scientifique » qui énonce que « tout ce qui se ressemble s’assemble ». Vous voulez une belle voiture, beaucoup d’argent, trouver le grand amour, le job de vos rêves ? Il suffit de demander !
Vraiment ? Et d’abord, est-ce réellement une loi scientifique, qui s’applique à tous et sur l’intervention de laquelle nous puissions compter en toutes circonstances ?
PETITE HISTOIRE DE LA LOI DE L’ATTRACTION
Premières théories
William Walker Atkinson (1862-1932), théosophe et professeur de magnétisme, a d’abord travaillé comme avocat. Brillant, ses succès lui font néanmoins connaître ce que l’on appellerait un « burn out » se traduisant par une dépression à la fois physique, mentale et financière.
Il met alors en pratique des principes de la Nouvelle pensée (voir encadré page suivante) et retrouve santé et prospérité. Il rédige quelques articles pour expliquer ce qu’il a découvert, mais tout commence vraiment en 1906. Cette année-là, Atkinson publie à Chicago un livre ayant pour titre La vibration de la pensée ou la loi de l’attraction dans le monde des pensées*. Il y affirme qu’il existe une loi immuable qui domine tout, absolument tout : la loi de l’attraction universelle. Si, au XVIIe siècle, Newton en était resté à la pure matière avec sa loi de l’attraction universelle (nous le verrons plus loin), Atkinson l’étend au monde de la pensée afin de montrer que les pensées positives appellent d’autres pensées positives et que le bonheur devient dès lors accessible. Il affirme ainsi que « le semblable attire le semblable dans le monde des pensées ».
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LA NOUVELLE PENSÉE, COURANT PRÉCURSEUR DE LA LOI DE L’ATTRACTION
Courant de pensée philosophique et religieux, la Nouvelle pensée est créée aux États-Unis, durant la seconde moitié du XIXe siècle, par un philosophe et magnétiseur américain, Phineas Parkhurst Quimby. L’idée dominante de ce courant est que nos pensées ont un effet sur ce qui nous entoure (matière et personnes) et créent donc la réalité, indépendamment de nos actions. Ainsi, si nous rencontrons des difficultés, c’est parce que nous ne pensons pas correctement ; si nous sommes malades, c’est que nous entretenons des croyances erronées. Réciproquement, un raisonnement juste permettrait de guérir et une pensée positive que nous dirigeons vers un but déterminé permettrait sa concrétisation dans la réalité.
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Atkinson considère que les pensées sont des vibrations et qu’elles possèdent une fréquence déterminée, comme la lumière. Chaque pensée émettrait donc une fréquence spécifique qui attire à elle une fréquence semblable. Il suffirait ainsi de changer nos vibrations cérébrales pour transformer notre vie en conséquence :
• Si nos pensées sont positives, nous nous mettons en harmonie avec ce qui nous environne et permettons, par vibrations semblables, la réalisation positive de nos pensées.
• Si nos pensées sont négatives, nous empêchons ce processus comme si, à force de ne voir que le verre à moitié vide, nous nous empêchions d’aller vers ce qui est et finissions par mourir de soif.
Toutes les réflexions d’Atkinson préfigurent ce qui deviendra, plus tard, la pensée positive.
La clé du succès
Un autre représentant majeur de la loi de l’attraction est Charles Haanel. Homme d’affaires américain ayant connu un immense succès, il veut partager ses principes et les techniques qu’il a mises en œuvre pour réussir. Il fait donc paraître en 1912 The Master Key System, en français La clé universelle du succès (aussi appelé La clé de la maîtrise), livre qui fera date notamment auprès des économistes et des financiers.
Il s’appuie sur la loi de l’attraction dans sa forme : chacun attire dans sa vie tout ce à quoi il pense, tant en positif qu’en négatif. Par étapes successives, Haanel montre comment nous pouvons utiliser le pouvoir créateur de notre esprit. À noter, et c’est une idée nouvelle, que cela ne l’empêche pas d’accorder une grande place à l’amour : « La loi d’attraction ou la loi de l’amour, rien ne les distingue », dit-il, car si tout a une fréquence, c’est le cœur qui possède, selon lui, la plus grande fréquence vibratoire.
Évoquant la loi de l’abondance, il déclare que « le secret de tout pouvoir, de tout accomplissement et de tout ce que nous possédons dépend de notre manière de penser », puis il avance que « notre avenir est entièrement sous notre contrôle ». C’est bien là la profession de foi de quelqu’un qui croit en la puissance absolue de l’esprit et... en la capacité totale de l’homme à contrôler son destin.
Une science de l’enrichissement
La loi de l’attraction et son corollaire, la pensée positive, se développent et s’axent peu à peu vers la matérialité financière. Ainsi, Wallace D. Wattles publie en 1910 un livre au titre évocateur et attractif : La science de l’enrichissement : Attirer vers soi définitivement le succès financier, dans lequel il affirme : « L’esprit, l’âme et le corps grandissent grâce à l’utilisation de choses et la société est ainsi organisée que les gens doivent avoir de l’argent pour devenir propriétaires de ces choses. On peut donc en conclure que, chez les humains, la base du progrès est la science de l’enrichissement. »
Pour ce faire, Wattles explicite le rôle créatif de la pensée dans le processus de l’enrichissement et mentionne pour cela la loi de l’attraction. Il est surtout le premier à insister sur le concept de gratitude, un sentiment nécessaire, voire un véritable « outil » à utiliser pour obtenir ce que l’on demande et exprimer sa reconnaissance quand on l’a obtenu.
L’autre grande nouveauté est que cette science de l’enrichisse- ment est considérée comme une science exacte, de la même manière que le seraient les mathématiques ou la physique. C’est là un point important, car nous aurions pu songer que la loi de l’attraction, fondée finalement sur nos pensées, était, à l’instar de la psychologie, considérée (à quelques exceptions près) comme ne relevant pas d’une démarche scientifique. En effet, pour pouvoir déclarer qu’une discipline est une science, il faut d’abord qu’elle puisse s’appuyer sur un raisonnement et des explications tangibles, mais surtout sur des expériences reproductibles et donc sur des prédictions qui se révéleront vraies. Or, il n’existe pas, en psychologie, d’outils spécifiques incontestables qui donneraient à chaque fois le même résultat et que nous pourrions attribuer à chaque variable.
En donnant à la loi de l’attraction sa couleur scientifique, Wattles pose donc comme conséquence évidente et irréfutable que tout le monde a la capacité de devenir riche.
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SCIENCES ET PSYCHOLOGIE
À l’époque des philosophes grecs, la psychologie, essentiellement empirique, est une branche de la philosophie. Bien plus tard, la psychanalyse part explorer l’inconscient pour identifier les causes d’un problème, mais il n’existe pas d’expériences reproductibles. Le béhaviorisme, de son côté, cherche à prédire des comportements à partir de stimuli spécifiques. Au début des années 1960, la psychologie cognitive, utilisant les découvertes des neurosciences, étudie scientifiquement les états mentaux internes, puis étend ses études aux émotions, aux représentations sociales, aux troubles mentaux... Pour autant, même si l’on parle parfois de « psychologie scientifique », ce n’est pas une science exacte... tant que nous sommes des êtres humains individualisés et non des clones ou des robots !
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En 1928, Napoléon Hill mentionne abondamment la loi de l’attraction dans son livre Les lois du succès vendu à des millions d’exemplaires. Il y expose les processus de réussite de plusieurs centaines de personnes qu’il avait interviewées et dont la plupart étaient millionnaires. Son objectif : que chacun puisse reprendre à son compte ces processus de réussite.
Il récidive en 1937 avec son ouvrage le plus célèbre, Réfléchissez et devenez riche. Existe-t-il une formule secrète pour devenir millionnaire ? Existe-t-il une méthode infaillible reproductible par tous pour devenir riche ? La réponse est oui, d’après Hill, fondée sur le principe de la loi de l’attraction selon lequel les pensées se convertissent en monnaie sonnante et trébuchante.
Hill affirme ainsi : « Quel que soit ce que l’esprit de l’homme peut concevoir et croire, il peut l’atteindre. » Nous pouvons devenir riches (et même très riches) si nous le désirons. Comme les écrits de Wattles, ceux de Hill sont fortement imprégnés de l’esprit « rêve américain » : son rapport à l’argent est décomplexé et s’enrichir financièrement à titre personnel peut parfaitement être un but – peut-être un des plus essentiels, selon lui.
Nous sommes le reflet de ce que nous pensons
Parmi les pionniers de la loi de l’attraction, il est parfois fait état d’un écrivain et philosophe britannique, James Allen, qui, dans son ouvrage de 1902, L’homme est ce qu’il pense, déclare ceci : « Un homme est littéralement le reflet de ce qu’il pense, son caractère étant la somme de toutes ses pensées ». Il affirme également que « les hommes n’attirent pas ce qu’ils veulent, mais ce qu’ils sont ».
Que notre caractère résulte de ce que nous pensons, rien à redire à cela, mais parler de loi de l’attraction en ce qui le concerne revient à faire un raccourci hasardeux : comme nous sommes ce que nous pensons, et que nous attirons ce que nous sommes, alors nous attirerions ce que nous pensons ?
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À RETENIR
Ce serait faire dire à James Allen ce qu’il n’a pas dit, d’autant qu’il précise par ailleurs ce point capital : « L’homme n’a pas ce qu’il souhaite et désire, il n’a que ce qu’ il mérite. Ses souhaits et ses prières ne sont exaucés que lorsqu’ils sont en harmonie avec ses pensées et ses actions. »
Voilà un point important à garder en mémoire, car nous sommes aux antipodes de ce que bon nombre de partisans de la loi de l’attraction clament : s’il y a attraction, ce n’est pas en fonction du désir d’un instant, mais de tout un ensemble complexe de pensées, de comportements et de divers facteurs.
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Bien d’autres ouvrages sur le sujet...
Il est difficile de ne pas mentionner le fameux livre de Rhonda Byrne, Le Secret (voir note, p. 12). Tout a été dit ou presque sur ce livre, qui a surtout superbement utilisé les lois du marketing pour en définitive ne révéler... aucun secret – et faire surgir, paradoxalement, un grand nombre d’adeptes et tout autant de déçus ! Bien évidemment, l’ouvrage est utile quand il rappelle qu’il faut modifier sa façon de penser si celle-ci nous est négative. Pour le reste, chacun se fera son opinion, et je passerai la mienne sous silence afin de ne froisser personne.
Il n’est pas question de citer ici tous les auteurs ayant contribué à la popularisation de la loi de l’attraction. Atkinson, Haanel, Wattles, Hill et Allen en sont les principaux ; on peut également citer Esther et Jerry Hicks. Certains osent même faire remonter cette loi à Bouddha ou mentionner des figures de l’histoire comme Platon, Galilée ou encore Beethoven... D’autres y intègrent des religions comme l’hindouisme ou le christianisme, et certains remontent même à l’origine des temps.
Bref, beaucoup de choses ont été dites (et redites) au sujet de la loi de l’attraction, et il convient, avant d’adhérer à quoi que ce soit, de bien comprendre de quoi l’on parle et d’en saisir tous les tenants, aboutissants et... imprécisions.
Tout dépend de ce que l’on met dans cette « loi » et de ce que l’on veut à tout prix y faire concorder.
Xavier Cornette de Saint-Cyr
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