
Chaque jour, nous vivons au rythme des secondes et des heures, convaincus que le temps s’écoule, immuable et universel. Pourtant, derrière cette évidence quotidienne, des physiciens et philosophes de renom remettent en question la réalité même de cette dimension. Selon eux, le « temps » ne serait pas une entité fondamentale de la Nature mais une émergence — un artefact de notre perception ou de nos modèles mathématiques. Cet article explore pourquoi, et comment, certains scientifiques en sont venus à défendre l’idée que le temps n’existe pas véritablement.
Dans la relativité générale, le temps se mêle à l’espace pour former un continuum malléable : il se dilate au gré de la vitesse et de la gravité. En revanche, dans la mécanique quantique, le temps reste un paramètre externe, immuable, indifférent aux probabilités quantiques. Ce conflit de traitements crée ce que l’on nomme le « problème du temps » en gravité quantique : fusionner les deux théories implique de repenser la place du temps dans les équations fondamentales SpaceWikipédia.
Au cœur des tentatives de quantification de la gravité, l’équation de Wheeler–DeWitt se distingue par son absence totale de paramètre temporel : la fonction d’onde de l’univers qu’elle décrit ne dépend pas du temps, suggérant un univers « figé » où aucune évolution intrinsèque n’existe Discover MagazineGoogle Sites. Pour ses défenseurs, ce formalisme révèle que le temps n’est pas une variable primordiale, mais plutôt une façon commode d’ordonner des configurations statiques.
Le physicien Julian Barbour va plus loin : dans son ouvrage The End of Time, il soutient que chaque instant — qu’il qualifie de « Now » — existe en tant que réalité complète et immuable. Le sentiment de passage naît de la comparaison entre ces « Nows », organisés selon leur similarité, et non d’un écoulement objectif Wikipédia. Pour Barbour, les « capsules temporelles » (empreintes de mémoire, traces physiques) suffisent à créer l’illusion d’un passé et d’un futur.
Carlo Rovelli et d’autres partisans de la gravité quantique à boucles proposent une autre clé : le temps naîtrait des relations entre systèmes plutôt que d’une dimension indépendante. Dans cette perspective, l’évolution s’exprime par des corrélations entre observables ; le « quand » d’un événement n’existe pas en soi, mais se définit par son lien avec un « horloge » interne au système arXiv. Ainsi, le temps serait une abstraction dérivée, non un ingrédient de base de la réalité.
L’idée que le temps n’existe pas en tant que donnée fondamentale bouscule nos certitudes et invite à repenser l’architecture même des lois physiques. Qu’il s’agisse du bloc ultime sans temps de l’équation de Wheeler–DeWitt, des « Nows » immobiles de Barbour ou des corrélations relationnelles de Rovelli, ces approches convergent vers la même remise en question : le temps, tel que nous le ressentons, pourrait n’être qu’un miroir déformant de notre expérience. Au-delà de la philosophie, cette révolution conceptuelle pourrait ouvrir de nouvelles voies pour unir relativité et quantique, et nous rapprocher d’une compréhension plus profonde de l’univers.