Energie : la notion de ressources et de réserves

Play de gaz de shiste
Play de gaz de shiste


Il est important que l’on comprenne les distinctions entre les différentes catégories d’hydrocarbures, et entre « ressources » et « réserves », car tous ceux qui, de par le monde, ont un intérêt – politique ou financier – à ce que se développe l’exploitation non conventionnelle s’ingénient à brouiller les cartes, pour servir leur propos. Ainsi, il arrive qu’une argumentation divulguée dans les médias fasse état de chiffres prometteurs liés à l’exploitation d’une catégorie d’hydrocarbures alors qu’en réalité, ils se rapportent à une autre.

Et la plupart d’entre nous n’y verront que du feu. On se laissera facilement convaincre de l’utilité de l’exploitation non conventionnelle dans ce cas. Rares seront ceux qui détecteront la supercherie.

Nous verrons un peu plus loin que cette manière de procéder est assez fréquente. D’autant plus que les spécialistes eux-mêmes, nous l’avons déjà évoqué, ne s’expriment pas d’une seule voix, n’emploient pas les mêmes mots pour désigner les mêmes choses. Et s’ils se disent convaincus de la nécessité d’une normalisation des définitions, elle n’est pas encore en vigueur à l’heure qu’il est.
Et c’est un réel casse-tête pour qui s’intéresse au sujet.

On imagine bien que tout ce qui existe dans le sous-sol n’est pas systématiquement accessible, facilement exploitable, ni même exploitable tout court, et, de toute façon, la production n’en est pas forcément rentable.

Les hydrocarbures sont donc répertoriés en fonction de leur accessibilité, exploitabilité, rentabilité, etc. à l’intérieur des deux catégories principales que sont les « ressources » et les « réserves ».

Les ressources
Les ressources correspondent à la quantité préexistante au niveau du sous-sol.

Dans un premier temps et pour faire simple, quand on parle de « ressources », on parle de l’entièreté de tous les hydrocarbures (conventionnels et non conventionnels) existant14 au niveau des sous-sols. Y compris ceux qu’il reste encore à découvrir !

Les réserves
Les réserves font partie des ressources.
Néanmoins, « seule une certaine partie des ressources de gaz de roche-mère techniquement récupérable sera reclassée en réserves et donnera lieu à une production au fil du temps » (Lechtenböhmer et al., 2011, p. 66). En effet, une très faible partie – de l’ordre de 1 % – peut être qualifiée de techniquement récupérable et « de- viendra, si l’économie le permet, des réserves15 ». La grande partie des ressources présente un taux élevé de dispersion dans les sédiments ou encore demeure fixée à la roche, piégée dans les pores de la couche argileuse de naissance, leur roche-mère qui constitue leur gisement (Laherrère, 2011, p. 1).

Précisons qu’il existe différentes sous-catégories de ressources et de réserves. Je ne reprendrai ici que celles qui me sont utiles pour tenter d’esquisser les contours des différentes catégories de gaz de roche-mère comprises dans les « ressources » et celles comprises dans les « réserves ».

Alexandre de Robaulx de Beaurieux compare les catégories et sous-catégories d’hydrocarbures à un jeu de poupées russes ou Matryoshkas : la plus grande contient toutes les autres. Suit ainsi toute une série de sous-catégories :

Les ressources
OGIP : Original Gas in Place (gaz en place à l’origine ou gaz en place: le GEP)
PR : Potential Ressources (ressources potentielles),
URR : Ultimate Recoverable Resources,
TRR : Technically Recoverable Resources (ressources technique- ment récupérables)
Sur l’illustration ci-dessus, les ressources sont indiquées par le trait surlignant toutes les catégories de ressources, regroupées sous la catégorie Resources. Un trait superposé ne reprend que les catégories faisant partie des différentes estimations de réserves,

Les réserves
ERR : Economically Recoverable Reserves (réserves économiquement récupérables)
IR : Initial Reserves (réserves initiales). Les réserves peuvent être originales ou initiales, représentant la production du début à la fin de la production ou restantes à une certaine date. Il faut toujours ajouter une date à une estimation de réserves. Ainsi, les réserves originales = réserves restantes plus production cumulée.
RR : Remaining Reserves (réserves réstantes)
> 3P : Proven + Probable +Possible Reserves (réserves
prouvées + probables + possibles)
> 2P : Proven + Probable Reserves (réserves prouvées + probables)
>1P : Proven Reserves (réserves prouvées)
Sur l’illustration ci-dessus, les réserves sont indiquées par le trait surlignant toutes les catégories de réserves, regroupées sous la catégorie Reserves.

Les réserves doivent être extractibles avec les technologies d’aujourd’hui et à un coût économiquement rentable. Elles ne pourront être certifiées qu’après forage16. Par extension, on considérera les réserves d’aujourd’hui et les réserves de demain, qui ne seront mobilisables pour une production que dans le futur. Au fur et à mesure de l’avancée technologique, on comptabilisera une part grandissante de ressources en réserves, à condition qu’elles soient économiquement productibles.
Précisons que les économistes n’ont pas accès aux données techniques confidentielles et se basent donc sur des estimations erronées des réserves politiques/financières. Ceci est la clé de l’incompréhension entre les économistes et les pétroliers.

Quelques mots de vocabulaire fréquemment rencontrés

Que sont les bassins, formations, plays et sweet spots ?
Bassin : au sens géologique du terme, un bassin est une zone de subsidence [tectonique, thermique, isostasique], dans laquelle des sédiments peuvent s’accumuler.

Formation : une formation est, pour le dire simplement, une couche géologique distincte.

Play : « Play - Une zone prospective pour la production de pétrole, de gaz ou les deux. Habituellement, une zone géographique relativement faible contiguë centrée sur un réservoir individuel. » (Hughes, Drill, Baby, Drill, glossaire, p. 166 ; traduction par mes soins.)

Un play est une zone d’exploration et de production. Le play est le secteur actif dans la concession, dont il ne constitue en général qu’une petite partie. Le play ne se fait pas partout, mais seulement au niveau des sweet spots découverts pendant la campagne d’exploration.

Sweet spots : les sweet spots sont les zones prometteuses, c’est-à-dire où les poches/formations/couches sont les plus favorables, avec une géologie optimale, donc limitée.

Ces sweet spots présentent également un déclin important, mais le rendement d’extraction y est beaucoup plus grand17.
Comment s’emboîtent-ils ?
Le périmètre, généralement très vaste, où l’on identifie ou simplement on suspecte la présence d’hydrocarbures est appelé un bassin (d’hydrocarbures). Au sein de ce bassin, on délimitera une zone prospective ou prometteuse pour la production de pétrole et/ ou de gaz (dénommée play en anglais). Cependant, ce n’est généralement pas toute la zone qui se révèle pertinente en vue de la production mais seulement les sweet spots. Dans ces endroits « crémeux » appelés « thèmes pétroliers » ou « sweet spots », la production est très soutenue, tandis qu’elle est quasi inexistante dans le reste de la zone en raison d’une géologie peu favorable.

Amalgame entre ressources et réserves
Maintenant nous avons bien compris que ce qui est repris sous le vocable « ressources » (non conventionnelles) n’est pas toujours exploitable.
Un des problèmes majeurs dans l’évaluation du potentiel en gaz de roche-mère des bassins est que les études font l’amalgame entre les ressources et les réserves – les réserves techniquement et économiquement exploitables – ainsi qu’entre l’accumulation continue et les champs discrets (sweet spots) (Laherrère, 2012, p. 12).

14 Dans leur définition du terme « ressources », DeSorcy et al. ajoutent « à un moment précis » (DeSorcy et al., 1994, p. 4).
15 Jean Laherrère.
17 Source : échange personnel A. de Robaulx de Beaurieux, août 2013.

 
Olivier Parks

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Le gaz de schiste