Les caractéristiques physiques de l’Homme de Florès, découvert en 2003, sur l’île indonésienne du même nom, restent une source d’interrogations pour la communauté scientifique. Antoine Balzeau1 du laboratoire Histoire naturelle de l’Homme préhistorique (CNRS/MNHN/ Université de Perpignan Via Domitia) et Philippe Charlier2 ont réalisé l’étude microtomographique du crâne du spécimen type de l’espèce Homo floresiensis (baptisé LB13). Leurs résultats, publiés le 15 février 2016 dans le Journal of Human Evolution, montrent que ce crâne ne présente aucun signe de pathologie connue chez Homo sapiens. Ses caractéristiques permettent d’exclure ce fossile de notre espèce et montrent plus de ressemblances avec Homo erectus.
L’Homme de Florès, découvert dans une grotte en 2003, continue de susciter de vives discussions.
D’une stature d’environ 1 mètre, avec un cerveau de la taille de celui d’un chimpanzé, il chassait, fabriquait des outils, utilisait le feu et vivait sur une île qui n’avait jamais été connectée au continent. Pour certains chercheurs, il serait le résultat d’une adaptation à un environnement insulaire, depuis des ancêtres Homo erectus, voire des australopithèques. Pour d’autres, il serait un Homo sapiens pathologique, nain proportionnel, microcéphale ou encore atteint du syndrome de Down4, parmi une longue liste de propositions.
Moulage du crâne de LB1, holotype de Homo floresiensis,
exposé dans la partie « d’où venons-nous ? » du parcours permanent du Musée de l’Homme.
© MNHN - JCDomenech
On peut en conclure qu’il n’y a aucun support à une attribution de LB1 à Homo sapiens puisque son crâne ne présente aucune pathologie connue chez Homo sapiens et qu’il n’a aucun des caractères dérivés qui permettent de définir notre espèce. En revanche, les données d’épaisseur osseuse ne permettent pas de clarifier la définition de l’espèce Homo floresiensis. Si la morphologie du crâne permet d’exclure que ce fossile est un Homo sapiens, il faudra regarder dans le détail la forme de son cerveau pour proposer des hypothèses concernant l’espèce fossile dont ce petit Homme a hérité ses caractéristiques.
Révision de quelques caractères internes de LB1 concernant l’épaisseur crânienne, sa constitution interne (dont identification d’une HFI) et la pneumatisation (le détail de l’os frontal compare une image d’après Brown, 2012 où étaient supposément visibles les sinus frontaux et une image de meilleure résolution démontrant
l’absence de cavité sinusale et la présence d’os diploïque).
© Antoine Balzeau-CNRS/MNHN
Distribution de l’épaisseur crânienne de LB1 en vue de dessus.
© Antoine Balzeau-CNRS/MNHN
Comparaison de la distribution de l’épaisseur crânienne entre LB1 (Homo floresiensis), Sangiran 2 (Homo erectus), La Ferrassie 1 (Homo neanderthalensis), Broken Hill (Homo rhodesiensis) et Cro-Magnon 1 et un microcéphale actuel (Homo sapiens).
© Antoine Balzeau-CNRS/MNHN
Notes :
1. Antoine Balzeau est chargé de recherche CNRS et travaille au Musée de l’Homme. Il est aussi chercheur associé au Musée royal de L’Afrique Centrale, à Tervuren en Belgique.
2. Philippe Charlier est paléopathologiste à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, à l’Université Paris-Descartes et à l’AP-HP.
3. LB1 est l’abréviation de Liang Bua 1, du nom de la grotte où ont été découverts les fossiles.
4. Le syndrome de Down est une affection d’origine génétique qui est causée par la présence d’un chromosome entier – ou d’une partie d’un chromosome – en surplus, plus précisément le chromosome 21. Le type de syndrome de Down le plus fréquent, qui compte pour 95 % des cas, est la trisomie 21.
5. La microtomographie aux rayons X est une technique de tomographie non-destructrice utilisée pour retranscrire une image en trois dimensions d’un échantillon.
6. Le terme hyperostose se définit par une hypertrophie osseuse, autrement dit des os anormalement épais.
Référence :
Balzeau A., Charlier P. What do cranial bones of LB1 tell us about Homo floresiensis ? Journal of Human Evolution in press.
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