L'être humain et les protéines

L’être humain a besoin de protéines pour vivre. C’est un fait avéré depuis longtemps. Notre corps les utilise pour assurer d’innombrables fonctions. Lorsqu’on dit « protéines », on pense immédiatement « animaux ». Pourtant, les sources de protéines sont tout aussi végétales qu’animales. Les céréales (blé, riz, maïs...), les légumineuses (haricots, lentilles, pois, soja...), les graines et les fruits secs oléagineux (graines de courge, amandes, noix...) en contiennent des quantités tout à fait intéressantes. Pour- tant, le débat agite le monde de la médecine et de la diététique : les protéines végétales valent-elles les protéines animales ? Mieux encore : les premières seraient plus bénéfiques que les secondes ? Ces questions méritent que l’on s’y arrête un moment.
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L’être humain a besoin de protéines pour vivre. C’est un fait avéré depuis longtemps. Notre corps les utilise pour assurer d’innombrables fonctions. Lorsqu’on dit « protéines », on pense immédiatement « animaux ». Pourtant, les sources de protéines sont tout aussi végétales qu’animales. Les céréales (blé, riz, maïs...), les légumineuses (haricots, lentilles, pois, soja...), les graines et les fruits secs oléagineux (graines de courge, amandes, noix...) en contiennent des quantités tout à fait intéressantes. Pour- tant, le débat agite le monde de la médecine et de la diététique : les protéines végétales valent-elles les protéines animales ? Mieux encore : les premières seraient plus bénéfiques que les secondes ? Ces questions méritent que l’on s’y arrête un moment.

Manger de la viande : aujourd’hui, l’idée nous semble naturelle. Les générations d’après-guerre ont tété le biberon de la viande toute-puissante. Après des années de privations, celle-ci a été élevée au rang d’aliment indispensable. Dans les années 1950, à la moindre faiblesse, on faisait avaler aux enfants « un bon jus de viande » dans le but de leur redonner tonus et résistance. Une attitude pas très éloignée, finalement, de la conception animiste ancestrale consistant à penser que l’on absorbe l’esprit et la force de l’animal lorsqu’on le mange après l’avoir chassé. Le guerrier vainqueur s’approprie ainsi l’âme de l’adversaire vaincu. Dans un cas comme dans l’autre, les qualités attribuées à la viande (rouge de préférence) relevaient d’une forme de fantasme.

La langue populaire a, d’ailleurs, fait du bœuf un symbole de puissance. Ne dit-on pas d’un homme particulièrement costaud qu’il est « fort comme un bœuf » ou d’un bosseur acharné qu’il « travaille comme un bœuf » ? Même une réussite patente est qualifiée de « succès bœuf ». Il faut dire que la viande rouge a longtemps été réservée aux personnes disposant de moyens suffisants pour se l’offrir. Les plus pauvres se nourrissaient de pain, de pommes de terre, de quelques fruits et légumes de saison peu onéreux. Manger de la viande était une marque de réussite sociale au même titre que les vêtements de marque ou la possibilité de partir en vacances.

La démocratisation de la consommation de la viande lui a permis d’entrer dans tous les foyers, ou presque. Mais cela n’a pas été sans conséquences.

Les surfaces agricoles réservées à l’élevage de bovins se sont multipliées à vitesse grand V. En Amérique du Sud, par exemple, la déforestation galopante est étroitement liée aux élevages gigantesques destinés à satisfaire notre consommation de hamburgers « vite faits, vite mangés ». On compte qu’aujourd’hui, plus de 60 % des terres cultivables du globe sont occupées par les élevages, au détriment souvent des cultures vivrières locales.

Les élevages de « bêtes à quatre pattes » sont aujourd’hui les plus décriés par les défenseurs de l’environnement. Ils sont extrêmement coûteux en eau : pour produire 1 kg de bœuf, il faut consommer plus de 15 000 litres d’eau, alors que pour 1 kg de céréales, moins de 1 500 litres suffisent. À ce rythme, l’eau deviendra une denrée rare dans les pays tempérés, comme elle l’est déjà dans les régions chaudes et sèches. S’ajoutent à cela les gaz à effet de serre générés par les élevages : ils représentent 15 % du total mondial, soit davantage que l’ensemble des transports. En plus, les rendements sont incroyablement inférieurs avec les élevages : un hectare de terre permet de produire, au choix, 150 kg de viande bovine ou 10 tonnes de pommes de terre. Le végétal remporte la victoire « haut la main » !
Côté protéines, la balance est tout aussi déséquilibrée. Songez qu’il faut produire 7 à 10 kg de céréales pour obtenir un seul kilo de viande. Et ces 7 à 10 kg de céréales renferment beaucoup plus de protéines facilement assimilables que ce pauvre petit kilo de viande. Or, en France, nous consommons près de 90 kg de viande par an et par habitant, soit près de 250 grammes par jour. Et c’est beaucoup trop, si l’on en croit l’avis quasi unanime des experts et des professionnels de santé. Nous ne sommes pas les seuls. Aujourd’hui dans le monde, 70 % des protéines consommées sont d’origine animale, la proportion la plus importante étant constatée dans les pays industrialisés où le taux de maladies cardiovasculaires est très élevé. Y aurait-il une relation de cause à effet ?

Ces données environnementales pourraient passer au second plan si les protéines animales étaient de meilleure qualité que les végétales. Mais ce n’est pas le cas, loin de là. Les années passant, les découvertes nutritionnelles ont jeté la suspicion sur cet aliment tant encensé. La viande a perdu progressivement ses lettres de noblesse au profit d’une alimentation plus chargée en végétaux.

Ce ne sont pas les protéines en elles-mêmes qui sont concernées, mais plutôt les substances qui les accompagnent dans les aliments. Dans les produits carnés (viande, volaille, et même poisson dans une moindre mesure), elles sont associées à de plus ou moins grandes quantités de matières grasses. Si certaines d’entre elles sont bénéfiques (notamment celles des produits de la mer), d’autres sont préjudiciables. Et celles contenues dans la plupart des viandes veulent plutôt du mal à notre corps, à commencer par notre système cardiovasculaire.

Il en va tout autrement des protéines végétales qui sont associées à des glucides (indispensables à notre production d’énergie), des vitamines et des minéraux, des substances antioxydantes... Les graisses y sont généralement présentes en quantité bien moindre que dans les produits animaux, et elles sont le plus souvent de bonne qualité. Cela ne signifie pas pour autant que les protéines animales et végétales soient rigoureusement identiques. Mais les différences sont moins importantes que ce que l’on pense, et très faciles à gérer. Vous le découvrirez dans les chapitres qui suivent.

Rassurez-vous : opter pour les protéines végétales n’implique pas que vous deviez exclure tout produit animal de votre alimentation. Devenir végétarien est un choix respectable, mais qui s’appuie sur des données autres qu’alimentaires. En revanche, il est possible, pour votre santé comme pour celle de la planète, de modifier un peu vos habitudes de manière à augmenter la part des protéines végétales dans votre nourriture quotidienne, ce qui diminuera d’autant la part des protéines animales.

L’idée de ce livre a germé il y a quelques mois, alors que nous partagions entre filles un cupcake à la violette. Le sujet est venu sur le tapis : devait-on chasser la viande de nos assiettes ? Joanna était convaincue que manger moins de viande et davantage de légumes était « meilleur pour la santé ». Mais elle se posait des tas de questions sur la marche à suivre : « Dois-je manger des kilos de pâtes, au risque de prendre du poids ? D’autant que les sauces qui les accompagnent sont souvent grasses... » Marie-Thé, pleine de bonne volonté, remarqua : « Je veux bien prendre un couscous-légumes mais j’ai peur d’avoir faim si je me prive de mes merguez. » De son côté, Elsa redoutait de devoir se transformer en post-baba-cool : « L’ambiance végétarienne, avec graines germées et trucs bizarres dans mon assiette, ça me fait peur et ça me rebute. » Quant à Keyna, toujours en quête d’un nouveau régime, elle objecta : « Je voudrais maigrir, mais j’ai peur de ces régimes à la mode qui conseillent de manger beaucoup de protéines animales ; je crois que ce n’est pas bon pour la santé. Peut-on faire la même chose avec les protéines végétales ? »
Au cours de cet échange passionné qui a duré plusieurs heures, les unes et les autres y sont allées de leurs remarques :
– « J’ai peur de grossir si je ne mange que des végétaux parce que je les arrose d’huile et que l’huile, ça fait grossir. »
– « Je digère mal, je suis intolérante au gluten, je ne peux pas manger de lentilles. »
– « J’ai lu le livre d’un médecin qui disait qu’il fallait surtout éviter les légumes le soir parce que ça favorise la cellulite, alors que le steak donne des gros seins*. »
– «Le tofu c’est du soja et j’ai entendu dire que c’est dangereux.»
– « Je ne suis pas une poule, je ne picore pas de graines. »
– « Je ne suis pas une vache, je ne broute pas d’herbe. »
– « J’achète parfois du quinoa et du tofu, mais je ne sais jamais
comment les préparer. Tels quels, ce n’est pas très appétissant. »
– « Pas de viande ni de poisson ? Mais qu’est-ce que je vais donc bien pouvoir cuisiner à ma petite famille ? »
Nous sommes ainsi passées progressivement d’un simple postulat philosophique à une interrogation plus pratique, puis à la quête d’un « mode d’emploi pour s’en sortir quand on est nul en protéines végétales ». Des questions que se posent bon nombre d’entre nous.
Entre deux bouchées de cupcake, nous nous sommes prêtées à un véritable brainstorming (une réunion de cerveaux en fusion) et avons décidé de nous y mettre le soir même, dans l’intimité de notre cuisine, juste pour prouver aux autres que c’était possible et savoureux. Et pour s’assurer que nos chéris, petits et grands (pour ceux qui partagent leurs mètres carrés), ne nous planteraient pas là sur-le- champ pour aller commander une côte de bœuf à l’Hippo du coin.

Les faits sont là. Et chacun sait qu’ils ont la vie dure... Elsa, qui était la plus réfractaire, est devenue totalement végétarienne. Cela ne va peut-être pas durer, mais pour le moment, elle se régale avec ses petites graines, ses huiles aux saveurs typées et ses lentilles couleur arc-en-ciel. Elle n’a même plus envie de s’arrêter devant la rôtisse- rie d’en bas qui, auparavant, la faisait saliver chaque jour. Joanna mange 100 % végétal tous les soirs ou presque, mais le midi, à la cantine, avec ses collègues, elle est ravie de partager une soupe de poisson, une choucroute garnie ou même un simple steak : elle est donc végétarienne à mi-temps. Marie-Thé a intégré facilement les recettes aux protéines végétales dans son quotidien, elle n’y pense même plus : parfois un plat avec du jambon ou des œufs, parfois du tofu ou du seitan (elle qui n’en avait jamais mangé !), parfois un mélange céréales/légumineuses ou un plateau de fruits de mer... L’omnivore dans toute sa splendeur. Quant à Keyna, elle nous voue une reconnaissance éternelle : moins 5 kg au compteur, plus jamais d’odeur de friture dans la maison (sic), un moral au beau fixe et la ferme intention de continuer son rythme de croisière : végétarienne un jour sur deux. Les autres jours, 60 grammes maximum de viande, poisson ou jambon. Et nous continuons à déguster des cupcakes ensemble, en refaisant le monde... Parfois, sans œuf ni beurre !

Ce que nous vous racontons là n’est pas une scène tirée d’une série comme Sex and the City ou Desperate Housewives. C’est la banale réalité de quelques jeunes femmes parmi des millions d’autres, pas spécialement douées en cuisine (pour certaines, c’est peu de le dire), pas vraiment aventureuses sur le plan des papilles gustatives, mais conscientes que manger trois fois par jour n’a rien d’anodin, et que les fruits et légumes méritent mieux que la minuscule place qu’elles leur accordaient jusque-là.

 

Anne Dufour / Carole Garnier  / Marie Borrel


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