HUB de la BPI FRANCE, 9 février 2016
Organisé par Areeba REHMAN, fondatrice de Fretbay et animés par :
> Antoine BEYER, Chercheur à l’IFSTAR
> Jean David CHAMBOREDON, Président France Digitale
> Frédéric KLOTZ, Fondateur Openyourweb
> Christophe POUTIERS, Directeur Supply Chain Bazarchic
> Areeba REHMAN, Fondatrice Fretbay
Jean-David CHAMBOREDON, Président France Digitale, introduit la conférence en évoquant le phénomène développé autour de l’économie collaborative. Il explique que cette nouvelle expression apparut en France regroupe beaucoup de choses : par exemple il existe deux différents grands concepts mais qui parfois s’entrecoupent en définissant cette économie :
> L’économie de partage (exemple Blablacar, où les gens partagent des frais, une activité).
> L’économie on-demand (exemple Uber).
Ces deux concepts prennent de l’ampleur et sont définis comme un « ouragan » sur notre économie devenant inéluctable.
Place de la logistique et du transport dans la stratégie d’un e-commerçant
Est-ce que Fretbay est innovant comme outil ?
Areeba REHMAN – Avec Fretbay nous avons développé un véritable outil de travail pour les entreprises de transport et de déménagement qui leurs permets d’optimiser leurs tournées et donc d’éviter de rouler à vide. En effet, en France 25 % des camions roulent à vide et plus de 50 % à moitié rempli. En gardant ces chiffres en tête nous avons donc décidé de mettre en place un outil qui permet aux entreprises de transport et de déménagement d’optimiser leurs tournées et donc d’effectuer le maximum de groupage dans leur camion. Cet outil est innovant car nous avons été les premiers à le mettre en place en 2008, la digitalisation dans le monde du transport.
Est-ce que finalement cette innovation de service n’est pas aussi complexe que la question de gestion des données ? Comment organisez-vous cette question de la liberté d’être où on veut quand on veut, de ne pas être suivit tout le temps et les impératifs de la géo localisation d’un colis ? Est-ce une problématique avec les transporteurs ?
Areeba REHMAN – Aujourd’hui il y a de nombreux outils numériques qui nous permettent de le faire. Evidemment il est important d’avoir des connaissances techniques pour les mettre en place. Avec Fretbay nous nous sommes focalisés sur tous les colis volumineux et la mise en contact direct avec les entreprises et donc les expéditeurs qui sont essentiellement à 90 % des particuliers. De nos jours, nous avons de plus en plus de demandes des e-commerçants et nous savons y répondre. Pour le tracking, nous l’avons surtout travaillé avec notre nouveau service MyBoxMan qui est une application qui permet à tout particulier de livrer par exemple son voisin sur ses trajets quotidiens pour partager les frais de cet itinéraire et de répondre à la problématique du dernier kilomètre. Grâce à cette application, le client a la possibilité en temps réel d’avoir le tracking et les déplacements de son livreur. C’est-à-dire que via celle-ci vous déposez une demande, vous choisissez l’horaire à laquelle vous souhaitez être livré et vous suivez l’arrivée de votre colis. Ainsi, avec cette application vous ne dépendez plus d’une fourchette horaire et n’êtes plus bloqué par la livraison de votre colis.
Christophe POUTIERS – Ça me fait réagir car en terme d’innovation, il y a 4 semaines le grand prix de Supply Chain Magazine a été remis à un excellent projet de mutualisation (mutualisation en amont de fabriquant pour la distribution). Le problème c’est que dans le digital la mutualisation n’est pas possible aujourd’hui pour une seule raison : la demande du client. La mutualisation à notre niveau c’est : on envoi le colis quand le client en a besoin. Nous ne sommes pas encore en capacité de faire de l’optimisation via notre prestataire pour de la livraison express. Le jour où le législateur nous dira « c’est très bien de livrer votre client, de livrer très vite, mais le CO2 vous en produisez tant que vous voulez ». A contrario si nous avions la même philosophie que la mutualisation organisée par Unilever, etc. en disant « on travaille avec les mêmes prestataires : vous devez mutualiser, vous devez servir le client dans de bonne condition » celui-ci doit comprendre qu’il aura le produit 6 à 12 h plus tard pour ne pas polluer. Ainsi, nous ne sommes pas dans l’instantanéité du produit.
La livraison express est-elle une tendance ?
Frédéric KLOTZ – Je rejoins l’avis de Christophe POUTIERS. Je pense que le consommateur n’a pas besoin d’un produit tout de suite. Il est important de tenir compte de ce que nous avons proposé, tout dépend de ce qu’a choisi le client. Ce dernier est prêt à attendre son produit plusieurs semaines. De nos jours le relai de livraison fonctionne très bien : cela représente aujourd’hui 30% du marché du transport.
A l’heure actuelle les clients choisissent de se faire livrer en relais et c’est une réponse aux problématiques de saturation du dernier kilomètre, notamment dans les espaces urbains : au lieu de livrer à une multitude d’adresse on va livrer chaque jour une dizaine de colis en un seul endroit et le particulier est prêt à attendre quelques jours de plus pour recevoir son colis. La transparence de la promesse faite au départ au client est donc vraiment importante, il s’agit d’un pacte gagnant-gagnant : « je te paye tant et tu me livres à telles dates ».
Il s’agit d’une pratique courante aux Etats-Unis. Il existe de nombreux sites de e-commerces proposant tout un panel de livraison. Il est proposé de livrer pour le lendemain, dans un délai de 48 heures, au magasin, etc. avec à chaque fois l’indication de la date et du prix.
Alors faut-il dans ce cas-là transformer son site internet en arbre de Noël avec un grand nombre de solutions personnalisées de transport, de livraison ?
Frédéric KLOTZ - C’est justement tout le défi d’un e-commerçant d’essayer de ne pas faire ressembler sa page de livraison à un arbre de Noël où le client va se perdre. Il est important de noter qu’il y a 44 % des clients qui quittent cette page « du mode de choix de livraison » car ils sont perdus. Il s’agit donc d’arriver à leur proposer des solutions à la fois simples, peu nombreuses et arriver à bien dimensionner quelles offres nous voulons faire et à quelle typologie de client tout en gardant bien en tête le fait qu’il est impossible de se passer de livraison à domicile, express et hors domicile (cf. point relais). Ainsi, l’idéal est de proposer au maximum 4 à 5 solutions de livraison afin d’éviter au consommateur de se perdre. En effet, aller au-delà de ce nombre c’est risquer la confusion pour ce dernier.
Les innovations et best practices permettant d’être plus performant dans le shipping et de mieux servir ces clients
Areeba Rehman nous a dévoilé une solution innovante : mobiliser la communauté, partager son coffre afin de proposer une solution de livraison nouvelle. Est-ce que nous pouvons imaginer d’autres solutions de transport : par exemple avec des drones, des bateaux ?
Antoine BEYER - Un concept intéressant a été développé : se servir des coffres de voitures comme dépôt. Le livreur dépose le colis dans le coffre pour une durée limitée. Ça revient à une sorte de consigne individuelle. Quelque part c’est vrai que le e-commerce n’est pas le meilleur ami de l’environnement.
Areeba REHMAN vous qui, justement, êtes à la tête d’une start-up innovante : est-ce que nous pouvons imaginer ce service se massifier ?
Areeba REHMAN - Absolument puisqu’avec MyBoxMan nous venons de signer un partenariat avec le 2e plus grand constructeur d’automobile mondial dont je n’ai pas encore la possibilité de citer le nom cependant vous le saurez d’ici peu. En effet, il sera annoncé au MWC de Barcelone le 22 février. L’idée est de se dire qu’une personne qui fait un itinéraire « maison – travaille », ou autre bien sûr en voiture, va utiliser son GPS pour rentrer sa destination et va avoir accès à toutes les missions de pick-up colis ou de livraison colis sur son itinéraire directement depuis le tableau de bord de son véhicule. Il est donc tout à fait possible d’imaginer ce service se massifier.
Gestion de l’impact environnemental de son activité de transport
Parlons maintenant de l’impératif environnemental : la COP 21 s’est tenue à Paris il y a quelques semaines et le transport est une des activités les plus polluantes par définition. Nous avons également cette tendance qui émerge depuis 15-20 ans maintenant et qui devient de plus en plus en forte : demander aux entreprises de s’engager pour la société, d’être responsable socialement. Comment gérer cette problématique ?
Areeba REHMAN - Fretbay est une entreprise écologique puisque nous avons économisé 800 000 tonnes de CO2. Avec MyBoxMan, l’idée n’est pas de demander aux particuliers qui veulent uniquement aller livrer des colis de prendre leur voiture, leur vélo ou de se déplacer à pied pour faire spécialement ce trajet mais d’optimiser leur itinéraire quotidien. Cela signifie que dans tous les cas le trajet va être effectué. Le concept est donc plus d’éviter que les autres transporteurs fassent spécialement ce trajet afin de permettre aux particuliers de rentabiliser les frais de leur trajet quotidien.
Poussez-vous vos partenaires à s’équiper en camion électrique ou autres solutions de ce genre ?
Areeba REHMAN - Non pas du tout. Pour être honnête, je n’y crois pas trop à la solution camion électrique pour deux raisons :
1. Je pense qu’un trajet Paris-Nice, ou autre long trajet, avec un camion électrique va être compliqué à réaliser notamment au niveau des problématiques de batteries, de charges, etc.
2. Pour les sociétés avec lesquelles nous travaillons, c’est-à-dire des PME, TPE, etc. cela représente des coûts supplémentaires. Un camion électrique coûte encore très cher pour ce genre de structure.
Frédéric KLOTZ, vous qui accompagnez des TPE, PME pour développer leur logistique, mieux la concevoir : combien ça coûte à celles-ci de développer leur segment logistique et éventuellement de faire un effort environnemental ?
Frédéric KLOTZ - La question est assez vaste puisque tout va dépendre du cas de chacun. Je dirai que très souvent aujourd’hui ce sont les outils, la puissance du système d’information qui vont faire que les process logistiques vont être bien rodés. C’est également cet apport du digital, pour revenir sur les problématiques de mutualisation, qui finalement va faire toute la différence et permettre de gagner du carbone, de respecter un peu plus l’environnement. Grâce au digital nous allons être en mesure de pouvoir regrouper chaque espace disponible, chaque boîte aux lettres, chaque coffre et de mutualiser tous les déplacements pour arriver à faire de chacun un transporteur.
Quels sont les freins (notamment règlementaires) à ces innovations ?
Areeba REHMAN - Je me suis faite bien assistée. On ne peut pas faire n’importe quoi mais quand on innove tout n’est pas déjà présent dans les textes. J’ai eu l’opportunité de déjeuner avec Monsieur le Président François Hollande, qui avait réuni 12 femmes entrepreneurs françaises autour de la table. Lors de ce déjeuner il était à l’écoute et vraiment là pour dire « par rapport à l’innovation et par rapport à ce que vous mettez en place qu’est-ce que nous pouvons changer ? ». Aujourd’hui Jean-David CHAMBOREDON l’a bien dit, il y a l’économie collaborative qui arrive donc il y a des nouveaux textes, des nouveaux décrets qui sont en train de sortir. En effet, nous avons vu le rapport Terrasse qui est sorti hier. Par rapport à la réglementation, ce que j’ai envie de dire c’est que nous pouvons continuer à innover nous avons la chance d’être écouté. Emmanuel Macron a bien compris ce qu’est l’économie collaborative et va plutôt dans ce sens-là. Il demande d’être transparent, chose que les plateformes ont bien compris comme nous pouvons le voir avec Blablacar ou encore AirBnB. Quant au développement en Europe c’est possible, on s’y retrouve dans les réglementations européennes. Certes, il y a certaines choses à respecter mais l’idée est tout à fait envisageable et facile à réaliser.
Sur le plan réglementaire comme il s’agit de particulier effectuant les colis : à quoi le particulier s’engage lorsqu’il livre un colis ? Comment vous sécurisez ? Comment la réglementation est impactée ?
Areeba REHMAN - Concernant la réglementation pour MyBoxMan, il s’agit de particuliers que nous avons recruté et formé, nous travaillons en partenariat avec une compagnie d’assurance afin d’assurer les colis et le livreur.