Tentatives de Suicide chez les borderline : Comment tester la solidité de l’amour de l’autre

  « Sauvez-moi, aimez-moi, je ne voulais pas vraiment mourir » 
 

 

Communiqué de Presse, 22 juin - Jeudi de l’Ascension, il est 3heures du matin dans le service des urgences d’un Hôpital Parisien. Clotilde, une jeune fille de 16 ans et admise en état d’urgence absolue pour une tentative de suicide. Ce même soir, sa mère, insomniaque, a une intuition. Elle tente de joindre sa fille par téléphone. N’obtenant pas de réponse à ses appels elle alerte les pompiers. Ils arrivent rapidement sur les lieux, ils forcent la porte de son appartement et constatent qu’elle a avalé 3 tablettes de médicaments. Ils la transfèrent toutes sirènes hurlantes vers l’hôpital le plus proche où elle est immédiatement prise en charge par l’équipe des soignants.

 

Trois jours plus tard, après avoir été efficacement soignée, Clotilde s’est parfaitement remise de ce qui aurait pu lui être fatal sans l’intuition de sa mère et l’efficacité des équipes de secours.

 


Les comportements auto agressifs tels que les scarifications et les tentatives de suicide sont un des symptômes inhérents au trouble de la personnalité limite, trouble borderline.        

Parmi cette population, le taux de suicide est de 16% chez les 15-24 ans. Il est de 20 % chez les 25-34 ans. Dans le même temps, les tentatives de suicide et idées suicidaires progressent. Une enquête menée en 2019 montre que 2,9 % des jeunes de 17 ans – soit 250 000 jeunes – ont déclaré avoir déjà fait une tentative de suicide ayant entraîné une hospitalisation.

 

La tentative de suicide pourrait bien être l’ultime moyen imaginé par le borderline de réunir au chevet de son lit de souffrance les personnes qui ne lui portaient pas attention quand il allait bien. Ce pourrait également être le moyen manipulatoire ultime de vérifier la solidité de l’amour de l’autre.
Plus d’un jeune sur dix a déclaré avoir pensé au moins une fois au suicide au cours des douze derniers mois. Les tentatives de suicide chez les 17 ans sont passées de 10,7 % à 11,4 % entre 2011 et 2016, et sont deux fois plus fréquentes chez les filles, tout comme les pensées suicidaires.

 

Lorsqu’un jeune patient consulte en cabinet de ville après une hospitalisation à la suite d’une tentative de suicide, le psychothérapeute doit faire preuve d’une vigilance particulière. Il doit en particulier porter une grande attention aux éléments humains et conjoncturels du contexte. Il doit être capable d’anticiper les situations qui pourraient réactiver le sentiment d’abandon, d’exclusion, de dévalorisation qui participent à la réactivation des traumas anciens avec les conséquences que l’on sait. Il doit également être à l’écoute des ressentis de son patient, mêmes les plus anodins.

 

Quand l’hospitalisation est vécue comme une protection

Nombreuses de nos patientes suicidaires demandent à être hospitalisées. A l’hôpital, elles déclarent se sentent protégées de leurs pulsions de mort. On s’occupe d’elles, on les soigne, elles se sentir comprises, soutenues, protégées d’elles-mêmes. On sait que pour le borderline, le suicide, comme les scarifications peut devenir une forme d’addiction. En effet, quand il est interrogé sur ce qui a motivé une tentative de suicide, le borderline répond qu’il n’avait « pas vraiment envie de mourir. Il veut juste que « ça s’arrête ». Le « ça » représentant une situation familiale, une liaison amoureuse, ou autre, devenue intolérable, une frustration, un mal de vivre. C’est sans doute pour cette raison que les borderline qui font une TS laissent souvent des indices destinés à ceux ou celles qui viendront les sauver au dernier moment.

 

Quand la permission de sortie est une mise en danger de personne vulnérable

Surtout s’il s’agit d’une patiente mineure, les psychiatres hospitaliers ne doivent donc jamais croire un borderline, qui veut quitter l’hôpital après une tentative de suicide, même s’il promet de bonne foi, qu’il ne recommencera pas son geste.

 

Nous pensons en effet, qu’il s’agit là d’une mise à l’épreuve inconsciente du borderline vis-à-vis du soignant. Il se dit : « Si tu me laisses sortir, c’est que je suis encombrant(e) pour toi. Tu n’as pas de place dans ton service. Tu ne veux pas, ou tu ne peux pas t’occuper de moi. En fait, tu es bien comme mes proches, tu ne veux pas voir à quel point je souffre et tu me renvoies dans un monde hostile qui me rejette ».

 


TEMOIGNANGE – Clotilde, mineur.

 

« Bonjour Clotilde, comment allez-vous ce matin ? Vous nous avez fait une vraie peur l’autre soir ! Vous savez que vous auriez pu mourir ? Sans l’intervention des pompiers et de l’équipe soignante, l’issue aurait été fatale. D’après ce que j’ai appris, vous n’en êtes pas à votre première tentative. De quoi souffrez-vous ? »

 

Clotilde répond avec un sourire dont elle connaît l’efficacité redoutable… « Vous savez, je suis diagnostiquée borderline. Parfois, quand je me sens abandonnée, alors j’ai juste envie de mourir pour ne plus souffrir. Après je regrette, je sais que ça fait du mal à ma mère et à mes amies. Mais bon, je crois que là, je ne recommencerai pas. J’ai le BAC à passer dans un mois, et puis après, je dois m’inscrire à la Fac… Puis partir en vacances. J’ai plein de choses à faire et pour ça, je dois vivre ! » 

 

Ces mots rassurent le psychiatre. En effet, cette jeune fille aime la vie, ça se voit. Même si elle est effectivement borderline, elle n’a pas sa place dans un service psychiatrique pour adultes.
Alors il lui délivre un bon de sortie, non sans la prévenir : « Je vous conseille de parler de cet incident à votre thérapeute ou à votre psychiatre référent. Je ne veux pas vous revoir, vous me le promettez ? »

 

Clotilde répond du tac au tac : « c’est promis docteur. Je vais demander à ma mère de venir me chercher »

 

Trois mois plus tard, après avoir découvert sur l’Instagram de son copain que celui-ci la trompait avec une autre fille, Clotilde a fait une overdose avec des drogues de synthèse au cours d’une raveparty … Elle échappera à la mort une nouvelle fois. Et une nouvelle fois, elle sortira de l’hôpital, quelques jours plus tard, en promettant au psychiatre que « c’est un accident, ça ne se reproduira plus ».

 

Pour combien de temps ?

 

Pierre Nantas.
Psychothérapeute, spécialiste du trouble de la personnalité borderline.
Président fondateur de l’AFORPEL

 

 

A PROPOS DE L’AFORPEL

 

Fondée en 2004 par Pierre Nantas, l’AFORPEL est aujourd’hui le premier organisme de formation agrée pour informer et former les professionnels de santé au diagnostic et l’accompagnement psychothérapeutique du trouble de personnalité limite (TPL) ou trouble borderline. Cette association propose tout au long de l’année des prestations de formation ainsi que des groupes de parole destinés mieux faire connaître les spécificités de ce trouble encore trop souvent confondu avec les troubles bipolaires - www.aforpel.org