L'amour en danger : le cycle du contact et le cyberespace

 

En psychothérapie, un concept décrit un processus de cinq étapes qui conditionne la réussite de toutes les formes de relations humaines : le cycle du contact. Quand il s’agit d’amour, la relation avec l’être aimé doit être réussie sur trois plans : Le plan cognitif (expression du projet d’amour), le plan émotionnel (partage des ressentis) et physique (les comportements et les mots d’amours). Le psychothérapeute Pierre Nantas revient sur les différentes étapes de ce cycle et les dangers de l'univers virtuel nouvelle génération.

 

Première étape : Le précontact. Vous ressentez le besoin d’aimer et d’être aimé/e. Vous vous faites une idée du profil de l’être qui pourra satisfaire vos désirs, avec qui vous pourrez vous projeter dans l’avenir. Vous réfléchissez en même temps à tout ce que vous souhaitez et pourrez offrir à l’être aimé/e. Cette première phase peut être polluée par des sentiments de colère ou de culpabilité en relation avec une ou des expériences précédentes qui se sont mal terminées. On peut également ressentir une forme d’angoisse en lien avec la peur de l’inconnu et à un manque de confiance en soi, la peur du jugement. Certaines personnes pensent que « L'amour fantasmé vaut bien mieux que l'amour vécu. Ne pas passer à l'acte, c'est très excitant. (Andy Warhol) ». Il est important de ne pas se précipiter mais, pour autant, rappelez-vous qu’il n’est pas nécessaire de savoir nager pour aller à la piscine ! 

 

Lorsque vous vous sentez sens prêt, passez à l’action, lancez-vous dans la phase de séduction : C’est la deuxième étape, celle de la prise de contact. Cours de danse ou clubs sportifs, sites de rencontres, soirées dédiées, fêtes d’anniversaires, cocktails, mariages … ou toutes autres occasions, sont des moments propices à la mise en relation qui va permettre à chacun de découvrir l’autre. Ici encore, évitez de tomber dans les pièges en lien avec la forme de rencontre choisie. Certains sites de rencontre, par exemple, proposent l’immédiateté de la rencontre physique ce qui peut nuire à l’expression suffisamment élaborée des attentes et des besoins des partenaires, et entrainer des déconvenues qui peuvent être traumatisantes, tandis que d’autres encouragent l’installation d’une relation virtuelle qui ne saura pas résister à la réalité.  Attention au coup de foudre qui vous fait passer très vite, (parfois trop vite) à la troisième étape : le plein contact. « On va chez toi, tu viens chez moi ? ». C’est ici que tout se mélange, les émotions prennent le contrôle de la situation et le temps semble s’arrêter. La rupture de contact, la quatrième étape, peut être source de frustration, de désillusion ou, au contraire, le premier chapitre d’une merveilleuse « love story ». Le post contact, cinquième étape, est ce moment merveilleux où on envisage, après s’être quittés, les milles et une façon d’écrire la suite d’une merveilleuse histoire.
 

 

L’amour piégé

 

Pour répondre à Schopenhauer qui estime que « l’amour est un piège tendu à l'individu pour perpétuer l'espèce », nous estimons que l’amour est un sentiment très vulnérable qui peut être perverti de multiples façons, surtout quand il se transforme en relation fusionnelle, en dépendance ou, pire encore, en co-dépendance. L’amour de l’un peut même devenir toxique pour l’autre quand il devient outil de manipulation pour satisfaire un besoin de possession. De même, l’amour n’est pas une réponse à la peur de l’abandon et ne peut pas combler un vide affectif ni résoudre un sentiment de solitude. Enfin, la peur de l’engagement, qui est souvent liée à un déficit du processus d’attachement pendant l’enfance, s’accompagne d’un déni du futur insécurisant qui confine la relation amoureuse naissante dans un espace réduit « d’ici et maintenant ».

 

Mais aujourd’hui, ce qui menace le plus l’amour c’est paradoxalement ce qui nous a permis de le trouver : le cyberespace !

 

  • Les réseaux sociaux (Facebook, Instagram…). Très utiles pour montrer à nos followers, à grands renforts de selfies, les moindres moments de notre bonheur tout neuf, ils peuvent également devenir des générateurs d’angoisses quand ils instillent de façon perverse un sentiment de doute, la peur de la trahison au moyen de clichés équivoques ;
     
  • S’il n’est pas suffisamment ancré dans le cœur de chacun des partenaires, il peut-être tentant de mettre l’amour à l’épreuve en faisant des visites furtives sur les sites de rencontres rapides. Véritables générateurs de tentations, ces catalogues d’âmes en quête de partenaires peuvent être à l’origine de crises qui ébranleront les fondements d’un amour naissant.
     
  • Le « tout, tout de suite » a supprimé la phase de découverte de l’autre. Si on s’aperçoit que l’on a fait un mauvais choix de partenaire, il peut être difficile de reprendre sa liberté. Alors on choisit de « laisser pourrir l’amour jusqu’à ce qu’il se transforme en haine de l’autre et on repart en quête d’une nouvelle aventure.
     

 

Une seule sauvegarde possible

 

A la condition que chacun des deux partenaires estime qu’il serait dommage de laisser mourir leur amour, la psychothérapie peut permettre de comprendre les raisons qui les ont conduits à détruire ou laisser détruire ce qui donnait du sens à leur existence. Les traumatismes infligés pendant l’enfance (divorce, abandon, trahison ou tromperies, dévalorisations …) sont souvent réactivés à l’âge adulte par des échecs amoureux qui se sont succédé au fil des mois ou des années. Alors, quand, à nouveau une belle histoire se profile, on imagine qu’elle sera éphémère et on va tout faire pour en tester la solidité et mettant l’autre à l’épreuve. Fatalement cela finira par craquer. La peur de l’engagement liée à la peur de rester célibataire sont les deux ennemies de l’amour qui peuvent être neutralisées en quelques séances de thérapies avec le même thérapeute pour éviter les dérives de victimisation. Cette thérapie qui s’intéresse à tout ce qui peut nuire à la relation de la relation amoureuse permet d’éliminer les effets toxiques du passé de chaque partenaire.

 

Laissons le mot de la fin à Edgar Morin pour qui « l'amour est un risque terrible car ce n'est pas seulement soi que l'on engage. On engage la personne aimée, on engage aussi ceux qui nous aiment sans qu'on les aime, et ceux qui l'aiment sans qu'elle les aime ».

 

 

 

A propos de Pierre Nantas

 

Pierre Nantas est psychothérapeute, spécialisé depuis plus de 20 ans dans l’accompagnement des personnes borderline et de la souffrance au travail. Il est l’auteur de quatre ouvrages :

 

  • La bienveillance, quand elle s’invite en psychothérapie
  • Changer de vie, « yes you can » (co-écrit avec J.A.Pinçon)
  • Le système borderline, histoires de familles. (co-écrit avec le Dr P.Menu)
  • Faire face au trouble de la personnalité borderline (co-écrit Manon Beaudoin)