Le Centre national édition art image (cneai=) change de direction

Détachée des injonctions sur l’original, la rareté, l’autorité de la signature, la pérennité de l’objet, Sylvie Boulanger a pour le cneai souvent préféré soutenir les valeurs liées à l’expérience de la rencontre artistique : l’éphémère, la version, la déspécialisation, la transdisciplinarité, l’anonymat, le collaboratif, jusqu’à la copie et la gratuité. À ce titre, Sylvie Boulanger s’est engagée pour les pratiques artistiques hors marché, avec un focus sur l’œuvre multiple : pratiques éditoriales, performatives et de recherches qui bousculent depuis les années 1960 la spécialisation artistique dans un soucis de démocratisation et de liberté vis à vis des standards de l'objet de collection : « Je préfère les gens qui achètent le billet plutôt que le train »

Dès 1997, le Cneai a proposé des scénarios d’expositions courant parfois sur plusieurs années, des festivals de performances et de pièces sonores, des plateaux de recherches, des revues et des programmes d’édition et de diffusion mixant artistes, chercheur-ses, éditeur-trices et amateur-trices qui refusaient de se conformer au modèle existant où les uns (ceux qui créent) sont tributaires des autres (ceux qui exposent et qui vendent).

Le Cneai a aussi été repéré par les amateurs et amatrices pour risquer des invitations hors pistes, souvent sur plusieurs années, de personnalités artistiques singulières, «artistes d’artistes », écrivain-es, collectionneur-euses, musicien-nes et philosophes agissant via la création visuelle, comme Claude Rutault, Véra Molnar, Yona Friedman, John Giorno, Dorothy Iannone, Jacob Fabricius, Tatiana Trouvé, Alison Knowles, Lee Ranaldo, Continuous Project, Seth Price ou Jef Geys.

Mixant systématiquement toutes les générations, plus de 1400 artistes ont été invités à créer, exposer, éditer au Cneai en 25 ans : « as curateurs, as publishers ».

Le signe =, conçu en 2005 par Christophe Jacquet, caractérise le logo du Cneai et marque l’équation de l’institution qui se doit d’être un espace vide, à habiter par les projets des artistes. La mobilité du Cneai entre Chatou, Pantin, Paris, et le programme hors les murs, a également démontré qu’un centre d’art n’est pas tenu à ses murs, ni aux limites institutionnelles dès lors qu’une écriture de la vie artistique et de la création sont en jeu : « un centre d’art, cent bâtiments ». La construction d’un bateau-résidence, la Maison flottante des frères Bouroullec aujourd’hui accostée en Normandie, la constitution au fil du temps de collections d’éphéméras, de multiples et de maquettes et dessins de Yona Friedman, ont représenté des développements fondamentaux pour la création de programmes parallèles de recherche et de résidence.

Le partage de cet engagement et de ces stratégies par les membres du Conseil d’administration du Cneai a rendu possible toutes les adaptations du centre d’art aux besoins des artistes et à la réception par les publics.

Appelée à réaliser d’autres missions, Sylvie Boulanger poursuivra son engagement auprès du Cneai en dirigeant notamment la conservation des collections du Cneai afin de les inscrire dans des programmes muséaux, de recherche et d’expositions hors les murs, en France et à l’étranger.

Sylvie Boulanger vient de publier pour le Cneai le livre Belle Vue, qui réunit un corpus de pensée de trois cent artistes, auteurs et autrices qui ont inspiré-es l’itinéraire du Cneai pendant 25 ans. La lecture, propre à stimuler l’interprétation et de nouvelles associations, n’y est pas linéaire. Belle Vue, 246 p., Éd. Cneai, 2022.

Le Conseil d’administration du Cneai a le plaisir d’annoncer que la nouvelle direction sera effective en janvier 2023 en la personne de Marie Bechetoille. Coéditrice du projet éditorial Fanfiction93, Marie Bechetoille a été curatrice et directrice par intérim de la Synagogue de Delme et du BBB de Toulouse.