QUAND LA PEUR DU VACCIN VIENT S'AJOUTER À LA PEUR DU VIRUS !

 

« Quand la personne dont je dépendais prenait des décisions sans peser les conséquences qu'elles auraient sur moi, cela me procurait un immense stress ... un épuisement physique et puis un épuisement émotionnel qui me donnait des envies d'en finir ... » Cette phrase qui a été prononcée aujourd'hui dans le cadre d'une séance de thérapie par une patiente diagnostiquée borderline permet de comprendre ce qui peut se passer dans l'esprit des français vaccinés ou non vaccinés contre la Covid19 à l'annonce des mesures qui accompagneront la mise en place du pass sanitaire.             
 

Le confinement 1 et le confinement 2, les différents couvre feux, la fermeture des terrasses de cafés et des restaurants ... les attestations dérogatoires pour sortir le chien, effectuer des achats de première nécessité, sans oublier les restrictions de déplacement ... Comme nous l'avons déjà évoqué, toutes ces décisions prises unilatéralement « pour le bien de tous » ont provoqué chez certaines personnes des effets post traumatiques responsables d'une augmentation des troubles du sommeil, et des comportements addictifs (alcool et nourriture). 
 

Force est de constater que dix-huit mois après la première vague de contaminations, installée et entretenue par les médias et les déclarations quotidiennes (trop souvent contradictoires ou ambivalentes) des spécialistes qui se succèdent sur les radios et les plateaux des chaînes de télévision, la peur n'a plus jamais vraiment quitté le quotidien des français. Le comble : aujourd'hui, la peur du vaccin est venue s'ajouter à la peur du virus !

 

Comment en est-on arrivé là ?

La peur est une émotion inscrite dans les parties profondes du cerveau, et plus précisément dans l'amygdale, cette structure neurologique où sont enregistrés les éléments essentiels pour la survie et la reproduction de tout individu.         
 

La peur s'exprime généralement selon trois comportements archaïques différents : la fuite, l'attaque, ou la sidération. Si le sentiment de peur est entretenu pendant plusieurs mois par un contexte anxiogène, familial et/ou sociétal, il devient chronique. Il peut alors entraîner des comportements qui semblent aberrants à qui ne la ressent pas.
 

Depuis dix-huit mois la population française est confrontée à des longs épisodes de contraintes entrecoupés par de courtes périodes de pseudo liberté surveillée. Comme c'est le cas pour les personnes qui ont grandi dans une famille dysfonctionnelle, les discours contradictoires, les injonctions paradoxales, qui n'ont cessé de se succéder depuis l'enfance, ont entraîné l'apparition de schémas (pensées automatiques) qui sont à l'origine des comportements sociétaux (symptômes) dont on aurait tort d'ignorer les conséquences à court terme.

 

Conséquences psychologiques et sociales

 

En reprenant la théorie de Jeffrey E.Young, nous avons repéré à priori quatre types de schémas qui se sont constitués et renforcés depuis l'apparition de la pandémie :              
 

  1. la peur de la mort et de la maladie (pour soi et pour les autres),
  2. le sentiment d'exclusion (peur de l'abandon),
  3. l'assujettissement (soumission perte de sens critique),
  4. la méfiance et l'abus(refus d'écouter, perte de confiance)

 

Il y a quelques mois, il semblait admis qu'une personne malade de la Covid19 puisse en contaminer 10 autres, avec les conséquences plus ou moins graves que l'on a pu vivre au début de la pandémie (premier schéma). Avec l'arrivée des vaccins, on a pu croire, l'espace de quelques semaines, que la peur allait changer de camp et que le virus, une fois éradiqué, c'en serait fini des restrictions (deuxième schéma). On pourrait recommencer à vivre « comme avant » : aller librement au restaurant, au ciné, prendre des verres en terrasses, aller en discothèque ...              
 

Le variant anglais, puis le virus delta ont brisé ce rêve déjà bien fragile ! Alors, depuis quelques jours on voit des files de personnes non vaccinées se précipiter pour recevoir en masse le graal qui leur permettra, du moins elles l'espèrent, de profiter de leurs vacances (troisième schéma). Las, on nous apprend aujourd'hui qu'une personne vaccinée peut être contagieuse sans le savoir et contaminer d'autres personnes non vaccinées et, le comble, être également recontaminée ... Et puis, on nous dit que le virus mutant sans arrêt, une seule dose ne suffit pas et qu'il faudra sans doute bientôt se faire vacciner tous les six mois comme pour la bonne vieille grippe traditionnelle ... ! Cette situation est responsable du sentiment de méfiance et abus qui s'exprime via les slogans entendus dans les récentes manifestations contre l'instauration du pass sanitaire. Le cauchemar continue.

 

Soumis à une communication qui installe le doute et la confusion, exposé à un jaillissement quotidien de contres vérités et de non-dits, l'individu s'efforce de survivre dans une situation digne du théâtre d'Alfred Jarry ou d'un mauvais roman de Kafka.

 

 

L'objectif du psychothérapeute est de restaurer à la faveur des échanges avec le patient son esprit critique, en l'aidant à se défaire des schémas, à rationaliser ce qui semble irrationnel et comprendre les effets toxiques d'un vécu subi pour voir ce qui est réel. Les dirigeants devraient s'inspirer de cette démarche. Se faire vacciner devant les caméras ne suffit pas pour restaurer une confiance ou rationaliser un discours. « Dans les discours scientifiques et politiques, nous renvoyons en dernière instance au référent suprême : le réel. De toutes les illusions, la plus périlleuse consiste à penser qu'il n'existe qu'une seule réalité. En fait, ce qui existe, ce sont différentes versions de la réalité [...]. La réalité n'est que la résultante des compromis, de détours et d'aveuglements réciproques, à travers quoi passe l'information » [1].

 

 

Pierre NANTAS

 

Pierre Nantas est psychothérapeute, spécialisé dans l'accompagnement des personnes borderline et de la souffrance au travail. Il est l'auteur de trois ouvrages parus aux éditions de l'Harmattan :

1- La bienveillance, quand elle s'invite en psychothérapie 
2- Changer de vie, « yes you can » (co-écrit avec J.A.Pinçon) 
3- Le système borderline, histoires de familles. (co-écrit avec le Dr P.Menu

 


 

[1] Paul Watzlawick La réalité de la réalité. Confusion, désinformation, communication (Collection Poche)