Un nouveau rapport exclusif démontre les graves lacunes de dossiers d’évaluation de 6 pesticides perturbant le système endocrinien dont les autorisations arrivent à terme

Les auteurs de ce rapport alertent sur le fait que ces lacunes pourraient avoir comme effet la ré-autorisation de ces pesticides dangereux alors même que la règlementation européenne introduit l’interdiction de la mise sur le marché de substances pesticides ayant des effets de perturbation endocrinienne ! Explications.
 
Rappel des faits et contexte.
La Commission européenne a adopté des critères pour l'identification des perturbateurs endocriniens parmi les substances actives biocides[1]  et parmi les substances actives ‘phytopharmaceutiques’[2]. Ces textes s’appliquent depuis 2018. Ces règlementations sont sensés permettre l’exclusion du marché les substances pouvant avoir des effets – connus ou présumés - de perturbation du système endocrinien. Les associations Alerte des Médecins sur les Pesticides (AMLP) et Générations Futures ont donc décidé de savoir si cet aspect de la règlementation était bien respecté pour 6 substances actives dont les autorisations arrivent à terme. Le constat présenté dans ce premier rapport est pour le moins inquiétant.
 
Comment sont évaluées et ensuite autorisées les substances actives pesticides ?
Après une série d’aller-retour entre l’industriel, l’Etat membre qui examine le dossier, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), ce sont les représentants des 27 Etats membres qui ont le dernier mot lors d’un vote au sein du « Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et de l’alimentation animale » (CPVADAA ou Scopaff en anglais). C’est donc en amont de ce vote que nous avons souhaité faire notre analyse et publier ce rapport.
 
Problématique et méthodologie.
Notre travail s’est concentré particulièrement sur la question de la perturbation thyroïdienne (PT). Nous avons décidé d’expertiser les dossiers de 13 substances actives pesticides qui voient le processus conduisant au renouvellement ou non de leur autorisation sur le marché européen arriver à son terme entre avril et juillet 2021. Dans le rapport publié ce jour nous rendons le résultat de notre travail pour 6[3] de ces 13 substances, les autres expertises seront rendues publiques ultérieurement. Notre travail repose sur l’analyse des Renewal Assesment Reports (RARs) = Rapport d’évaluation pour le renouvellement produits par les états membres rapporteurs pour ces substances actives pesticides. Le travail d’analyse réalisé par des médecins et un expert externe - bien que rendu difficile par une série d’obstacles - a permis de constater de réelles lacunes inquiétantes présentes dans ces dossiers et détaillées dans notre rapport[4].
 
Résultats synthétiques.
Ces RAR sont faits de données anciennes (les RAR les plus récents sont de 2018, le plus ancien de 2009 !).
 
Ils ne correspondant plus aux exigences actuelles et aucune mise à jour n’a été exigée:
  • Les tests recommandés, indispensables pour mettre en œuvre le règlement adopté, n’existent pas. Ainsi par exemple, dans seulement un dossier (Ziram) – et encore basé sur des tests anciens – la recherche des troubles du neurodéveloppement a été effectuée. Or, cela dénote une incompréhension totale de la menace que font courir les perturbateurs thyroïdiens sur le neurodéveloppement des fœtus : comment peut-on se passer d’études portant sur le neurodéveloppement pour évaluer la perturbation de l’axe thyroïdien ? De même, aucun de ces RAR ne comporte de dosage hormonal pendant la gestation (obligatoire pour les mères).
  • La prise en compte des particularités des PE (possibilité d’effets des faibles doses et/ou de relation dose-réponse non monotones) n’apparait nulle part.
  • La revue systématique de la littérature scientifique publiée, qui est une approche valide et acceptée pour chercher des arguments en faveur d’un effet PE, n'a été faite que pour une seule des six substances actives examinées.
Nos demandes.
Les constats faits dans ce rapport sont sans appel. Nous demandons donc à la France de s’opposer à la ré-autorisation de ces substances lors des prochains Scopaff où ces votes seront proposés. Plus globalement, nous attendons du gouvernement français qu’il utilise cette arène pour exiger que conformément au considérant 4 du règlement 2018/605 une définition des PE suspectés soit adoptée d’un point de vue scientifique (selon le niveau de preuve) mais aussi pour tenir compte de la réalité (les dossiers sont incomplets, par manque d’exigences et par manque de tests validés). La réglementation actuelle ne doit pas se contenter de laisser sur le marché des substances faute des preuves qu’elle n’a pas exigées ! Enfin, concernant les tests, la France doit exiger que chaque dossier comporte un test portant sur le neurodéveloppement selon les dernières lignes directrices adoptées et que l’Europe engage urgemment un processus de validation de nouveaux tests. Nos organisations ont transmis ces demandes et ce rapport aux ministères concernés avec l’espoir d’être entendues, car il s’agit là de protéger des dangers des pesticides PE les populations actuellement exposées, particulièrement les plus vulnérables.

[1]Règlement délégué n° 2017/2100 du 4 septembre 2017
[2]Règlement 2018/605 de la Commission du 19 avril 2018.
[3]Cyprodinil (fongicide autorisé en France en maraichage, grande culture etc.), Fenbuconazole (fongicide autorisé en France notamment en arboriculture et viticulture), Mepanipyrim (fongicide autorisé en France notamment pour la culture de la fraise et en viticulture), Pyrimethanil (fongicide autorisé en France notamment en maraichage), Ziram (fongicide autorisé en France notamment en arboriculture), Spinosad (insecticide autorisé en France en AB, notamment pour le maraichage)
[4]« Perturbateurs endocriniens : il est temps d’agir ! L'exemple des pesticides perturbateurs thyroïdiens » - Rapport pesticides perturbateurs thyroïdiens