Quelles sont les répercussions de la maladie mentale parentale sur les enfants ?

La maladie mentale peut être, comme toute maladie chronique ou grave, un véritable ouragan dévastateur et perturbateur de l’équilibre familial, balayant tout sur son passage.

© istock

 


La maladie mentale peut être, comme toute maladie chronique ou grave, un véritable ouragan dévastateur et perturbateur de l’équilibre familial, balayant tout sur son passage.

Rappelons que de nombreux patients suivis en psychiatrie sont parents et que, évidemment, nos jeunes patients en pédopsychiatrie sont, pour la plupart, amenés par leurs parents !

L’enfant est la première « victime » à cause de ses stratégies d’adaptation moins développées, de son insécurité et de sa dépendance à l’entourage, mais aussi en raison de sa fragilité psychologique, liée à son âge et à sa construction psychique en cours.

Revenons cependant sur les réactions de l’enfant qui peuvent être causées par la maladie parentale (ces réactions sont visibles dans le cas d’une maladie physique ou mentale).

D’après mon expérience, je peux dégager cinq thèmes qui se manifestent quasi systématiquement : la perte (comme dans un deuil), la colère, la culpabilité, la confusion, la peur.
La perte dans cette situation peut impliquer différents éléments :
— Perte du parent d’avant, du parent « en forme ».
— Perte de la place dans la famille (on devient le parent des petits frères et sœurs, parfois le parent du parent).
— Perte du sentiment de normalité, impression d’avoir une famille étrange, bizarre, honteuse.
— Perte de la famille idéalisée et stable, rassurante.
— Perte de l’impression de vivre une enfance normale comme les autres ; on ne sent plus qu’on fait partie du groupe des pairs, on s’isole, on est moins invité aux fêtes des amis, car ils nous trouvent changé, moins rigolo; on ne les invite plus à la maison, car on a souvent honte de notre parent, de son comportement ou de son attitude bizarre; on est embarrassé par la maison, qui peut être désordonnée.
— Perte de confiance en soi.
— Perte de confiance en l’adulte qui, parfois, donne l’impression de ne pas aider, par exemple le médecin du parent, le professionnel concentré sur le parent malade.
— Perte du droit d’être heureux et de faire des choses pour soi : jouer, s’amuser, rire ; cela peut plonger l’enfant dans un véritable syndrome du survivant où il se demande : « Pourquoi aurais-je le droit d’être heureux, moi, de m’amuser, de rire, d’être en santé ? Pourquoi suis-je en forme et pas maman/papa ? »
— Perte du droit à ses propres désirs, besoins, objectifs.
— Perte du contrôle de sa propre vie.

En raison de ce sentiment d’impuissance, l’enfant va tenter de contrebalancer la situation familiale précaire. Il va opérer paradoxalement un contrôle excessif de son propre quotidien. Il s’agira pour lui de ne pas faire de bruit, de ne pas déranger, d’être parfait pour ne pas contrarier. Il ne faut pas faire plus de peine... L’enfant développe, devant l’inefficacité de son plan, aussi louable soit-il, un fort sentiment d’impuissance et une perte d’estime de soi. « Je suis incapable de rendre papa ou maman plus joyeux, moins en colère, plus normal. »

A  cela se mêlent aussi de la colère et du ressentiment qui viennent accroître le sentiment de culpabilité: « Je suis en colère contre papa ou maman, mais je ne devrais pas. » Cette colère peut se rapprocher de celle ressentie dans une phase de deuil, après la perte d’un être cher. Elle est dirigée contre le parent malade, mais s’exprimera rarement contre lui. Les adultes relais (l’autre parent, les professeurs, la famille) seront souvent la cible de cette colère. De plus, l’enfant la retournera parfois contre lui (auto-agressivité, propos suicidaires pour les plus grands). La culpabilité vient également, je le développerai plus loin, du fait que l’enfant se juge responsable de la situation parentale.

La confusion est liée à l’imprévisibilité des phénomènes psychiatriques et à la bizarrerie de certains symptômes qui peuvent perturber le discernement chez l’enfant de ce qui est normal et de ce qui ne l’est pas, y compris de ses propres réactions et émotions. Il peut perdre sa capacité à prendre soin de lui et à tenir compte de ses besoins, privilégiant ceux du parent

L’enfant peut également développer un fort sentiment d’insécurité interne, d’angoisse intense, et des peurs irrationnelles. La maladie mentale, comme toute maladie du parent, entraîne des inquiétudes chez l’enfant sur sa propre santé, sur le risque d’être contaminé ou d’avoir hérité génétiquement du même trouble sans savoir toutefois de quoi il s’agit.

Chez les plus petits, cette anxiété sera rarement verbalisée comme telle; nous observerons plus facilement une anxiété de séparation: agitation, pleurs lors de séparations « classiques » (aller à la garderie ou à la maternelle, aller dormir chez un parent ou chez un ami). Les plus grands peuvent manifester un refus d’aller à l’école, alléguant des symptômes physiques (maux de ventre, de tête, vertiges, nausées). Ils peuvent aussi persister dans des questions sur la santé du parent, exprimant régulièrement leur peur de la maladie ou de la mort d’un parent. Enfin, cette anxiété de séparation peut se manifester par des difficultés en classe, comme de l’agitation, des troubles du comportement, une façon pour l’enfant d’être exclu, de rentrer s’occuper du parent ou d’être avec lui, tout simplement.



Céline Lamy

Si cet extrait vous a intéressé,
vous pouvez en lire plus
en cliquant sur l'icône ci-dessous :

Couverture de livre