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Les enfants apprennent à découvrir leur univers à travers le jeu. C’est ainsi que le nouveau-né prend plaisir à regarder des lumières vives et des couleurs contrastantes. Il porte ses mains à sa bouche, puis il fait la même chose avec les objets. Au fur et à mesure que sa motricité fine se développe, il s’amuse à découvrir les différentes textures des objets autour de lui. Il chantonne et crie afin de produire des sons variés qui le font rire. Au début de la vie, le jeu est surtout sensori-moteur. Le bébé explore ce qui se passe autour de lui et observe les réactions que provoquent ses actions. Il répète fréquemment les mêmes mouvements. À ce stade, l’enfant recherche des stimulations, ce qui est tout à fait normal étant donné son âge. Le rôle du parent est de lui offrir des situations variées dans lesquelles il peut développer ses sens et se créer un « répertoire » d’expériences. Il est essentiel de le laisser ramper sur l’herbe, manipuler sa nourriture, taper avec son jouet sur la table, etc. Ces jeux simples l’exposent à des textures, des odeurs et des sons qui lui permettent de découvrir et comprendre son environnement.
À mesure que l’enfant grandit, il développe des préférences sensorielles. Il reconnaît son environnement et sait ce qu’il peut faire avec ses différents jouets. Plus tard, l’exploration n’est plus nécessaire : il choisit directement l’activité qui l’intéresse. Son jeu devient plus constructif, créatif, puis collaboratif. Néanmoins, à travers ces différentes étapes, il fait face à plus de stimulations sensorielles, particulièrement lorsqu’il joue avec d’autres enfants. Ces derniers peuvent être stimulants ou agressants, selon le contexte. Dans les situations où l’enfant semble ne pas prendre plaisir aux activités ludiques*, il importe d’observer son jeu (seul ou en groupe) et de vérifier si des comportements associés à des particularités sensorielles apparaissent ou non.
L’enfant qui a de la difficulté à traiter les informations sensorielles expérimente effectivement moins de plaisir dans ses jeux1. Il semble moins intéressé par les activités de loisirs à l’extérieur de la maison. Parfois, il a un réseau d’amis restreint et il est isolé. Si l’activité comporte des règles et des attentes spécifiques, il s’amuse moins. En somme, plus l’enfant présente un trouble de modulation sensorielle important, plus ses jeux et ses loisirs sont affectés. Il préfère des jeux simples et souvent solitaires. Il développe plus fréquemment des conflits avec les amis5 en raison de ses inconforts et des réactions imprévisibles de ses pairs qui peuvent accentuer son malaise. Les activités physiques représentent particulièrement un défi, car elles procurent de nombreux stimuli visuels, tactiles, auditifs et vestibulo-proprioceptifs. Par exemple, si l’enfant a des comportements d’hyper- sensibilité et qu’il joue au ballon, il sera constamment dérangé par les mouvements autour de lui. Les contacts physiques avec les joueurs, le bruit provenant des encouragements des spectateurs et les gestes à planifier pour atteindre le ballon sont autant d’éléments potentielle- ment perçus comme désagréables. À l’inverse, l’enfant qui recherche les stimulations aime ce type d’activités en raison de l’intensité des stimuli. Pour sa part, l’enfant hyposensible peut être motivé à participer à ces jeux, car ils augmentent son niveau d’éveil grâce à l’intensité des stimulations présentes.
L’enfant hypersensible sur le plan tactile préfère les sports individuels, comme la natation, la course ou le vélo. Ces activités lui permettent de contrôler ses mouvements et les stimulations qu’il reçoit. L’effort musculaire nécessaire pour réaliser l’activité a aussi possiblement un effet calmant. Pour d’autres enfants, des difficultés sur le plan du filtrage auditif peuvent cependant nuire aux activités de loisirs. Par exemple, dans un groupe, un enfant peut avoir de la difficulté à percevoir les sons pertinents et ceux qu’il doit ignorer pour participer efficacement à l’activité. Quant aux enfants hypersensibles aux mouvements, ils préfèrent des jeux et des loisirs qui se déroulent à la maison et qui demandent moins de déplacements4. Les divers exemples de ce chapitre vous permettent d’identifier le profil de comportement de votre enfant et les stratégies qui peuvent l’aider.
Passivité lors du jeu
Notions et stratégies de base
Les comportements des enfants pendant le jeu varient beaucoup selon leur âge, leur niveau de développement et le contexte dans lequel ils se trouvent. Si votre enfant n’utilise pas les jouets par lui-même, s’il n’interagit pas avec les autres ou s’il reste à l’écart de la situation de jeu, il faut vous questionner sur les raisons de cette passivité. Deux possibilités sur le plan sensoriel peuvent être envisagées : (1) votre enfant n’est pas suffisamment stimulé ; (2) il est trop stimulé. Afin de mieux comprendre la situation de votre enfant, deux exemples sont proposés.
Stratégies sensorielles
Exemple 1 : L’enfant n’explore pas les jouets ou les utilise peu
Observer
◗ Annabelle, 12 mois, est enfant unique. Elle a commencé la marche il y a quelques semaines, mais elle ne joue jamais seule. Lorsque sa mère l’installe sur un tapis de jeux afin de préparer le repas, Annabelle reste assise sans bouger ni explorer les jouets autour d’elle. Elle est pourtant capable d’en atteindre plusieurs. Elle ne joue pas tant que son père n’est pas revenu du travail. À ce moment-là, celui-ci s’installe près d’elle et actionne des jeux sonores et lumineux. Il la chatouille et fait des jeux de poursuite auxquels Annabelle participe avec joie.
Attente formulée : Annabelle n’est pas une enfant qui dérange, mais ses parents voudraient qu’elle soit plus active et indépendante lors du jeu. Ils aimeraient que leur fille joue seule plutôt que d’avoir toujours besoin de la présence d’un adulte.
Analyser
◗ Il est possible qu’Annabelle soit passive lors du jeu (donc hypo-sensible) parce qu’elle ne perçoit pas suffisamment de stimuli intéressants. Comme aucune stimulation ne la pousse à se mettre en action, elle reste calme. Toutefois, pour favoriser son développement, il est nécessaire d’augmenter le niveau de stimulations sensorielles dans son environnement lors des périodes de jeu. Le rôle de ses parents est de l’accompagner et non d’animer des séances de jeu. Ils doivent lui offrir des stimulations pour qu’elle participe activement au jeu. Pour y arriver, il importe d’apprendre à reconnaître ce qui éveille leur enfant, comme de la musique rythmée, une lumière colorée ou des textures variées au sol.
Agir
◗ Être constant : Il peut être pertinent de modifier la routine d’Annabelle. Sa mère peut notamment lui présenter un jeu stimulant qu’elle aime beaucoup et commencer le jeu avec elle. Ensuite, Annabelle peut poursuivre seule ce jeu. Lorsque son père rentre du travail, il peut partager une courte période de jeu avec elle, puis la laisser jouer seule. Progressivement, il est bon de diminuer le soutien ou la présence de l’adulte afin que l’enfant soit de plus en plus autonome.
◗ Être prévisible : Annabelle a besoin de beaucoup de stimulations. La prévisibilité est donc à éviter dans ce cas précis. Il est bénéfique de lui présenter fréquemment des jeux différents et de modifier son environnement de jeu pour l’amener à explorer davantage. Il est aussi possible de varier les positions d’Annabelle au sol, de changer l’orientation et l’emplacement du tapis de jeu, d’ajouter autour d’elle des couvertures de textures variées, etc.
◗ Offrir du contrôle : Annabelle commence à exprimer ses préférences. Considérant cela, il est possible de lui proposer plusieurs jeux et de la laisser choisir. Plus elle a d’occasions de participer, plus elle est active et prend des initiatives. Si elle choisit un jeu, les autres jouets peuvent être laissés un peu plus loin dans la pièce afin de l’inciter à se déplacer vers eux.
◗ Intensifier :
› Les stimulations de l’environnement. Il faut s’assurer que la pièce est bien éclairée et qu’elle offre des stimulations visuelles accessibles à Annabelle, comme un miroir, des images colorées sur le mur ou des jeux lumineux. Il peut être intéressant de faire jouer de la musique stimulante, rythmée, incluant différentes chansons. Lors de l’écoute d’une émission radiophonique, les interventions des animateurs et les publicités peuvent aussi être stimulantes.
› Les stimulations de l’activité. En premier lieu, il est possible d’offrir à Annabelle des jeux action- réaction avec son et lumière pour augmenter son niveau d’éveil. Il est certain que les interactions avec l’adulte contribueront à augmenter le nombre de stimulations dans le jeu (par ex. : sa voix, ses mouvements, ses expressions faciales, ses contacts physiques). L’adulte peut être près d’elle, s’éloigner et se rapprocher, la faire bouger, varier le ton de sa voix. Souvent, le parent est le meilleur outil dans le jeu et il doit apprendre à doser ses actions pour stimuler l’enfant, tout en lui laissant de la place pour développer son jeu libre.
Réanalyser
◗ Maintenant que la routine et les stimulations offertes à Annabelle ont été modifiées, explore-t-elle davantage son environnement? Est-elle moins passive devant les jeux disponibles ? Semble-t-elle en préférer un ou deux ? Plus elle sera intéressée à des jeux variés, plus elle aura l’occasion de se développer sur tous les plans.
Myriam Chrétien-Vincent, Sylvie Tétreault et Emmanuelle Rossini-Drecq
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