Le projet de loi immigration-asile doit garantir le principe d’accueil de la République française. Tant le sort réservé aux demandes de protection des réfugiés que les modalités de traitement des migrants attestent d’un durcissement inédit. Sous prétexte d’accélérer le traitement des demandes d’asile, le texte supprime un certain nombre de garanties fondamentales. Ainsi, l’article 6 réduit-il à 15 jours le délai d’appel devant la Cour Nationale du droit d’asile, la CNDA, des décisions de rejet de demandes d’asile par l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides, l’OFPRA, alors que le délai de droit commun pour faire appel d’une décision administrative est de deux mois, étant précisé, par ailleurs, que le délai pour formuler une demande d’asile est réduit de 120 à 90 jours. Ce raccourcissement du délai de recours aurait une incidence évidente sur la possibilité pour les réfugiés de se faire défendre. Les délais d’obtention de l’aide juridictionnelle, ceux utiles à la réunion des éléments de preuve des violences subies conduisent à considérer que la réduction du délai d’appel, de même que le délai de formulation d’une demande d’asile, équivaut à priver nombre de réfugiés d’un accès à une voie de droit équitablement ouverte et cela en violation des dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, dans le même esprit, l’article 8 du projet remet en cause le caractère suspensif de l’appel devant la CNDA dans « le cas des demandeurs ressortissant de pays d’origine sûrs, de ceux dont la demande de réexamen aura été rejetée et de ceux présentant une menace grave pour l’ordre public ». En clair, c’est à la décision de l’OFPRA que sera abandonnée la détermination du caractère suspensif du recours. Ainsi un réfugié pourra-t-il être renvoyé dans son pays d’origine avant que la CNDA ait statué sur son appel. Et ce n’est pas le renvoi de la suspension de la décision d’expulsion au juge de la légalité qui est de nature à rassurer. En effet, la pratique jurisprudentielle montre le faible nombre de suspensions prononcées. Cette atteinte, à la fois double et cumulative, aux droits les plus élémentaires de la défense à l’encontre de personnes fragilisées par les drames qu’ils ont vécus n’est pas admissible.
Les migrants autres que les demandeurs d’asile ne sont pas mieux traités. Outre le refus d’ouvrir un débat sur un élargissement des conditions d’accès au séjour, le projet gouvernemental se limite à allonger la durée de la rétention administrative de ces migrants. Elle passe de 45 jours à trois mois et peut être étendue jusqu’à 105 jours. La misère tend à devenir une infraction. A l’évidence, se profile l’organisation d’une cécité aux drames humains qui mettent en mouvement un nombre sans cesse plus important de migrants. De plus en plus, la France fait partie de ces pays aux frontières desquels prend fin le devoir de secours et qui en appellent à une immigration choisie, c’est à dire une logique de pillage du capital culturel des pays d’origine des migrants, une logique marchande éloignée de tout humanisme. Solidarité Laïque, avec ses organisations membres et de nombreuses autres organisations et associations, appelle le gouvernement à un véritable dialogue avec la société civile. En particulier, l’organisation d’une conférence nationale d’urgence semble devoir s’imposer. Elle ferait émerger des politiques alternatives d’accueil permettant de remettre les droits au centre d’une approche intelligente et humaine des difficiles questions migratoires. www.solidarite-laique.org |