La galerie France 5
Dimanche 21 janvier 2018 à 09.25
© FTV
À travers trois œuvres – de Gustave Courbet, Auguste Rodin et Anish Kapoor –, le documentaire s’interroge sur la représentation du sexe féminin dans l’histoire de l’art et les polémiques que la question a pu susciter. Et, curieusement, notre époque moderne, post-soixante-huitarde, n’est pas en reste !
La Bible, Genèse, 3 : le Serpent tenta la femme avec le fruit de la connaissance, « leurs yeux s’ouvrirent et ils [Adam et Ève] connurent qu’ils étaient nus ». Ils se firent alors des pagnes avant que Dieu ne les chasse du jardin d’Éden. Depuis cet « épisode », dans la culture judéo-chrétienne, la femme a systématiquement été associée à l’idée de péché. Face à l’impératif de pudeur, les artistes se sont réfugiés dans les sujets mythologiques pour représenter des corps féminins nus, à l’instar de Botticelli avec sa Naissance de Vénus ou de Raphaël avec Les Trois Grâces. Pourtant, à chaque fois, elles sont privées d’un des attributs de la féminité : leur sexe. C’est sans doute le plus grand des paradoxes : autant de femmes nues qui ne le sont pas tout à fait…
Versailles en émoi
Mais les scandales n’arrivent jamais par hasard. Ainsi, c’est sous le Second Empire de Napoléon III que L’Origine du monde fait si grand bruit – et ce alors qu’Offenbach racontait les grandioses fêtes parisiennes dans ses opéras. La photographie est pourtant en plein développement, et de nombreux clichés de nus circulent sous le manteau (l’un d’eux serait ainsi « à l’origine » du tableau de Gustave Courbet).
Si ces époques apparaissent lointaines et très différentes de la nôtre, il serait présomptueux de croire que les polémiques n’existent plus. L’artiste Anish Kapoor en a ainsi fait l’amère expérience. En 2015, il est sollicité par le château de Versailles pour intervenir sur les jardins et les bâtiments. Si la plupart de ses productions ne rencontrent pas de contestation, il en est une en revanche qui va déchaîner les passions : Dirty Corner. Une gigantesque sculpture cylindrique creuse disposée dans le parc. Si le début de la polémique n’est pas clair, son objet lui l’est tout à fait : les détracteurs croient y reconnaître un sexe féminin et renomment la sculpture Le Vagin de la reine. L’œuvre est alors vandalisée par deux fois.
Une société pas si libérée
Si Internet a longtemps été présenté comme un lieu de liberté, récemment, plusieurs épisodes ont remis en question cette idée reçue. Ainsi, l’historien d’art et écrivain Thierry Savatier – l’un des intervenants du documentaire – a eu la mauvaise surprise de découvrir que son livre (L’Origine du monde, histoire d’un tableau de Gustave Courbet, éd. Bartillat) avait été censuré par Amazon, ou plus exactement sa couverture, parce qu’y était reproduite la sulfureuse peinture. Il a finalement obtenu gain de cause, et le livre est présenté sur le site de vente en ligne. De même, Facebook a censuré le post d’un utilisateur où figurait le tableau. Ce ne sont pas les seules affaires connues, mais celles-ci mettent en avant le difficile équilibre entre « protection » du jeune public et liberté d’expression, voire diffusion du patrimoine culturel. Le sexe féminin devra vraisemblablement encore patienter pour vivre sa libération iconographique – si tant est qu’elle soit possible. En effet, Yves Sarfati, psychanalyste et psychiatre, voit dans le sexe féminin le symbole de la castration : « En permanence, l’être humain est frappé par cette absence de quelque chose, là où une autre partie de la population a quelque chose. À cette interrogation est attachée quelque chose de majeur chez l’humain, c’est l’inquiétude du manque. » Cette angoisse (existentielle) étant, pour ainsi dire, propre à l’Homme, il est à parier que le sexe féminin n’en a pas fini avec les scandales qu’il est susceptible de provoquer.
Sébastien Pouey