En tant que médecin sexologue, j’entends chaque jour dans mon cabinet de consultation des femmes exprimer leur souffrance face à un désir sexuel capricieux, endormi ou inexistant. Il peut être aussi meurtri, cassé, malmené ou traumatisé. Je sais parfaitement que ma position de thérapeute me fait voir l’envers du décor, celui des femmes qui souffrent. Cependant, je ne peux rester indifférente à toutes ces voix me répétant à longueur de jour- née : « J’ai un problème de désir... » Il fait écho, j’en suis sûre, à beaucoup d’autres. Cette plainte est même si fréquente qu’il pourrait s’agir d’un véritable phénomène de société.
Je veux témoigner de cette souffrance. Je veux m’en faire le porte-parole, l’amplifier et encourager toutes celles qui cherchent des réponses à leur questionnement. Car, bien qu’il y soit question de souffrance, leur discours est plein d’espoir et de promesses. Les femmes veulent s’épanouir sexuellement et elles le disent très fort. Elles se sont réveillées. Elles ont une sexualité et elles veulent désormais lui donner une place. Auparavant, leur sexualité était trop muselée pour s’exprimer et la plainte restait faible. Qu’elle puisse se dire aujourd’hui, de plus en plus fort et de plus en plus souvent, est plutôt bon signe.
Mais les femmes tâtonnent. Elles se cherchent. Leur parcours est loin d’être facile. Elles se heurtent à des combats d’arrière-garde, parfois très virulents. Elles doi- vent être soutenues et déculpabilisées. J’ai très envie de les encourager dans cette tâche ardue qu’est la conquête de leur désir et d’une sexualité vivante. Pour cela, je dois comprendre en profondeur leurs difficultés et partager mes réflexions en espérant qu’elles aideront les femmes, mais aussi les hommes, à saisir ce qui se dit lorsqu’il est question du désir féminin. De plus, je suis moi-même une femme et, au-delà de la réflexion personnelle, je me sens proche et complice de ces patientes. Je pressens qu’il est question, derrière leur demande, de l’histoire des femmes et de son évolution.
Nous parlerons dans ce livre de Brigitte, Mathilde, Jessica ou Catherine, sachant que leur histoire, à chaque fois singulière, renvoie à d’autres vécus. Que veulent dire ces femmes, qu’expriment-elles lorsqu’elles parlent de leur désir, lorsqu’elles se plaignent et cherchent des solutions ? Chacune est unique mais toutes ont en commun cette souffrance et cette interrogation. Que faut-il comprendre derrière cette difficulté ? Comment les aider ? À quel niveau doit-on se placer pour saisir ce qui se joue ? Est-ce une problématique individuelle, une crise de couple ou bien, à plus grande échelle, une mutation de la société ?
Nous tenterons de répondre à ces questions et, à partir de là, de comprendre les mécanismes du désir et les caractéristiques de la sexualité féminine. Mais, soyons bien clair, nous ne parlerons jamais de pathologie ou d’anormalité. Même si le sexologue est souvent médecin, il est là avant tout pour écouter et accompagner. L’erreur serait d’imposer un schéma normatif en faisant référence
au discours ambiant ou, pire, à ses propres convictions.
Je n’ai aucunement la prétention d’apporter des solutions définitives. C’est à chaque femme et à son compagnon de se pencher sur la délicate question du désir. Je peux simplement leur ouvrir la voie et les assister dans leur cheminement.
Ghislaine Paris
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