UN ESSAI CLINIQUE INNOVANT POUR MIEUX TRAITER UNE TUMEUR RARE DE LA BASE DU CRANE, DU RACHIS ET DU SACRUM
Le 24 août 2016, une première patiente atteinte de chordome a pu bénéficier d’un tout nouveau protocole développé par le Dr Hamid Mammar, radiothérapeute à l’Institut Curie. C’est un essai clinique qui n’aurait pas vu voir le jour ailleurs qu’à l’Institut Curie, puisqu’il repose sur deux technologies de pointe dont dispose l’institut : la protonthérapie grâce au cyclotron d’Orsay et la production de radiotraceurs capables de mettre en évidence les cellules cibles à irradier grâce au cyclotron de Saint-Cloud.
Les chordomes sont des tumeurs rares qui se développent à partir des vestiges embryologiques de la notochorde (1) et peuvent siéger le long de l’axe spinal depuis la base du crâne jusqu’au coccyx.
« Elles se caractérisent par leur forte résistance à la radiothérapie, à la chimiothérapie et aux nouvelles thérapies ciblées, explique le Dr Hamid Mammar. En complément de la chirurgie, la radiothérapie classique ne suffit pas pour assurer un contrôle local de la lésion et une amélioration de la survie. Nous avons rapidement compris les avantages que pouvait représenter la protonthérapie pour les patients atteints de chordome ». Cette forme ultra précise de radiothérapie permet d’irradier plus fortement la tumeur tout en épargnant les tissus sains.
Concentrer le rayonnement sur les cellules faiblement oxygénées
« L’origine de la radio résistance de ces tumeurs est liée à la présence de cellules hypoxiques, soit avec un faible taux d’oxygène, complète le radiothérapeute. Notre idée a donc été d’augmenter la dose d’irradiation spécifiquement dans régions les moins oxygénées de la tumeur ».
Le passage de l’idée à la pratique repose entièrement sur l’existence au sein de l’hôpital de l’Institut Curie à Saint-Cloud d’un autre cyclotron. Celui-ci n’est pas dédié au traitement, contrairement à celui de protonthérapie, mais à la production de traceurs permettant de mieux visualiser les tumeurs. En l’occurrence il s’agit du 18F- fluoroazomycine arabinoside ([18F]FAZA), qui permet de repérer les régions avec une forte densité de cellules hypoxiques dans les tumeurs.
« C’est la première fois que cette molécule est produite en France, note le Dr François Lokiec, chef du département de radiopharmacologie. Couplée à une imagerie par tomodensitométrie par émission de positon (TEP) réalisée dans le service de médecine nucléaire, par le Dr Laurence Champion, elle permet de repérer les régions les moins riches en oxygène au sein de la tumeur. Ensuite les physiciens et les radiothérapeutes peuvent cibler le rayonnement sur cette région, voire en augmenter l’intensité pour en améliorer l’efficacité. »
Seule la précision balistique des faisceaux de protons permet d’augmenter la dose du traitement tout en limitant au maximum l’irradiation des tissus sains avoisinants.
A terme, cet essai clinique réalisé dans le cadre d’un Programme Hospitalier de Recherche Clinique (PHRC) soutenu par l’INCa et financé par l’état, devrait inclure 64 patients atteints de chordome.
« Cette augmentation de la dose de manière adéquate et intelligente devrait permettre d’améliorer le contrôle local tout en réduisant les complications radio-induites », espère le Dr Hamid Mammar. D’autant que cette approche pourrait être étendue à d’autres cancers radio résistants.