Les erreurs humaines ne se limitent pas à l’environnement. Elles s’étendent à toutes les formes de vie et à la vie même de l’Homme.
Celui-ci se considère comme composé d’un assemblage d’organes, sans doute en relations mutuelles, mais ayant chacun une existence propre. D’une attitude trop analytique, peu ouverte aux grands processus vitaux symbiotiques, ont résulté des conséquences souvent dramatiques pour la santé de l’individu et celle de l’espèce.
Les processus vitaux sont-ils anarchiques ou bien visent-ils à permettre à l’organisme vivant, à la structure vivante, de sauvegarder spontanément son intégrité et de rétablir son harmonie (la santé) lorsque celle-ci a été altérée ?
Cette question conduit à la suivante : la vie comporte-t-elle une finalité, un but ?
Le sens de la vie
La science dite « positive » refuse de reconnaître toute finalité de fait dans l’organisation et le fonctionnement des êtres vivants. Elle résout volontiers tous les problèmes difficiles avec l’argument du hasard ; cependant, les faits vitaux suscitent la réflexion. Voici quel- ques exemples de thèmes de réflexion :
• certains insectes possèdent des pattes ravisseuses, semblables à un couteau pliant ;
• les cals du pied chez l’homme et chez certains animaux sont préparés chez l’embryon, alors que celui-ci, suspendu dans son amnios, n’a pas été encore en contact avec la vie ;
• l’étude de l’œil ou d’un autre organe du corps fait apparaître une infinie complexité en même temps qu’une action synchro- nisée qui ne lassent pas d’impressionner celui qui s’engage dans une étude de ces « outils » ;
• Cuénot, dans un ouvrage intitulé Intention et finalité en biologie, a même écrit : « Les outils des êtres vivants nous apparaissent comme des œuvres d’artisan poursuivant un but et le réalisant par une intervention. »
L’explication de Lamarck est que la fonction crée l’organe, mais une telle explication ne peut être que difficilement admise en fait et en raison. Si Darwin a pu croire, par exemple, que le pied de l’homme possédait une semelle naturelle parce que les ancêtres l’avaient épaissie en marchant, c’est qu’il ignorait que les caractères acquis ne s’inscrivent pas dans le patrimoine héréditaire, ce dont on est sûr aujourd’hui.
En définitive, l’outil naturel animal apparaît toujours comme un caractère de l’organisation spécifique du vivant, dépendant de son patrimoine héréditaire ; autrement dit, il ne serait pas une réalisation qui soit le fait propre de l’individu et qui apparaîtrait au cours de sa vie, mais bien, plutôt, une intervention ou une dotation de l’espèce, remontant à l’origine de celle-ci : cette hérédité se constitue selon un plan déterminé, bien avant que ne commence son utilisation et en vue de cette utilisation même. C’est pourquoi Cuénot disait : « La vie est « préparante» du futur ».
Mme Tétry, biologiste et collaboratrice de Jean Rostand, a écrit de son côté : « Un organisme, c’est littéralement une boîte d’outils. » Cette boîte d’outils est un véritable faisceau d’intentions ou d’idées incluses dans la constitution anatomique des êtres vivants.
La finalité et l’organisation imminente
L’outillage organique n’est pas fait de pièces séparables, indépendantes les unes des autres et travaillant chacune pour elle-même, d’une façon anarchique et capricieuse ; tous les organes collaborent, au contraire, à un fonctionnement d’ensemble unifié, c’est-à-dire finalisé, qui est la vie du tout : autrement dit, l’organisme est beaucoup mieux qu’une boîte d’outils : il est une machine et, comme le dit encore Cuénot, « une machine, c’est une pensée mise en actes ».
Dans toute machine, l’ordre qui règle le fonctionnement harmonieux de l’ensemble traduit l’existence d’un profond mystère de la finalité vitale. C’est elle qui fait l’émerveillement du biologiste devant l’étonnante « préparation du futur », qui dirige l’embryon de façon infaillible vers la parfaite acquisition de son type spécifique.
Les processus vitaux tendent indéniablement à prolonger l’existence des espèces.
Le fruit abîmé mûrit très vite, comme s’il voulait mener à terme la gestation des pépins destinés à perpétuer l’espèce.
Une herbe abîmée monte rapidement en graines.
Une poule à laquelle on enlève régulièrement les œufs intensifie sa ponte.
Une population sous-alimentée, exposée à périr d’inanition, est très prolifique, comme si la mortalité devait être compensée, selon une loi naturelle profonde, par le grand nombre des naissances.
Existe-t-il, dans le corps, des organes inutiles ?
« Dans l’organisme, disait Kant, tout est réciproquement moyen et fin » ; c’est en cela que consiste sa finalité sans laquelle il ne pourrait réaliser son but par excellence, c’est-à-dire sa vie même.
C’est la loi du corps vivant que chaque partie, ayant besoin de toutes les autres, se mette à leur service pour le plus grand bien du tout ; l’utilité réciproque n’est qu’un aspect particulier de l’unité fonctionnelle de l’être animé, source de la compensation interne.
Les organes prétendus inutiles
Au xixe siècle, on comptait encore, dans le corps humain, huit organes prétendus inutiles : la thyroïde, les capsules surrénales, l’hypophyse, l’épiphyse, le thymus, la rate, les amygdales et l’appendice.
Or, les trois premières glandes sont reconnues aujourd’hui chez les vertébrés comme des organes endocriniens d’une importance essentielle.
La science a mis longtemps aussi à découvrir l’utilité des organes lymphoïdes, terrain de formation des petits globules blancs du sang. Telles sont la nature et la fonction de la rate, où se détruisent également les globules rouges. Aux formations lymphoïdes appartiennent également le thymus, les amygdales et peut-être aussi faut-il y ranger l’appendice, à cause des follicules lymphoïdes inclus dans sa paroi.
Tous ces organes sont importants ; certains sont vitaux. Ce n’est pas sans danger que l’on peut en priver l’individu.
Aristote disait que la nature ne fait rien en vain ; chez les êtres vivants, tous les organes fonctionnent au bénéfice de la vie, et là réside la définition même de toute fonction comme mécanisme dont l’action aboutit à une fin utile pour l’organisme tout entier.
La compensation interne et l’homéostasie
C’est en vertu de la loi de la compensation interne que certains organes, devenus provisoirement ou définitivement sans intérêt pour le corps (dégénération, usure, blessure, etc.), peuvent être suppléés par d’autres fonctions de l’organisme. Mais, cette compensation, cette suppléance, ne se réalise pas sans dommage pour l’organisme lui-même. Il en résulte toujours un amoindrissement, léger ou grave, dans une ou plusieurs fonctions vitales.
A. Passebecq & S. Heyse
Si cet extrait vous a intéressé,
vous pouvez en lire plus
en cliquant sur l'icone ci-dessous