La prise de conscience des liens entre l’inflammation et les maladies mentales fait partie des grandes avancées de la dernière décennie. Un nouveau pas vient d’être franchi avec la publication dans la revue anglaise Schizophrenia Bulletin d’une étude française1 menée sur le réseau des 10 Centres Experts FondaMental Schizophrénie2 entre 2011 et 2015 auprès de 369 patients. Celle-ci révèle que l’inflammation périphérique observée chez les patients est associée à un niveau intellectuel général plus bas et à des déficits cognitifs plus prononcés. Ces résultats ouvrent la voie à une nouvelle façon de prendre en charge le déficit cognitif dans la schizophrénie, basée sur la mise en place de stratégies anti-inflammatoires préventives et curatives.
Dans cette étude, 369 patients souffrant de schizophrénie ont passé lors d’un bilan une évaluation complète sur leur santé mentale et physique. Les résultats sont sans appel: les sujets qui présentaient une inflammation périphérique chronique avaient des scores de fonctionnement intellectuel général (i.e. le quotient intellectuel) plus bas que les autres. En analysant plus finement les fonctions cognitives, les sujets présentaient des altérations globales de leurs capacités de mémoire, de concentration, d’apprentissage et de raisonnement.
L’«inflammaging». Des résultats récents ont montré que l’inflammation pouvait accélérer le vieillissement cellulaire chez les personnes âgées: ce phénomène avait été alors nommé « inflammaging ». On pourrait donc faire l’hypothèse que l’inflammation pourrait conduire à un « vieillissement précoce » du cerveau dans la schizophrénie, mais que ce phénomène pourrait être potentiellement réversible.
Les résultats de cette étude ouvrent de nouvelles portes pour la prise en charge du déclin cognitif dans la schizophrénie. La stratégie la plus efficace semble rester la prévention, c’est-à-dire d’éviter tous les facteurs qui pourraient favoriser l’inflammation, afin de protéger au mieux le cerveau et améliorer le pronostic de la schizophrénie. L’ajout d’anti-inflammatoires, les omégas 3, la N-acetyl- cysteine (un acide aminé antioxydant), la vitamine D, les modifications du régime alimentaire et l’activité physique pourraient ainsi améliorer la cognition des personnes souffrant de schizophrénie.
La parole à Ewa Bulzacka (neuropsychologue) et au Dr Guillaume Fond (psychiatre)
GHU Henri Mondor, APHP, Inserm U955, Centre Expert FondaMental schizophrénie, Créteil
Ces travaux nous ont conduits, à l’échelle du réseau des dix Centres Experts FondaMental schizophrénie, à élaborer des recommandations personnalisées de prise en charge pour les patients suivis présentant une inflammation. L’application de ces recommandations dans le cadre des consultations en Centres Experts FondaMental, associée au suivi des patients sur trois à cinq ans, nous permettra de déterminer si ces recommandations sont efficaces dans l’amélioration de l’inflammation et des troubles cognitifs associés.
La cognition
Le fonctionnement intellectuel est capital pour le fonctionnement général des personnes souffrant de schizophrénie. Il s’agit des capacités de mémoire et de concentration qui permettent de travailler, d’avoir une vie sociale et d’organiser ses journées. Les altérations cognitives représentent la plus grande source de handicap pour les personnes souffrant de schizophrénie. Le traitement actuel du déficit cognitif est la remédiation cognitive, une thérapie spécifique visant à réentraîner le cerveau à se concentrer et à se souvenir.
L’inflammation
L’inflammation est un processus naturel qui permet à l’organisme de se défendre contre des agressions (des plaies, des infections notamment). Dans certains cas, l’extinction de l’inflammation fait défaut, ce qui conduit à une inflammation chronique. Parmi les causes connues d’inflammation, on peut citer un régime alimentaire riche en graisses et en sucres rapides, le tabac, l’alcool, la sédentarité, un déficit en vitamine D. Certains autres facteurs comme les psychotraumatismes dans l’enfance ont également été identifiés. Le rôle potentiel du microbiote intestinal représente également une piste prometteuse pour comprendre les sources de l’inflammation qui pourraient venir de l’intestin.
A propos de la Fondation FondaMental
Animée par la conviction que seule une recherche de qualité peut aider à relever les défis médicaux et scientifiques posés par ces pathologies, la Fondation FondaMental participe à la révolution scientifique aujourd’hui en marche dans le champ de la psychiatrie, source d’espoirs pour les patients et leurs proches (www.fondation-fondamental.org). Elle réunit des équipes de soins et de recherche et travaille en particulier autour des pathologies considérées parmi les plus invalidantes. Pour relever les défis posés par ces pathologies, la Fondation FondaMental s’est donné quatre missions :
> Favoriser le diagnostic précoce à travers l’ouverture d’un réseau national de Centres Experts,
> Accélérer la recherche en psychiatrie en France,
> Diffuser les savoirs pour améliorer les pratiques en soins courants,
> Informer et sensibiliser le « grand public » et les décideurs pour changer le regard sur les maladies mentales.
1 Bulzacka E et al., Chronic peripheral inflammation is associated with cognitive impairment in schizophrenia. Results from the multicentric FACE-SZ dataset. Schizophrenia Bulletin
2 Labellisés par la Fondation FondaMental et hébergés au sein de services hospitaliers, les Centres Experts FondaMental Schizophrénie sont spécialisés dans l’évaluation, le diagnostic et l’aide à la prise en charge des schizophrénies. Construits autour d’équipes pluridisciplinaires, ils utilisent tous les mêmes standards d’évaluation. Ils sont destinés à faciliter une prise en charge personnalisée des patients et permettent le développement de la recherche clinique.