Si le baromètre 2016 du CISS sur les droits des malades[1] montre une certaine stabilité sur le sentiment des Français d’être plutôt bien informés lors de leur recours au système de santé et de considérer leurs droits en tant que malades majoritairement bien appliqués, notamment celui de l’accès aux soins par 81 % de nos concitoyens, il révèle aussi deux principaux bémols :
– des craintes exprimées par près de 40 % des Français quant à la pérennité de cet accès de tous aux soins concernant les médicaments innovants et coûteux,
– la persistance d’une méconnaissance de certains droits en lien avec l’accompagnement et l’autonomie des personnes dans leurs choix thérapeutiques au cours de leur prise en charge, en cas de problème lié aux soins et au moment de la fin de vie.
Médicaments innovants et coûteux : l’impératif de prix soutenables pour les systèmes de santé
Une question d’actualité qui agite le monde de la santé depuis quelques mois, en particulier du côté associatif, concerne l’accès de tous aux médicaments innovants… notamment lorsque de nouvelles molécules sont proposées à des prix particulièrement élevés amenant les pouvoirs publics à faire le choix de « rationner » leur diffusion auprès des malades qui en ont besoin. C’est notamment le cas en ce moment avec les nouveaux traitements contre l’hépatite C, qui permettent pourtant de guérir cette maladie transmissible et donc à la fois de sauver les malades et de mettre fin à une épidémie qui concerne plus de 300 000 personnes en France.
Ce nouvel enjeu de l’accès aux traitements est un sujet qui préoccupe nos concitoyens :
– ils sont plus de la moitié (55 %) à avoir entendu parler des prix très élevés de certains traitements innovants qui rendent impossible leur disponibilité pour tous ceux qui en ont besoin,
– ils sont près de 4 sur 10 à craindre que la Sécurité sociale ne prenne pas en charge un traitement innovant coûteux s’ils en avaient un jour un besoin vital.
Et s’ils se déclarent disposés à se donner collectivement les moyens pour payer le prix permettant aux laboratoires pharmaceutiques de financer leur part de la recherche thérapeutique, ils sont surtout une très forte majorité de 85 % à estimer que les pouvoirs publics doivent imposer aux laboratoires des prix soutenables par la Sécurité sociale permettant l’accès de tous aux traitements innovants.
De nombreux droits encore méconnus
Parmi les principaux droits reconnus aux malades dans le but d’améliorer leur prise en charge par les professionnels et le système de santé, on note une proportion importante de personnes déclarant ne pas connaître l’existence de certains droits essentiels :
– le droit de rédiger des « directives anticipées » pour sa fin de vie dans le cas où on ne serait plus en mesure de les exprimer, que 27 % des Français disent ne pas connaître ;
– le droit de désigner une personne de confiance pour être accompagné tout au long d’une prise en charge, que 18 % des Français disent ne pas connaître ;
– le droit de refuser ou interrompre un traitement, que 22 % des Français disent ne pas connaître ;
– le droit d’engager un recours pour une indemnisation en cas de problème grave lié aux soins, que 30 % des Français disent ne pas connaître.
Des résultats qui montrent l’importance, pour l’ensemble des acteurs du système de santé, de développer l’information du public en matière de droits des malades, notamment pour répondre dans le plus grand respect de chacun, usagers comme professionnels de santé, à des questions souvent sensibles.
Une notoriété encore faible mais en augmentation pour les instances de la démocratie en santé les plus en proximité avec le vécu des usagers
Parmi les instances de la démocratie en santé qui peuvent être les plus concrètement et directement utiles aux usagers du système de santé, figurent les Commissions régionales de conciliation et d’indemnisation (CRCI) des accidents médicaux dont la notoriété progresse : près de 4 Français sur 10 disent en connaître l’existence et le principe (38 %, + 6 points par rapport à 2015).
Les commissions des usagers (CDU) au sein des établissements de santé, autres instances au plus proche du terrain, bénéficient d’une notoriété de 25 % auprès du grand public, soit une augmentation de 13 points par rapport à celle que nous mesurions en 2015 pour son prédécesseur la Commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge (CRUQPC). La mise en place des nouvelles CDU pourra être une bonne occasion pour les établissements de santé de rendre plus visible l’intérêt du recours à ce dispositif pour les personnes hospitalisées souhaitant faire part d’une réclamation.
Accès au crédit et à l’assurance emprunteur : la convention AERAS gagne en notoriété et en perception d’efficacité chez les personnes concernées
La proportion de Français, déclarant avoir été confrontés à une difficulté d’accès à l’assurance dans le cadre d’une démarche d’emprunt, est stable et élevée à 25 %.
Parmi ces personnes, déclarant avoir été confrontées elles-mêmes ou via leur proche à ce type de difficultés, elles sont plus nombreuses à connaître la convention AERAS (64 %, + 5 points par rapport à 2015) et à considérer qu’elle a pu permettre l’accès à l’emprunt (23 %, + 6 points par rapport à 2015).
Des résultats qui témoignent certainement de la forte visibilité apportée à cette question de l’accès à l’assurance emprunteur dans le cadre de l’adoption des dispositions sur le « droit à l’oubli ». Une démarche encore en cours qu’il est donc crucial que les pouvoirs publics, comme l’ensemble des acteurs impliqués dans la convention, se donnent les moyens de faire avancer au plus vite.
En 2016, une ombre inquiétante au tableau des droits des malades se cristallise autour des craintes sur la pérennité de l’accès aux traitements innovants et coûteux. Cette question du coût de l’innovation et du financement de son accès par la solidarité nationale doit être une préoccupation prioritaire des pouvoirs publics dans les mois et les années à venir. Elle le sera en tout cas pour le CISS… et nous l’espérons pour le monde associatif dans son ensemble, ce qui participerait indéniablement à permettre aux associations de reprendre la première place parmi les organisations considérées comme les plus légitimes pour représenter et défendre les intérêts des malades, perdue cette année au profit des complémentaires santé.
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