France Libertés, Thomas Burelli et Cyril Costes déposent une opposition à une demande de brevet de l’Institut de recherche pour le Développement (IRD) devant l’Office Européen des Brevets. Ce brevet accorderait à l’institut un monopole d’exploitation commerciale de 20 ans sans reconnaitre les communautés guyanaises ayant participé au projet de recherche.
Au début des années 2000, des chercheurs de l’IRD se sont rendus en Guyane française. Ils ont questionné les populations autochtones et locales sur les remèdes qu’elles utilisaient contre le paludisme. L’étude des réponses leur a permis d’identifier une plante, la Quassia Amara, qui serait un traitement efficace contre cette maladie. Plutôt que de partager les résultats de leur recherche avec les populations y ayant pourtant participé, l’IRD a préféré isoler la molécule active de cette plante, la Simalikalactone E (SkE), et breveter son utilisation auprès de l’Institut National de la Propriété Intellectuelle (INPI) et de l’Office Européen des Brevets (OEB).
Cette demande ne respecte pas les critères de brevetabilité. En effet, la délivrance d’un brevet repose sur trois critères : la nouveauté, l’inventivité, et l’application industrielle. En l’occurrence, les deux premiers ne sont pas respectés : les chercheurs ont mobilisé des connaissances traditionnelles ancestrales largement connues. L’institut a revendiqué pour son seul bénéfice une « invention », cette appropriation constitue une négation de la créativité des populations autochtones et locales.
Le brevet, s’il venait à être délivré, offrirait à l’institut un monopole d’exploitation de la propriété antipaludique de la molécule SkE extraite de la plante Quassia Amara pour une durée d’au moins 20 ans. L’injustice est flagrante ; elle confèrerait à l’IRD le droit d’interdire à quiconque d’exploiter un remède contre le paludisme comprenant la molécule protégée pendant 20 ans. Ainsi, les populations ayant contribué au développement de l’innovation pourraient se voir interdire l’exploitation commerciale de leurs propres remèdes ancestraux. Et ce alors que le paludisme est l’une des causes principales de mortalité dans le monde et que le manque d’accessibilité aux traitements participe à la prolifération de cette maladie. Ces pratiques sont d’autant plus révoltantes qu’elles proviennent du milieu de la recherche publique française.
Au-delà des enjeux d’équité et de justice, la démarche a pour but de sensibiliser le monde de la recherche et le secteur privé afin que leurs pratiques évoluent vers plus de respect envers les populations autochtones et locales impliquées dans la recherche. Elles doivent être considérées comme de véritables partenaires dépositaires de droits, notamment sur leur patrimoine culturel qu’elles communiquent dans le cadre de projets scientifiques.
Pour en savoir plus : www.france-libertes.org/Des-chercheurs-francais-biopiraterie.html