Reconstitution de A. inopinata
dans son habitat naturel © MNHN - Justine Jacquot-Haméon
Les derniers numéros des Publications scientifiques du Muséum viennent de sortir. Le numéro spécial de Geodiversitas est constitué d’un article unique qui présente les résultats de 10 ans de recherche au Muséum. Où l’on découvre que des crânes et un squelette complet extrêmement bien conservés éclairent l’évolution des mammifères en Amérique du Sud juste après la disparition des dinosaures. Zoosystema présente un premier bilan de l’inventaire de la biodiversité réalisé dans le Parc National du Mercantour et le Parco Naturale Alpi Marittime : un genre et 12 espèces nouveaux pour la science ont été découverts... dans les Alpes ! Ils sont décrits dans la revue, parmi près de 1000 espèces inventoriées au total.
Avancée dans la compréhension de la biologie et de l’évolution des premiers mammifères qui peuplèrent l’Amérique du Sud il y a 65 MA.
Les Pantodontes constituent un groupe de mammifères placentaires1 du début du Tertiaire2, disparu il y a 35 MA, qui peupla essentiellement les continents du Nord (Chine, Amérique du Nord, Europe). Ils pouvaient être de la taille d’un cochon d’Inde jusqu’à celle d’une vache et étaient omnivores. Le Pantodonte appelé Alcidedorbignya inopinata en hommage à Alcide d’Orbigny, grand voyageur naturaliste du Muséum au XIXe siècle, est le seul Pantodonte austral. A. inopinata fait partie des premiers mammifères placentaires du tertiaire ; c’est le plus ancien Pantodonte (il date de 65 MA) et le plus petit connu.
Les restes d'A. inopinata ont été découverts par une équipe de chercheurs du Centre de recherche sur la paléobiodiversité et les paléoenvironnements (Muséum national d’Histoire naturelle/ CNRS/UPMC), avec le soutien de National Geographic Society, lors de plusieurs campagnes de fouilles en Bolivie (dont la dernière a eu lieu en octobre 2015). Les scientifiques ont pu ainsi étudier plusieurs crânes et un squelette complet, d’une qualité de conservation exceptionnelle pour des spécimens aussi anciens.
À l’aide du scanner tomographique du Muséum, les auteurs ont
reconstitué les trajets artériels et veineux de la base du crâne permettant
ainsi d’approcher un modèle ancestral de la circulation sanguine des
premiers mammifères placentaires. L’analyse tomographique du
squelette complet d’A. inopinata a également été réalisée, permettant
une reconstitution virtuelle de plusieurs positions de vie. Les
scientifiques ont ainsi pu déterminer qu’A. inopinata était un mammifère
terrestre, capable de se dresser sur ses pattes arrière et de grimper aux
arbres à l’instar des écureuils actuels, ce qui lui permettait d’échapper aux
nombreux crocodiles qui cohabitaient avec lui dans une grande plaine alluviale de type amazonien.
Ces résultats ont pu être obtenus grâce à la complétude sans précédent des spécimens compte tenu de leur âge géologique dans lequel on ne trouve le plus souvent que des dents isolées.
1 Les placentaires (Placentalia) forment une division importante des mammifères caractérisés par la présence d'un placenta développé. Ils se distinguent ainsi des marsupiaux (opossums, kangourous, koalas...), qui possèdent une poche abdominale appelée marsupium et des monotrèmes (ornithorynque, échidnés), qui pondent des œufs mais allaitent leurs petits.
2 Tertiaire : ère géologique s'étendant de -66 à -2,6 millions d'années.
Premier bilan de l’Inventaire Biologique Généralisé Mercantour / Alpi Marittime: de nombreuses espèces nouvelles continuent d’être découvertes en Europe
De 2006 à 2013, sous l'égide du programme européen EDIT (European Distributed Institute of Taxonomy), s’est tenu dans les Alpes le plus important inventaire de la biodiversité jamais entrepris en Europe : l'Inventaire Biologique Généralisé (IBG ou ATBI: All Taxa Biodiversity Inventory) Mercantour / Alpi Marittime, piloté par le Parc national du Mercantour en France et le Parco Naturale Alpi Marittime en Italie. Il s’agissait de réaliser un inventaire aussi exhaustif que possible des êtres vivants de ces deux parcs mitoyens, où ce travail n’avait encore jamais été réalisé.
Une équipe composée de chercheurs de l'Institut de Systématique, Évolution, Biodiversité (Muséum national d'Histoire naturelle / CNRS / UPMC / EPHE) et du Laboratorio di Ecologia - Ecosistemi terrestri (Università di Torino) propose un premier bilan de cet inventaire dans deux volumes spéciaux de la revue Zoosystema. Les résultats sont enthousiasmants : 12 espèces et un genre
nouveaux pour la science sont décrits, 60 espèces nouvelles pour la France et/ou l'Italie sont inventoriées et au total près de 1000 espèces (principalement des arthropodes) sont documentées.
Globalement, l'IBG a permis de mettre en évidence l'exceptionnelle biodiversité présente dans les deux parcs : les 12 000 espèces qui y sont inventoriées représentent presque 10% de toutes les espèces connues en Europe, selon la base de données de l'Inventaire national du Patrimoine naturel du Muséum, qui comptabilise l’ensemble des données de l’IBG et des données plus anciennes.
Malgré les résultats impressionnants fournis dans les deux numéros thématiques de Zoosystema, une fraction seulement du matériel a été passée en revue par des spécialistes : plusieurs dizaines d’espèces nouvelles supplémentaires restent encore à décrire. Ce projet confirme que l'exploration de la biodiversité est loin d’être terminée en Europe, où environ 800 espèces nouvelles sont découvertes chaque année3...
RÉFÉRENCES :
Muizon C. de, Billet G., Argot C., Ladevèze S. & Goussard F. 2015. — Alcidedorbignya inopinata, a basal pantodont (Placentalia, Mammalia) from the early Palaeocene of Bolivia: anatomy, phylogeny and palaeobiology. Geodiversitas 37 (4): 397-634.
Daugeron C., Deharveng L., Isaia M., Villemant C. & Judson M. L. I. (eds) 2015. — Mercantour/Alpi Marittime All Taxa Biodiversity Inventory. Zoosystema 37 (1): 1-280 et 37 (4): 525-694.
Revues en open access (mise en ligne le 31 décembre 2015) : zoosystema.com / geodiversitas.com Site des Publications scientifiques du Muséum : sciencepress.mnhn.fr