La préparation du médicament homéopathique

 

 

La méthode hahnemannienne (dite à flacons séparés)
Samuel Hahnemann a été le premier à définir le processus de fabrication des médicaments homéopathiques.

La fabrication de la teinture-mère en france
Les matières premières (qu’elles soient d’origine végétale ou animale) sont broyées et réduites en poudre avant d’être mises à macérer dans un mélange d’eau et d’alcool à raison d’un dixième de substance active pour neuf dixièmes de solvant. Au bout de 15 jours, le liquide est pressé et filtré afin d’obtenir ce que l’on appelle une teinture-mère (TM). Cette dernière, très riche en principes actifs, est souvent employée en phytothérapie. Elle peut être aussi très toxique, c’est le cas par exemple de la teinture-mère d’aconit, de belladone ou de ciguë. Son utilisation en homéopathie nécessite de passer par plusieurs dilutions successives, soit au centième (CH ou centésimale hahnemannienne) soit au dixième (DH ou décimale hahnemannienne).

Pour les substances non solubles dans l’eau ou l’alcool, on utilise un mode de préparation spéci- fique : la trituration (voir plus loin). Le point de départ ne vient plus de la TM mais de la substance elle-même.

Un contrôle strict des matières premières
Avant la fabrication du remède homéopathique, la teinture-mère est soumise à une série de contrôles qualité qui permettent de vérifier sa conformité.
• D’un point de vue organoleptique, on analyse sa couleur, son odeur et sa saveur. Par exemple, une teinture-mère de fucus doit être riche en iode, donc présenter la couleur rouge caractéristique de l’iode, l’odeur iodée et la saveur d’eau de mer.
• D’un point de vue physico-chimique, la teinture-mère doit contenir les principes actifs de la plante, tant d’un point de vue quantitatif que qualitatif (par exemple la digitaline pour la TM de digitale, l’atropine pour la TM de belladone, la morphine pour la TM de pavot, etc.). Pour cela, le laboratoire réalise des chromatographies qui permettent de dissocier et
de visualiser tous les principes actifs de la préparation.
• Enfin, on vérifie le degré alcoolique de la préparation. Certains principes actifs sont très solubles dans l’alcool et peu dans l’eau et d’autres présentent les caractéristiques inverses. Dans le premier cas, il faut un degré alcoolique compris entre 70° et 90°, dans le second, le degré alcoolique est de 45°.

Les dilutions successives
Hahnemann a défini deux sortes de dilutions, au centième et au dixième.
Une dilution au centième (CH) signifie que l’on prend 1 goutte de teinture-mère pour la diluer dans 99 gouttes de solvant (eau + alcool). Cette préparation est ensuite dynamisée, c’est-à-dire agitée énergiquement au moins cent fois. On obtient alors la 1 CH.

Pour obtenir la 2 CH, on prend 1 goutte de la solution en 1 CH que l’on dilue dans 99 gouttes de solvant puis que l’on dynamise dans un autre flacon. Et ainsi de suite jusqu’à la 30 CH, dilution la plus élevée autorisée en France.

Une dilution au dixième (DH) est obtenue en diluant 1 goutte de teinture-mère dans 9 gouttes de solvant pour obtenir la 1 DH, que l’on dynamise dans un nouveau flacon. On en prélève 1 goutte pour la diluer à nouveau dans 9 gouttes de solvant pour obtenir la 2 DH, etc.

La dilution souhaitée est ensuite pulvérisée sur des granules ou des globules composés de saccharose (sucre de canne) et de lactose (sucre de lait). Le nombre et le mode de dilution (CH ou DH) sont systématiquement indiqués sur l’étiquette du médicament. Les granules ou globules prennent le nom et le degré de dilution de la solution projetée.

La dynamisation
Autrefois pratiquée à la main, cette opération est aujourd’hui réalisée de façon mécanisée en laboratoire de façon à obtenir toujours le même médicament, indépendamment de la fatigue ou de la force du préparateur. Elle consiste à secouer énergiquement la préparation entre chaque dilution pour activer la force du médicament. Selon des recherches récentes, elle modifie la structure physique du médicament, ce qui explique son efficacité.

Quelle dilution Pour quel type de symptômes ?
Un médicament n’est pas moins actif s’il est plus dilué, il agit simplement différemment, plus durablement et sur des symptômes plus généraux.
Ainsi, en règle générale :
• lorsque l’on veut soigner des symptômes locaux, on aura recours aux basses dilutions (4 et 5 CH) ;
• lorsque l’on veut soigner des troubles généraux, on aura recours aux dilutions moyennes (7 ou 9 CH) ;
• lorsque l’on veut soigner des troubles anciens chroniques ou des troubles psychiques, on aura recours aux dilutions hautes (15 ou 30 CH).

Prenons l’exemple d’Arnica, médicament bien connu pour soulager les chocs et les traumatismes.
• Pour soigner un coup ou une bosse (symptôme local), on proposera Arnica 4 ou 5 CH.
• Pour soulager des courbatures (symptôme général) suite à une chute à ski, à une séance de
sport ou en cas de grippe, on aura recours à Arnica 7 ou 9 CH.
• Enfin, en cas d’anxiété ou d’insomnie suite à un accident de voiture déjà ancien ou suite à
un deuil (trouble ancien ou psychique), on délivrera Arnica 15 ou 30 CH

La trituration
Quand il s’agit de substances insolubles, on utilise la technique de la trituration à la place de la dilution. Cela consiste à triturer pendant une heure la substance active avec du lactose. Un gramme de substance active pour 9 grammes de lactose permet d’obtenir la 1re DH. Avec 1 gramme de substance active pour 99 grammes de lactose, on obtient la 1re CH.
La métHode korsakovienne (dite à fLacon unique)
Le comte russe Simeon Nicolaïevich von Korsakov, contemporain d’Hahnemann, mit au point une deuxième technique de dilution, appelée korsakovienne ou « préparation à flacon unique », symbolisée par un K. Dans cette technique, l’accent est plus mis sur la dynamisation que sur la dilution.
Après la première dilution, la solution est dynamisée (agitée 100 fois) puis jetée. Le même flacon est alors à nouveau rempli de solvants et ce sont les traces de la dilution précédente qui assurent la continuité du processus. On parle du nombre de dynamisations et non du nombre de dilution. Arnica montana en 10 000 K signifie que le remède a subi 10 000 opérations, soit 1 000 000 de dynamisations.

Étant donné le haut degré de dynamisations et la présence de nombreuses dilutions dans le même flacon, la méthode korsakovienne permettrait d’éviter certains échecs de traitement liés à une dilution unique. Elle agirait également plus longtemps, aussi est-elle utilisée plus facilement dans les traitements chroniques.

N.B. : les correspondances ne sont exactes que sur le plan théorique mais, selon les techniques de dilution, il ne s’agit plus des mêmes produits, en particulier à cause de leur degré de dynamisation. En effet, une 7 CH, par exemple, a été agitée 7 x 100 fois soit 700 fois, alors qu’une 200 K l’a été, elle, 200 x 100 fois, soit 20 000 fois.

Les différentes formes du médicament
Le médicament homéopathique existe sous différentes formes. Les plus traditionnellement utilisées sont les granules, les globules et les gouttes buvables.

Les granules
Gros comme de petites perles (20 granules au gramme), ils sont composés de saccharose et de lactose imprégnés des solutions homéopathiques. Il y a environ 75 à 80 granules par tube. On les prend généralement à raison de 2 à 5 granules une à cinq fois par jour de façon à répéter le mes- sage à intervalle régulier jusqu’à provoquer une amélioration progressive et durable de l’organisme.

Les globules
Dix fois plus petits que les granules (200 globules au gramme), ils sont de composition identique. Ils se présentent en dose à prendre en une seule fois. Ils sont soit prescrits en dose unique pour lever un barrage psychologique ou physique, soit à intervalle régulier (toutes les semaines, tous les mois, etc.) en cas de maladie chronique. Leur effet est qualifié de « flash » pour provoquer une réaction rapide et durable de l’organisme. Par exemple, si une personne anxieuse doit passer un examen, on lui donnera une dose de Gelsemium 9 CH. Si un enfant vient de tomber et s’est fait une bosse, on lui donnera une dose d’Arnica montana 9 CH, mais également dans les maladies chroniques.

Les gouttes buvables
Il s’agit d’un mélange d’eau et d’alcool dans lequel on retrouve la dilution de plusieurs substances homéopathiques, sous forme de complexes. On les trouve en France en basses dilutions. Par exemple, pour drainer le foie, on choisira un complexe de Taraxacum (lobe médian), de Chelidonium majus (pour le lobe droit) et de Carduus marianus (pour le lobe gauche), l’association de ces trois médicaments permettant de drainer le foie dans son entier. Pour les bébés on choisira des solutions aqueuses, c’est-à-dire à l’eau, sans alcool. Mais comme elles se conservent très mal, il est conseillé de les laisser au réfrigérateur après ouverture du flacon et de les consommer dans les 15 jours.

Les poudres
Elles sont utilisées pour les substances actives insolubles, et en basse dilution, mélangées à du lactose. Calcarea carbonica par exemple est utilisé en 8 DH pour renforcer les os.

Les comprimés
Ils sont fabriqués par compression d’une poudre homéopathique ou par imprégnation d’un comprimé neutre avec une solution médicamenteuse. Il s’agit en général de préparations pharmaceutiques incluant plusieurs médicaments homéopathiques destinés à soulager un trouble spécifique (les maux de gorge, les troubles du sommeil, le mal des transports...). Ils constituent une réponse pratique et symptomatique mais non individualisée du trouble.

Les autres formes
Les médicaments homéopathiques peuvent être préparés sous forme de crème ou de gel pour une application directe sur la peau (crème au Calendula par exemple). Ils peuvent être également conditionnés sous forme d’ovules gynécologiques (ovule de Calendula en cas d’irritation vaginale bénigne) ou de suppositoires (suppositoires d’Aesculus hippocastanum pour le traitement des hémorroïdes).

Un cas particulier : le bain homéopathique
Hahnemann constate vite que certains médicaments pouvaient provoquer chez certains patients très sensibles des réactions transitoires d’aggravation des symptômes. C’est pour cela qu’il a créé à la fin de sa vie des médicaments agissant sur la peau (pommades) et par voie olfactive. Outre les crèmes et lotions, les médicaments peuvent donc être administrés sous forme de bains. De cette façon, ils pénètrent par les pores de la peau et par les glandes sébacées.

 

 

Albert-Claude Quemoun

 


Si cet article vous a plu, vous pouvez en lire plus
en cliquant sur la couverture du livre ci-dessous :