Les hormones ont été au cours de l’évolution les premières molécules d’information apparues chez les unicellulaires, puis au sein des organismes pluricellulaires. Les nouvelles espèces ont développé par la suite deux systèmes d’information parallèles, plus rapides, et aux actions plus précises : le système nerveux et le système immunitaire. En fait, il existe un chevauchement entre les systèmes endocriniens, immunitaires et nerveux, qui utilisent bien souvent les mêmes molécules. Mais toujours dans un but permanent : un équilibre des fonctions vitales, et la survie physique de l’individu.
Le mot « hormone » vient du grec hormôn, qui signifie « exciter ». Donc hormones et filets nerveux, même combat, sauf que le nerf viendra « exciter » une zone très précise, alors que l’hormone est déversée dans le circuit sanguin, et transmise dans tout l’organisme où seules des cellules cibles possédant les bons récepteurs pourront utiliser cette information.
Mais les frontières entre système hormonal et système nerveux sont floues, très floues : il existe des neurones (neurones sécrétoires) qui produisent des substances pour les déverser dans la circulation sanguine, c’est le cas de certains neurones de l’hypothalamus.
De même, certaines substances chimiques servent à la fois d’hormones et de neurotransmetteurs. Ce sera le cas de l’adrénaline, produite par la médulla des surrénales, qui a une action d’éveil et de gestion des efforts dans tout l’organisme, mais aussi de médiateur chimique produit par des neurones pour transmettre l’influx nerveux sur des trajets précis. La sécrétion hormonale n’est pas constante : elle s’effectue par poussées selon des besoins qu’on a appelés « homéostasie », c’est-à-dire l’équilibre permanent de tous les systèmes biologiques.
Mais en fait, le milieu intérieur ne tend pas vers un équilibre, c’est une vue très « chimique » de la biologie. Le milieu intérieur s’organise selon des rythmes et passe par des phases qui ont été bien comprises par les Orientaux. Ceux-ci ont observé l’aspect dynamique et énergétique de ces rythmes, qu’ils ont codifiés selon deux principes opposés et complémentaires, le yin (principe « constructif », d’énergie centripète, nous dirons principe d’anabolisme), et le yang (principe « destructeur” » d’énergie centrifuge, nous dirons principe de catabolisme).
L’essayiste Michel Serres (in Biogée, éditions Le Pommier) ose aller plus loin en décrivant deux lois ou deux forces contraires, l’amour et la haine. Conçues non point comme les émotions que ressentent le cœur et le ventre des hommes et des femmes, mais comme des puissances objectives, libres et mobiles, qui dominent les choses, inertes et vives.
La haine (yang, ndlr) coupe, sépare, distingue, dissout, réduit, analyse, dissémine, tue... ce que l’amour (yin, ndlr) joint, réunit, mêle, associe, construit, harmonise, fait naître, croître et jouir. La haine déchaîne la force énorme qui enchaîne, par amour, toutes choses.
Ces rythmes biologiques fondamentaux se sont calés sur les rythmes énergétiques de l’environnement, essentiellement des rythmes solaires et lunaires. Cependant, bien d’autres facteurs plus ténus et non encore compris par les scientifiques interviennent également, parfois à titre strictement personnel, en liaison avec notre génétique, par exemple.
Hormones et neurotransmetteurs :
Un yoyo permanent, un équilibre fragile
L’organisme est ainsi mené par ces principes antagonistes qui font intervenir :
– un double circuit nerveux, qu’on appelle « système nerveux autonome », avec un effecteur yang, le système sympathique, et un effecteur yin, le parasympathique. Ce circuit double relie directement le cerveau profond (thalamus) à chacun des organes ;
– une kyrielle de glandes ou de plexus cellulaires, répartis dans tout le corps, et qui produisent des hormones d’action locale (paracrines) ou générale (exocrines).
La disposition, mais aussi le mode d’action de tous ces effecteurs, se comprennent en étudiant leur mise en place lors de l’édification des tissus.
Ce qui nous mène à faire un bref rappel d’embryologie.
Les feuillets
Aussitôt après la fécondation, l’œuf met en route une multiplication ordonnée de ses cellules, selon des stades appelés « morula », puis « blastula », et enfin « gastrula », au cours de laquelle une invagination de la surface permet la mise en place de feuillets :
L’ectoblaste
C’est la partie externe de l’embryon, il couvre toute sa surface et s’agrandit en permanence. Il formera la peau et les phanères (poils, écailles). Mais une partie de l’ectoblaste s’enfonce en s’épaississant (le neuroblaste), pour donner le cerveau et le système nerveux.
Le chordo-mésoblaste
Issu de l’ectoderme, il s’enfonce plus profondément sur toute la « longueur » de l’embryon pour former la trame segmentaire de la colonne vertébrale, depuis la selle turcique (cerveau) jusqu’au bourgeon caudal.
Le mésoblaste
Il se met en place sous l’ectoblaste pour former les différentes sortes de tissus conjonctifs (tissus cartilagineux et osseux, muscles, tendons, aponévroses). En contact avec d’autres feuillets, le mésoblaste est également à l’origine de la musculature du cœur et des vaisseaux, la musculature lisse, les endothéliums, les cellules sanguines, les appareils urogénitaux et les gonades.
La crête ganglionnaire
Il s’agit là encore d’un enfoncement de cellules d’origine ectodermique, de chaque côté du tube neural (neuroblaste), sur toute la longueur de la chorde (future colonne vertébrale), sous forme de bandelettes métamérisées pour donner la matrice des systèmes ortho et parasympathiques.
C’est à partir de la crête ganglionnaire que se formeront :
• les ganglions crâniens et rachidiaux spinaux ;
• les ganglions et paraganglions sympathiques ;
• l’épiphyse ;
• de nombreux ganglions et plexus ;
• la médullosurrénale.
L’endoblaste
C’est un tissu épithélial (comme l’ectoderme) qui s’enfonce profondément, de part en part, dans tout l’embryon pour mettre en place le futur système digestif. De ce « tube » vont se développer de nombreux organes en relation avec l’extérieur (systèmes respiratoire et digestif), ou destinés à une action purement interne : c’est le point de départ de nombreuses glandes endocrines comme l’hypophyse antérieure, le thymus, la thyroïde, les parathyroïdes, le pancréas, les glandes en rapport avec la digestion et la respiration.
Les deux systèmes nerveux
D’origine ectoblastique, le système sympathique (ortho et para) passe par des relais ganglionnaires et s’infiltre dans tous les tissus en envoyant ses axones jusque dans chaque cellule : il possède donc un contrôle de tout l’organisme.
Tout ce qui touche le système sensoriel et moteur est en relation avec le thalamus au travers du bulbe et de la moelle épinière.
Tout ce qui touche la gestion neuro-hormonale de l’organisme passe par le système sympathique au travers de ses relais secondaires que sont les plexus et la chaîne latérovertébrale, venant de l’hypophyse antérieure qui reçoit les fibres du thalamus, via l’hypothalamus.
La surveillance et la modulation de cette organisation sont assurées par le système parasympathique et ses ganglions.
La glande médullosurrénale, véritable centrale d’intervention, a pour fonction de stabiliser cet ensemble.
Mode d’action des hormones
Les hormones des vertébrés se déclinent en trois classes : des protéines et des peptides, des amines dérivées d’acides aminés, et des stéroïdes dérivés du cholestérol.
Les deux premières sont hydrosolubles, et ne traversent donc pas les membranes cellulaires : elles nécessitent des récepteurs membranaires pour agir. Les stéroïdes sont liposolubles et traversent les membranes: pour agir, il leur faut des récepteurs à l’intérieur des cellules cibles.
BON À SAVOIR
Une hormone donnée peut provoquer différentes réponses dans des cellules qui ont des récepteurs différents.
Prenons l’adrénaline : via les récepteurs alpha des fibres lisses, elle provoque une constriction musculaire et une diminution du débit sanguin dans les viscères, alors que via les récepteurs bêta des muscles squelettiques, elle entraîne au contraire une dilatation, une meilleure irrigation, et le top des performances musculaires. Voici une action « yang » complexe, qui tout à la fois met de côté une activité digestive inutile, pour renforcer l’activité musculaire décisive en cas de combat ou de fuite.
Les tours de contrôle des activités endocriniennes : l’hypothalamus et l’hypophyse
L’hypothalamus, logé dans le diencéphale, reçoit de l’information en provenance des nerfs périphériques et des autres régions de l’encéphale, et il exerce une régulation hormonale en fonction de ces informations : température du corps, température extérieure, taux de glucose, entourage social, etc.
L’hypothalamus contient deux ensembles de neurones sécrétoires dont les produits hormonaux sont emmagasinés dans l’hypophyse située à sa base.
L’hypophyse est une caricature de cette imbrication étroite entre les systèmes nerveux et hormonaux. Elle est composée de deux lobes dont l’origine embryologique est différente.
Le lobe postérieur (neurohypophyse) est un prolongement de l’hypothalamus, qui se contente d’accumuler deux types d’hormones produites dans l’hypothalamus.
Dr. Alain Collomb,
Dr. Jean-Yves Gauchet
& Dr. Cla
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