L'information est-elle-fiable en matière d'accouchement ?

Pour choisir, il faut être informé. Et aujourd’hui, il y a pléthore d’information sur la grossesse et l’accouchement : revues, fascicules gratuits, livres, sites Internet, émissions télé...

Pour choisir, il faut être informé. Et aujourd’hui, il y a pléthore d’information sur la grossesse et l’accouchement : revues, fascicules gratuits, livres, sites Internet, émissions télé...

En regardant superficiellement, il est facile de constater que les informations françaises vont toutes dans le même sens : ce qui est fait l’est à bon escient. Tout ce qui est imposé à la femme qui accouche est juste et nécessaire, pour son bien et celui de son bébé.

Pourtant, à lire la loi et le code de déontologie médicale, toute information médicale doit répondre à certains critères bien précis :

L’INFORMATION
Ce qu’ils en disent :

La loi

* Article L1111-2 du Code de Santé Publique, réformé par la loi du 4 mars 2002 :
Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l’exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d’impossibilité de la retrouver.
Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l’urgence ou l’impossibilité d’informer peuvent l’en dispenser.
Cette information est délivrée au cours d’un entretien individuel. (...)
Des recommandations de bonnes pratiques sur la délivrance
de l’information sont établies par la Haute Autorité de santé et homologuées par arrêté du ministre chargé de la santé.

* Article L1111-4 du Code de Santé Publique :

Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé.
En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l’établissement de santé d’apporter la preuve que l’information a été délivrée à l’intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen.
Le Code de déontologie médicale

Article 35 :

Le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille, une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension.

Autres
L’A.NA.E.S. (Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation sur la Santé, devenue aujourd’hui la H.A.S., Haute Autorité de la Santé) précise, dans son manuel Information des patients 12 :
« Une information “loyale” est une information honnête.
Une information “claire” est une information intelligible, Une information “appropriée” est une information adaptée à la situation du patient. »

Et elle ajoute :
« La pertinence de l’information s’apprécie de deux points de vue, subjectif et objectif: en tant qu’elle s’adresse à un sujet particulier, elle doit être adaptée à sa situation personnelle – elle doit concerner spécifiquement son état de santé et/ou sa maladie – mais l’information délivrée doit s’appuyer sur des informations fondées, dont le contenu objectif a été validé. »

• Exemples d’information claire, honnête et fiable
L’OMS
L’OMS a rédigé de nombreux documents, disponibles en ligne ou en vente sous forme de manuel ou livre. L’un d’eux « Les soins liés à un accouchement normal » (Rapport d’un groupe de travail technique – 1997) reprend point par point les interventions usuelles qui peuvent être faites lors d’un accouchement normal, et en fait une critique basée sur les études médicales. Il en a été établi une « Classification des pratiques utilisées pendant un accouchement normal » 13 qui ordonne les pratiques en différentes catégories :
– Pratiques à encourager,
– Pratiques nocives à éliminer,
– Pratiques non validées, à utiliser avec précautions,
– Pratiques fréquemment utilisées à tort.
Il apparaît que les pratiques obstétricales françaises sont classées en grande majeure partie dans les pratiques à éliminer ou fréquemment utilisées à tort !

La médecine factuelle ou « evidence based medicine » 14
La médecine factuelle s’appuie sur le patient, et sur les études médicales. Elle croise ce que vit le patient avec les données les plus récentes sur la question. Elle est récente, commence à se répandre largement dans le monde anglo-saxon, de façon bien plus discrète et timide en France.

Des médecins anglais ont écrit un ouvrage d’obstétrique, A Guide to Effective Care in Pregnancy and Childbirth, appuyé sur la médecine factuelle, qui est réédité régulièrement, modifié et enrichi par les dernières données de la science. Cet ouvrage n’est malheureusement pas traduit en français, mais peut être commandé en Angleterre et est disponible gratuitement sur Internet.

• Réflexions
Il est particulièrement intéressant de constater que les con- clusions de l’OMS et de ce livre se rejoignent, en contradiction formelle avec l’information donnée en France :
– dans tous les fascicules gratuits (« Bientôt Maman », « Happy Baby – Porter la vie », « L’enfant du premier âge ») qui encombrent les tables et présentoirs des salles d’attente des cabinets de gynécologie, des maternités, des laboratoires d’analyse médicale... sans oublier ceux qui débordent des « boîtes roses » et des « boîtes bleues » remises gratuitement dans les établissements hospitaliers (recelant en outre une quantité d’échantillons de produits plus inutiles les uns que les autres) ;
– par les sites pseudo-médicaux sur la grossesse et l’accouchement ;
– durant les séances hospitalières de préparation à l’accouchement ;
– dans nombre de livres, émissions télévisées quotidiennes sur la santé, revues mensuelles sur la grossesse et l’accouchement, informations qui plébiscitent sans aucun recul les pratiques obstétricales françaises.

Il y a une désinformation globale et générale sur ces sujets, afin de pouvoir permettre aux protocoles de perdurer dans le calme et le silence des salles de travail débordées des maternités françaises, au mépris de la santé des femmes et des bébés qui naissent.

• Avoir le choix...
En France, nous aurions le choix en matière d’accouchement. Effectivement, où que vous habitiez, vous pouvez choisir d’aller accoucher à l’autre bout de la France, si cela vous chante. Vous pouvez choisir d’être suivie par un médecin, généraliste, gynécologue médical, gynécologue obstétricien, quel qu’il soit, ou par une sage-femme libérale ; vous pouvez choisir d’accoucher en hôpital ou en clinique. C’est ce qui est appelé « avoir le choix ».

Sauf que...
L’information étant ce qu’elle est actuellement, nombre de femmes ignorent :
– qu’il y a d’autres choix pour accoucher qu’une structure hospitalière – hôpital public ou clinique privée pratiquant de la même façon, il n’y à guère de différence entre les deux dans la prise en charge ;
– que l’obstétricien est un spécialiste des pathologies obstétricales, et en aucun cas l’interlocuteur privilégié si la grossesse se déroule sans problème ;
– que le suivi par un obstétricien implique une grossesse plus « instrumentalisée », davantage d’actes invasifs, plus d’examens, inutiles 9 fois sur 10 ;
– qu’elles pourraient être suivies juste par une sage-femme libérale durant toute la grossesse ;
– qu’un accouchement pratiqué par un obstétricien implique davantage d’actes inutiles et de contraintes sur le corps de la femme, donc plus de risques de devoir recourir à d’autres actions pour corriger les effets nocifs induits par les précédents actes ;
– que l’accouchement à domicile est une option au moins aussi sécuritaire que l’hôpital...

12. Recommandations pour la pratique clinique – Information des patients – A.N.A.E.S. – 2000.
13. http://www.who.int/reproductive-health/publications/French_MSM_96_24/MSM_96_24_ chapter6.fr.html

 

Blandine Poitel

 

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