Monsieur le Président,
Nous vous sollicitons en tant qu’acteurs médicaux non-gouvernementaux œuvrant en
Syrie afin de vous alerter sur la situation dramatique constatée par nos équipes dans la
province d’Idleb en ce moment. Nous saluons la position française de condamnation des
bombardements à Idleb et la demande immédiate de désescalade.
A ce stade de désastre humanitaire, cette position n’est pas suffisante. Nous
souhaiterions vous dire que les ONG ne peuvent tolérer plus longtemps la terreur et la mort
qui s’abattent depuis des mois sur les populations civiles syriennes et plus spécifiquement
sur la région d’Idleb fin avril 2019. Délibérément et stratégiquement privée de nourriture et de
soins depuis des mois par des bombardements intensifs et des déplacements de population
massif qui font craindre le pire, la région d’Idleb se meurt en silence face à une communauté
internationale qui paraît résignée. Si le droit humanitaire est mort à Alep en 2016, à la Ghouta
en 2017, doit-on le laisser mourir à nouveau dans cette région où 3,5 millions personnes sont
encore piégées ?
Nous dénonçons depuis des mois les violations systématiques du Droit Humanitaire
International et ne voulons pas qu’Idleb signe le décès de ce droit. Nous sommes des
soignants non résignés. Soigner est notre devoir et notre raison de vivre, à Idleb et partout
dans le monde. Depuis le 15 décembre 2019, les bombardements se sont intensifiés dans le
sud-est d'Idleb mais la région vit une escalade de la violence déjà depuis le mois d’avril 2019.
Nous estimons que plus de 700 000 personnes vont être affectées. Jusqu'à présent 250 000
personnes se sont enfuies de la ville de Maarat Al-Nouman qui est prise pour cible. 67
structures médicales ont été bombardées depuis le 28 avril 2019. Nous assistons à un
désastre humanitaire. Les besoins sont énormes.
"Certaines personnes s’enfuient de leurs maisons, pieds nus pour épargner leurs vies
quitte à laisser tous leurs biens sous les bombardements et les tirs, certaines femmes
accouchent dans la rue faute de mieux..." témoigne le Dr Ahmed Ismail, coordinateur de
l’aide d’urgence à Idleb, UOSSM.
Nous, médecins, ne pouvons rester insensibles, à cette tragédie humanitaire. L’ultime
indignité est l’ignorance, l’indifférence à l’égard de leur destin funeste. Nous réitérons nos
demandes de cessez-le-feu, d'accès humanitaire transfrontalier immédiat et sans entrave.
Les ONG humanitaire locales et internationales doivent pouvoir apporter une aide médicale
d’urgence dès à présent.
Le droit humanitaire international doit rester la norme, notamment concernant les
obligations de protection des lieux de soins et des personnels soignants et humanitaires. Les
organismes internationaux doivent permettre l’effectivité de cette protection.
En ces temps de fêtes et de moments de bonheur partagé en famille, comment la France et
la communauté internationale peuvent rester sourdes et aveugles à la détresse humanitaire
de ces millions de personnes. Ils ont fuit les bombardements, ils se retrouvent dans des abris
de fortune, sans vêtements chauds, ni nourriture, ni accès aux soins dignes. Seule l'aide
humanitaire leur permettrait de survivre. Aujourd'hui, cette aide humanitaire transfrontalière,
qui serait un véritable soulagement pour ces populations, est refusé par la communauté
internationale.
Pour toutes ces raisons, nous sollicitons auprès de vous une rencontre dès que
possible.
Dans l’attente de cet entretien, nous vous adressons, Monsieur le Président, l’assurance de
notre très haute considération.
Dr. Ziad ALISSA
Président de l’UOSSM France
Dr. Philippe de Botton
Président de Médecins du
Monde France
Pr Raphaël Pitti
Responsable formation de
l’UOSSM France