1 an après le déplacement d'1 million de personnes en Syrie où en est-on de la tragédie syrienne ?


Paris, jeudi 24 décembre 2020. Il y a 1 an, l’UOSSM lançait un appel à la communauté internationale et au président de la République Emmanuel Macron. Suite aux bombardements intensifs sur Ma’arrat al-Nu’man et Ariha du gouvernorat d’Idleb ainsi que sur Atarib et Darat Azza àl’ouest d’Alep en décembre 2019 jusqu’à mi-février 2020, près d’1 millions de personnes avaient été déplacées dans le nord-ouest de la Syrie.

Où en est-on 1 an après ? Retour sur la situation des déplacés de guerre dans la région d’Idleb avec notre coordinateur médical Oussama Alhussein et le Dr Muhannad Alkhalil, dans le camp d’Atme à la frontière turco-syrienne. Le Pr Raphaël Pitti, responsable formation de l'UOSSM qui avait été reçu par le président de la République le 8 janvier 2020, nous fait aussi part de sa vive inquiétude et lance un appel en cette fin d'année 2020 et jour de noël.
   
Quelle est la situation actuellement dans les camps de déplacés ?

Oussama Alhussein : Sur les 4,2 millions de personnes vivant dans le nord-ouest de la Syrie, 2,7 millions sont déplacées. On dénombre 1160 camps dans le nord-ouest de la Syrie, habités par 1,5 million de personnes déplacées, dont 80% sont des femmes et des enfants. La majorité de ces camps sont situés sur des terres agricoles, boueuses et propices aux inondations.

La dévaluation de la livre syrienne a entraîné une augmentation du prix des produits de première nécessité tels que le pain, les produits d’hygiène de base et le carburant. Un abri digne est le besoin le plus urgent pour les déplacés qui craignent les intempéries de l’hiver avec des températures qui peuvent descendre en dessous de 0°, la pluie, les inondations et la neige. Des conditions de vie rudes pour les déplacés qui n’ont pour abri que des tentes de fortune.
L’hiver dernier, des pluies orageuses avaient affecté environ 7000 familles. Les populations brûlaient leurs objets personnels, leurs meubles tout ce qu’ils pouvaient trouver pour faire du feu et se réchauffer. Une solution extrêmement dangereuse car ces feux volontaires pouvaient émettre des fumées toxiques dangereuses pour la santé et ont pu causer la mort.

   
Dr Muhannad Alkhalil : En effet, l’hiver est un paramètre essentiel qu’il ne faut pas négliger dans la situation des populations de ces camps en Syrie. Lorsqu’il pleut par exemple, le plafond des tentes n’est pas imperméable. Il pleut directement dans les tentes, sur le visage des femmes et des enfants qui vivent dans des abris de fortunes. Les routes délabrées deviennent boueuses et créent de nombreux accidents. Aujourd’hui dans le camp d’Atme, l’arrivée de la pluie est une tragédie.

    
    
Quelles sont les répercussions sanitaires et médicales de ces conditions sur les populations ?

Dr Muhannad Alkhalil : Dans le centre de santé où j’exerce, je reçois de nombreux patients atteints de maladies chroniques, notamment de maladies cardiovasculaires. Ces populations sont très pauvres. Souvent, après avoir réalisé un examen complet et leur avoir fait une prescription, ils sont démunis car ils n’ont pas les moyens d’acheter les médicaments nécessaires à leur traitement. Ce sont des plaintes quotidiennes des patients qui sont dans une extrême précarité tant d’un point de vue de leur santé, de leur logement que d’un point de vue économique où ils n’ont littéralement plus rien.
 
Nord-ouest de la Syrie, une situation sanitaire dégradée :
Le niveau de malnutrition chronique a été en forte augmentation tout au long de l’année 2020. Le taux de malnutrition chronique chez les enfants de moins de 5 ans dans le NWS a atteint 34% après avoir augmenté de 5% entre janvier et octobre.

⅔ des enfants ne peuvent plus se rendre à l’école à causes des restrictions dûs à la propagation du COVID-19.


L'appel pour la Syrie du Pr Raphaël Pitti en cette fin d'année 2020

"Il y a un an à la même période, avec l'UOSSM, nous lancions une mobilisation suite aux bombardements sur la région d'Idleb dans le nord-ouest de la Syrie. Ce qui avait provoqué le déplacement massif de populations, avec près d'un million de personnes qui ont dû fuir les bombes. Ces personnes se sont retrouvées dans des camps de fortune. Aujourd'hui, 1 an plus tard, le silence médiatique s'abat sur la Syrie. Mais le calme relatif des bombes ne saurait cacher la situation d’extrême urgence des populations. Aujourd'hui, 13 millions de personnes en Syrie ont besoin d’une assistance sanitaire. Les personnes déplacées vivent dans des camps surpeuplés, des abris d’urgence où l’accès aux soins est peu ou quasi inexistants. Il n’est rendu possible uniquement grâce à l’aide humanitaire des ONG.


Les cas de COVID-19 ne font que croître depuis plusieurs semaines dans le nord-ouest de la Syrie avec près de 20 000 cas recensés ces derniers jours. Les lacunes du système de santé en Syrie sont poussées à de nouveaux extrêmes sous l’impact de la COVID-19. Les lits en soins intensifs sont occupés intégralement dans certaines zones. La capacité d’accueil n’est pas à la hauteur. Les déplacés font face à une réalité où la guerre et la COVID-19 sont devenus le fardeau des syrien.nes. Ils font face à des catastrophes qui s’accumulent : les ravages de la guerre qui continuent de faire leur lot de victimes, la COVID-19 qui connaît un pic épidémique dans le nord de la Syrie, sans évoquer l’hiver, toujours aussi redoutée par les millions de déplacés de guerre vivant dans les camps comme l’expliquent mes collègues sur le terrain.


C'est pourquoi, aujourd'hui, en cette fin d'année, je lance une collecte de fond avec l'UOSSM pour soutenir les déplacés de guerre, les enfants des camps à avoir des chaussures dignes pour cet hiver, les soignants à avoir du matériel médical dans les centres de santé, les structures médicales à se renforcer pour accueillir et prendre en charge les patients dans de bonnes conditions durant cet hiver avec la mise en place de chauffage par exemple.


Oui l'hiver s'abat sur la Syrie avec le froid, les inondations, la boue dans les camps, nous devons agir en cette fin d'année 2020 pour reprendre espoir en 2021."


Pour répondre à l'appel du Pr Raphaël Pitti et soutenir les actions médicales et humanitaires de l'UOSSM :

http://bit.ly/AppelSyrie