Ceux qui ont fait la France : Dagobert

600-638

Le temps des rois pas si fainéants !

Leur réputation n’est pas des plus glorieuses. Les rois mérovingiens auraient passé leur temps à parcourir leurs royaumes au rythme calme de chars à bœufs, sans trop se soucier du devenir de leurs possessions. Il semble bien qu’il n’en soit rien.

Dès le iiie siècle apparaissent deux bandes de Francs : les Saliens (du latin salii, tribus franques) et les Ripuaires qui campent au bord du Rhin, comme leur nom l’indique (du latin ripua, rive). Les Saliens sont plus entreprenants que les Ripuaires. Clodion, personnage mysté- rieux, puis son fils Mérovée, les emmène jusque dans l’actuel Benelux. Il aurait même participé au côté d’Aetius à la fameuse bataille des champs Catalauniques pour briser l’invasion des Huns. Et, surtout, il va donner son nom à une puissante dynastie qui régnera en France de l’avènement de Clovis à la déposition de Childéric III, soit pendant deux cent vingt ans.

Puis Childéric Ier, qui parvient à s’emparer de Paris, lui succède, avant que Clovis ne soit porté sur le pavois. À partir de 481, il se révèle un redoutable conquérant, s’emparant du royaumede Syagrius, de l’Aquitaine wisigothe, rejetant au loin les Alamans à l’est. Il domine ainsi ces territoires qui s’appelleront Austrasie, Neustrie et auxquels s’ajoutera, après la victoire de Vouillé, tout le Sud-Ouest aquitain.

À la mort de Clovis, en 511, ses quatre fils se partagent le royaume mérovingien, selon la coutume franque. Clotaire reçoit le royaume de Soissons et une partie de l’Aquitaine. Et il va se montrer impi- toyable en tentant de reconstituer le royaume de son père. Après la mort de son frère Clodomir, il tue les enfants de ce dernier et s’attribue ses territoires, les partageant avec un autre de ses frères, Childebert, non sans avoir conquis la Bourgogne et la Provence, puis la Bretagne. À la mort de Thierry, le quatrième de ses frères, il laisse régner son fils Théodobert Ier, puis son petit-fils Théodobald, qui meurt sans héritier. Il s’empare aussitôt de son royaume. Enfin, lorsque Childebert complote contre lui en s’alliant à son propre fils, Chramme, il n’hésite pas. Il les combat férocement. Childebert a tellement peur qu’il en meurt. Puis, Clotaire étouffe Chramme de ses propres mains.
Ainsi, en 558, Clotaire, seul fils survivant de Clovis, règne sur un royaume mérovingien réunifié et beaucoup plus vaste que la France actuelle, puisqu’il s’étend, au-delà du Rhin, en Alémanie et en Bavière.

À sa mort, en 561, il laisse quatre fils : Caribert, Gontran, Sigebert et Chilpéric. Tout est à refaire, le partage franc égalitaire s’imposant à nouveau.

Clotaire II, bien soutenu par sa mère, Frédégonde, l’épouse de Chilpéric, sans doute la plus grande criminelle de l’histoire de France, va parvenir à ses fins. Il est vrai que Frédégonde lui a dégagé le chemin du pouvoir : elle a tué, successivement, Galswinthe, l’épouse de Chilpéric, la remplaçant dans le lit de ce dernier, puis Sigebert, avant d’assassiner son mari, Chilpéric. Clotaire II règne ainsi sur la Neustrie. Il profite de la mort de Thierry II, le petit-fils de Brunehaut et de Sigebert, pour s’emparer tant de l’Austrasie que de la Bourgogne, et pour régler son compte à Brunehaut, sa tante, en la suppliciant d’abominable façon. En 613, il devient roi d’un territoire réunifié, mais dont la Provence s’est détachée. Et il règne seul jusqu’en 629.

Fils unique de Clotaire II, Dagobert règne avec intelligence, dévelop- pant l’artisanat d’art. Ses deux grands conseillers, Ouen et Éloi, tous deux futurs saints, marquent le temps de leur empreinte. Cependant, la Bretagne et l’Aquitaine s’éloignent du royaume mérovingien, désor- mais réduit à la Neustrie, à l’Austrasie et à la Bourgogne. Des maires du palais, sortes de Premiers ministres, accaparent le pouvoir dans chacun de ces trois territoires. Une famille, les Pippinides, impose peu à peu son autorité, dès 639, avec Pépin de Landen en Austrasie, son fils Grimoald et son petit-fils Pépin de Herstal, qui réunit Austrasie et Neustrie ; Charles Martel, qui reconquiert Aquitaine et Provence ; et enfin Pépin le Bref, qui fondera la dynastie carolingienne.

À partir de 639, les rois mérovingiens se trouvent donc largement dépouillés de leurs prérogatives par les maires du palais. Mais plusieurs d’entre eux refusent le sort qui leur est réservé et tentent, de nouveau, de s’imposer aux maires du palais, purs représentants de la noblesse jalouse de son indépendance.

L’image de rois fainéants traînés par des bœufs avachis est totalement erronée : bien pire, elle est stupide ! Quelques exemples suffisent à le démontrer. Clovis II, le fils de Dagobert Ier, a épousé une ancienne esclave anglaise, Bathilde. À sa mort, en 657, avec l’appui d’Éloi, elle se bat comme une lionne, exerçant la régence pour le compte de ses deux fils. En 680, le maire du palais de Neustrie, Ebroïn, la menace : elle finit par se retirer et fonde l’abbaye de Chelles. Elle sera canonisée.

Thierry III, devenu roi de Neustrie en 673, se bat pour défendre son trône : on le tond, il revient en force en 675. En 680, il vainc les Austrasiens dirigés par Pépin de Herstal, avant d’être battu en 687, à Tertry. Mais son vainqueur, Pépin de Herstal, le maintient en place à la tête d’un royaume unifié regroupant Neustrie, Austrasie et Bourgogne, jusqu’à sa mort en 691...

Comme on le constate, il n’y a pas tellement de mous chez les rois mérovingiens !

 

Bertrand Galimard Flavigny

 


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