Préserver son coeur et sa santé

En ces temps de pandémie virale, on peut légitimement se demander si la publication d’un ouvrage sur la prévention des maladies cardiovasculaires est vraiment prioritaire. La cacophonie ambiante du discours médical n’est certes pas faite pour nous rassurer, même si le philosophe des sciences sait depuis longtemps que la survenue d’une crise scientifique où plusieurs théories s’opposent, entraîne normalement des désaccords parfois violents (évoquons la guerre de cinquante ans entre un génial Anglais et les Diafoirus français résultant de la publication du traité de la circulation sanguine de William Harvey, parfaitement arbitrée par le Roi Soleil, sans l’aide d’un Haut Conseil scientifique). Concernant l’évènement Covid-19, il est cependant reconnu par tous les médecins du monde que les classiques facteurs de risque de maladies cardiovasculaires (obésité, diabète, hypertension artérielle, tabac) aggravent grandement le pronostic vital de cette nouvelle maladie.
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En ces temps de pandémie virale, on peut légitimement se demander si la publication d’un ouvrage sur la prévention des maladies cardiovasculaires est vraiment prioritaire. La cacophonie ambiante du discours médical n’est certes pas faite pour nous rassurer, même si le philosophe des sciences sait depuis longtemps que la survenue d’une crise scientifique où plusieurs théories s’opposent, entraîne normalement des désaccords parfois violents (évoquons la guerre de cinquante ans entre un génial Anglais et les Diafoirus français résultant de la publication du traité de la circulation sanguine de William Harvey, parfaitement arbitrée par le Roi Soleil, sans l’aide d’un Haut Conseil scientifique). Concernant l’évènement Covid-19, il est cependant reconnu par tous les médecins du monde que les classiques facteurs de risque de maladies cardiovasculaires (obésité, diabète, hypertension artérielle, tabac) aggravent grandement le pronostic vital de cette nouvelle maladie.

Ainsi l’excellent livre de mon confrère Michel Corcilius, qui est présenté en bas de cette page arrive à point nommé. C’est un formidable plaidoyer destiné à faire comprendre le bien-fondé du traitement préventif des affections cardiovasculaires et susciter, chez nos patients déjà touchés et à ceux qui ne le sont pas encore, le désir de retarder au maximum l’entrée dans la maladie et surtout de vieillir sans handicap particulier. Et qui plus est, leur permettre de surfer sans crainte sur la déferlante Covid-19.

Comme nous le démontre de la façon la plus lumineuse notre auteur, la prévention reste encore ce qui fonctionne le mieux à l’ère des substituts protecteurs de toute sorte, des transfusions de plasma de cordon ombilical ou de la pilule de jeunesse éternelle (disponible dans toutes les bonnes boutiques « bio ») censée garantir l’allongement perpétuel de nos télomères déficients.

Avec le meilleur esprit cartésien, requis comme fondement de notre science médicale moderne, le docteur Michel Corcilius nous illumine en nous livrant une description précise et claire des mécanismes physiopathologiques contribuant à la genèse et au développement des affections cardiovasculaires. Cinq cibles sont particulièrement visées : l’hypertension artérielle (HTA), l’hypercholestérolémie, le diabète, l’obésité et les principales addictions (tabac, alcool, stupéfiants). Pour chacune des cibles, l’auteur adopte une même démarche simple et très pratique.

Par exemple pour l’HTA, un éclairage épidémiologique qui donne le tournis : 40 % des adultes de plus de 25 ans dans le monde ont une HTA diagnostiquée, soit 1,2 milliard d’individus, et 50 % des patients français de plus de 65 ans sont hypertendus, soit 12 millions de personnes. Réponses à des questions essentielles : comment affirmer mon hypertension ? Comment faire baisser ma tension artérielle sans médicament ? À un stade de plus, quelle(s) pilule(s) prendre ? En nous faisant bien comprendre qu’une seule monothérapie sera rapidement insuffisante si l’euphorie d’une normalisation tensionnelle initiale nous pousse à continuer à manger chips, pizza aux anchois et autres agapes salées... Deux, trois puis quatre médicaments antihypertenseurs seront alors nécessaires pour poursuivre sans fin nos noces salées, couronnées inéluctablement par un AVC et une insuffisance cardiaque. Le message est clair : la pharmacopée moderne dispose de puissants agents hypotenseurs, mais ce n’est pas une raison pour négliger le traitement préventif (exercice physique, régime peu salé, etc.).

Concernant le sujet polémique de l’hypercholestérolémie, l’auteur nous livre une description précise des conséquences artérielles d’un excès de cholestérol. La première démarche préventive réside dans la modification de nos habitudes alimentaires. Le régime « méditerranéen » reste le socle logique de cette prévention. Le détail des aliments à privilégier ou à éviter est donné dans le menu. En cas d’inefficacité ou d’impossibilité de mise en œuvre de ces mesures diététiques, le démarrage d’une statine est la pierre angulaire du traitement visant à lutter contre l’hypercholestérolémie, notamment après un accident cardiovasculaire dans le cadre d’une prévention dite secondaire. Plusieurs centaines d’essais randomisés (réalisés en double aveugle : le médecin et son patient ne sachant pas si la molécule ingérée est le médicament à évaluer ou un placebo) constituent la base d’une évidence incontournable : baisse de la mortalité et des AVC respectivement de 18 % et de 25 % à cinq ans. Un contre-message négatif a été récemment donné par deux célèbres médecins universitaires français avec pour conséquence une surmortalité de 9 000 patients au cours de l’année 2013 dans une population à haut risque cardiovasculaire. En cas d’effets indésirables de ces statines, un nouveau traitement injectable par anticorps monoclonaux inhibant l’activité de la protéine PCSK9 se révèle particulièrement efficace et sans danger évident.

Concernant le diabète, pathologie où l’éducation thérapeutique est fondamentale, on retrouvera une fois de plus une description des médicaments anciens et nouveaux pour lutter contre ce fléau de notre civilisation occidentale. L’obésité contribue bien évidemment à l’explosion mondiale du taux des patients diabétiques. L’auteur nous assure que l’hérédité n’est pas une fatalité : « Pourquoi brandir l’argument héréditaire lorsque la seule différence entre ces deux générations génétiquement identiques réside dans l’accessibilité récente à la société de consommation ? » L’exemple de la tribu indienne Pimas illustre parfaitement cette thèse. Cette population des plaines de l’Arizona, agriculteurs depuis des milliers d’années, sur des terres désertiques qu’ils avaient réussi à irriguer suffisamment, a développé un gène « épargneur » ordonnant le stockage des graisses en prévision de l’hiver et de ses disettes. Au début des années 1950, ce gène « épargneur » ayant assuré la survie de ces indiens Pimas depuis des siècles, devint morbide quand ces populations adoptèrent un mode alimentaire pléthorique. Avec pour conséquence une explosion du taux d’obésité et un record mondial de diabète : 50 % des Indiens Pimas de l’Arizona sont aujourd’hui diabétiques. De l’autre côté de la frontière, dans les montagnes de la Sierra Madre occidentale au Mexique, un millier de leurs cousins Pimas ont en revanche conservé leur mode de vie ancestral : travail difficile, alimentation frugale (haricots rouges, tomates, maïs, piments, etc.). L’obésité y est inconnue et le taux de diabète inférieur à 10 %. Une même génétique contrariée par un bouleversement alimentaire brutal que Charles Darwin n’avait pas prévu, avec pour corollaire un risque de disparition à brève échéance des Pimas américains.

Tout le message du docteur Michel Corcilius va dans ce sens en apportant une grande lumière à notre entendement grâce à des preuves scientifiques aujourd’hui incontestables dans la prévention des maladies cardiovasculaires. Sans nul doute, suivra une large adhésion de la volonté d’une grande majorité de lecteurs de ce livre, avides de vérité.

Persisteront quelques irréductibles pour qui l’annonce de ces constats restera une épreuve de vérité. Car bien évidemment, cela imposerait qu’ils déconstruisent leur mode de vie pour l’agencer d’une autre façon. Ainsi les conditions de réception du message de ce livre ne sont pas à minimiser.

Ce n’est donc pas tant la raison qu’il faudrait viser chez ces irréductibles mais chercher à ce que leur volonté, malmenée par le fouet du plaisir, attire la raison vers la vérité. La tâche n’est pas aisée, Virgile nous avait prévenus : Trahit sua quemque voluptas (« Chacun est attiré par son plaisir »). Mais « là où le danger croît, pousse ce qui sauve » (Hölderlin). Ne désespérons donc pas de l’intervention providentielle d’un druide...

Paul Barragan Cardiologue, Ollioules

                                                                              

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