Crocothémis écarlate © Julien Laignel
Au bord des cours d’eau et des étangs, dans les mares et les tourbières, onze espèces de libellules sont aujourd’hui menacées de disparition en France sur les 89 espèces présentes sur le territoire métropolitain. Treize autres se révèlent quasi menacées ; le nombre de libellules menacées pourrait donc doubler à l’avenir si rien n’était entrepris pour préserver les zones humides dont elles dépendent. Mené dans le cadre de la Liste rouge nationale, cet état des lieux a été réalisé par le Comité français de l’UICN et le Muséum national d’Histoire naturelle, en partenariat avec l’Office pour les insectes et leur environnement et la Société française d’Odonatologie.
Les zones humides, indispensables aux libellules
Le cycle de vie des libellules est intimement lié à la présence d’eau, indispensable au développement de leurs larves. La situation préoccupante rencontrée par bon nombre d’espèces reflète les atteintes faites aux zones humides, qui constituent leurs habitats naturels. D’autant que si certaines espèces de libellules sont plutôt "généralistes", c’est-à-dire capables de vivre dans de nombreux milieux, beaucoup d’autres ne se développent que dans un type d’habitat particulier.
De nombreuses menaces
Le recalibrage et la rectification des cours d’eau, marqués notamment par le dragage du fond et le reprofilage des berges, affectent directement les habitats favorables aux libellules. Ces actions s’accompagnent souvent de la disparition des bras morts et des prairies humides attenantes, où ces espèces peuvent se nourrir, et du déboisement des rives. Elles représentent une forte menace pour des espèces comme la Cordulie splendide, une libellule de grande taille classée "Vulnérable".
Les mares ou les étangs dont dépendent beaucoup de libellules font eux aussi face à d’importantes atteintes, dues à leur comblement dans le cadre d’aménagements, leur entretien par curage, le remodelage des berges ou l’intensification de leur gestion. Le Leste à grands ptérostigmas, qui fréquente les lagunes, mares et étangs saumâtres atlantiques et méditerranéens, est ainsi particulièrement affecté par l’artificialisation du littoral et se trouve classé dans la catégorie "En danger".
La dégradation de la qualité de l’eau, du fait des pollutions industrielles, agricoles et domestiques, constitue un autre facteur de régression, de même que les prélèvements excessifs dans les nappes phréatiques, qui conduisent à un assèchement précoce des ruisseaux et des rivières. Ces menaces sont notamment très présentes pour les ruisseaux méditerranéens, où vit l’Agrion bleuissant, classé "En danger".
Les espèces exotiques envahissantes représentent une autre menace pour plusieurs espèces de libellules, à l’image des écrevisses américaines introduites, qui entraînent par leur prolifération de fortes transformations des habitats envahis et une importante prédation des larves.
Enfin, de nombreuses espèces de libellules sont étroitement liées aux milieux particuliers et originaux des tourbières. C’est le cas de la Cordulie alpestre, classée "Quasi menacée", dont les habitats se font de plus en plus rares et morcelés, affectés par l’assèchement et le boisement naturel. C’est également le cas de la Déesse précieuse, victime de l’assèchement et de la disparition des tourbières en Europe, actuellement connue d’une seule localité en France et classée "En danger critique".
Des mesures de préservation à renforcer
Face à cette situation, une vingtaine d’espèces de libellules bénéficie déjà d’un plan national d’actions, visant à développer les connaissances et à améliorer leur état de conservation. Au-delà de ces mesures à poursuivre, les réponses à apporter passent nécessairement par un renforcement de la préservation des zones humides, habitats de ces espèces et de toute une faune et une flore riches et diversifiées.
Muséum national d’Histoire naturelle