La vie au-delà de la mort : quand la science trouve des réponses

Il serait présomptueux de prétendre donner des définitions précises de ce que sont réellement la vie et la mort, tant ces deux mots englobent une variété illimitée de nuances, et la réalité qu’ils soulignent des dimensions à peine imaginables pour le commun des mortels.

 

Il serait présomptueux de prétendre donner des définitions précises de ce que sont réellement la vie et la mort, tant ces deux mots englobent une variété illimitée de nuances, et la réalité qu’ils soulignent des dimensions à peine imaginables pour le commun des mortels.

Néanmoins, nul ne peut tenter d’approcher et de comprendre le sens véritable de l’existence humaine, les limites que lui imposent la matière et le temps qui s’écoule, sans aborder en premier lieu quelques notions de base incontournables. Car, pour espérer percer le mystère de la mort, il faut d’abord avoir une conscience éclairée de ce qu’est la vie. Non seulement dans ses fonctions physiques les plus immédiates, appréhendables à chaque instant du quotidien, mais aussi dans la perpétuation d’une conscience qui fait de chaque individu le détenteur potentiel de tous les possibles.

De fait, en cernant les contours de notre trajectoire dans le temps et l’espace, chaque jour qui passe nous dévoile un peu plus la nature de cette vie qui nous habite, et à chaque instant nous propulse irrémédiablement vers le suivant. C’est de cette continuité, et rien d’autre, dont il est question, dès lors que l’on s’intéresse à la vie et à la mort.

Depuis toujours les hommes entretiennent des relations très intimes et complexes avec ce qu’ils pensent être la vie et la mort, selon leur origine, leur culture, leur personnalité propre. Si la vie leur apparaît plus évidente à définir, plus simple à décrire parce que réellement « palpable », la mort est perçue dans bien des cas comme difficile à cerner, bien au-delà du seul concept d’un organisme biologique ayant cessé de vivre, ou de ce que certains spécialistes considèrent, avec une froideur distanciée, comme une simple rupture définitive dans la cohérence des processus vitaux.

Mais, comme souvent, rien n’est simple en la matière, ni totalement certain. Car si la mort est censée désigner l’arrêt des fonctions de base, il n’en est pas moins vrai, et formellement démontré, que certaines cellules du corps sont considérées comme immortelles, de par leur aptitude à se scinder indéfiniment en cellules filles. La limite ultime de la vie – la mort – s’en trouve alors investie d’une toute autre dimension.

Et que dire de la fin de la vie, quand un cœur s’arrête de battre durant un certain temps, attestant d’une mort certaine, avant d’être ranimé artificiellement ? De toute évidence, la « disparition finale » de l’individu en tant qu’entité biologique unique, selon les critères médicaux classiques, doit alors être sérieusement remise en question.

Au cours des dernières décennies, l’allongement de l’espérance de vie, la « déconstruction biomédicale » et les pratiques liées au combat contre le vieillissement, ont donné la sensation que l’on pouvait repousser l’horizon inéluctable de la mort, au point d’acquérir une certaine maîtrise quant à la durée de l’existence humaine. Les avancées technoscientifiques, la médecine anti-âge, la médecine régénératrice, ou encore les biotechnologies et les nanotechnologies, ont rendu plausible l’option visant à considérer la mort non plus comme une échéance incontournable, mais désormais comme une option parmi d’autres, quitte même à envisager de la faire disparaître totalement.

Au-delà de ces considérations purement matérielles, nombreux sont ceux qui prônent la continuité de vie d’une « entité humaine », considérant que la mort n’est qu’un passage, une transition d’un état à un autre, ce qui sous-entendrait la conservation de ce qui constituait un être à part entière. De là naquirent dans le passé les courants religieux, avec pour fondement premier de protéger le « soi » de chaque individu, en le plaçant sous la dépendance d’un dieu ou d’une force supérieure capable de lui éviter les affres d’une disparition définitive. Une fois rassuré sur une possible survie au-delà des impératifs du corps et de la matière, il ne restait à certains qu’un pas à faire pour concevoir l’immortalité de l’âme... repoussant ainsi défini- tivement le spectre de la mort.

L’appartenance à tel courant philosophique ou religieux pouvait alors influer durablement sur la conception que l’on avait de la mort, mais dans tous les cas il s’agissait toujours d’appréhender au mieux cette fin annoncée dès le premier jour de l’existence, avec une conscience plus ou moins développée des mécanismes inhérents à la fin de vie, aussi bien au plan matériel que métaphysique. Avec à l’esprit, en permanence, son caractère abstrait tant qu’elle ne nous interpellait pas directe- ment, soit personnellement, soit au travers de connaissances ou certains de nos proches.

Pour tous les autres, l’idée d’une mort plus ou moins loin- taine sert en premier lieu à donner du sens à la vie. En créant, construisant, inventant, amassant des possessions ou des amitiés, en multipliant les rencontres ou fondant des communautés, en élevant des enfants et promulguant des lois, il s’agit encore et toujours d’« exister », d’une manière ou d’une autre, et par là de tenter de déjouer le piège d’une mort annoncée.

Ainsi, à toutes les époques et sur tous les continents, sont nées la culture d’une société, l’histoire d’une civilisation, et au bout du compte, toutes races confondues, l’affirmation tenace de la vie dans l’espèce humaine : « ce que le groupe humain fait de la mort se trouve au cœur de sa culture et conditionne ses mythes, ses rites, ses cultes, sa façon d’être au monde et de se représenter son avenir1. »

En d’autres termes, la perspective de cette mort, qui s’impose en travers de notre chemin comme un défi lancé à chacun, oblige l’homme à donner du sens à sa vie, à cette existence qu’il semble avoir mis en marche au moment de sa naissance.

Car en définitive, s’interroger sur la mort et son sens ultime conduit immanquablement à poser aussi un regard nouveau sur cette autre extrémité de notre vie qu’est la naissance : si l’on envisage qu’il puisse y avoir quelque chose après la mort, pourquoi ne pas considérer, en toute logique, qu’il puisse y avoir quelque chose avant la naissance ? Si la mort pose le problème de la disparition, la naissance pose celui de l’apparition... ou comment repousser à l’infini les limites de notre existence, qui du coup ne serait plus aussi simple et volatile que nous le pensions jusqu’alors.

Dans la grande majorité des cas, la mort est considérée avec distance et respect, d’aussi loin que l’on peut, comme un fait à la fois biologique, social et culturel. Selon les circonstances, elle revêt divers visages, plus ou moins symboliques, tantôt libératrice après une longue maladie, tantôt synonyme d’échec et d’abolition d’un prestige social, ou encore entachée d’une image désolante de décrépitude finale. Exhibée ou escamotée, publique ou sujet tabou préservé dans la sphère du privé, individuelle ou collective, la mort est au cœur de toutes les préoccupations, toutes les perspectives d’avenir.

Longtemps, la mort a été vécue comme un constat d’échec. Certes, les progrès de la science et l’allongement de la durée de vie ont contribué quelque peu à en affaiblir la portée, mais pour le plus grand nombre l’angoisse de la finitude demeure ancrée profondément au cœur des pensées les plus intimes quant au sens de la vie en cours. L’heure de la mort, que l’on croyait pouvoir ajourner grâce aux découvertes médicales du xxe siècle, reste le « juge de paix » avec lequel, en définitive et contre toute attente, on ne saurait transiger.

À moins que de surprenantes découvertes viennent finalement remettre en question les a priori des temps anciens...

Pour en saisir la réelle portée, il faut bien comprendre que la mort ne se résume pas à cet instant où le corps humain, semblant avoir épuisé toutes ses ressources énergétiques, s’arrête finalement de fonctionner. Comme le disait Martin Heidegger, « Dès l’instant où l’homme vient au monde, il est assez vieux pour mourir. La mort est sa manière d’être au monde. [...] C’est la finitude qui caractérise toute expérience humaine1. » C’est donc parce que la mort est immanente à la vie qu’elle joue un rôle majeur dans la trajectoire de chaque individu, qu’elle en dessine le relief et les contours : la mort force la vie à aller au bout d’elle-même. Et Rainer Maria Rilke de préciser que « La grande mort que chacun porte en lui, tel est le fruit autour duquel tout gravite2. »

Ainsi, dans l’ombre de notre vécu quotidien, la mort est intimement et inexorablement liée à notre vie de tous les jours, chaque épisode qui se termine – affectif, sentimental, relationnel, professionnel... – étant en soi un déchirement, plus ou moins douloureux, aux accents de « petite mort ». Et chaque fois, la vie reprend le dessus, pour nous mener plus loin, au gré d’un nouvel épisode, d’une tranche de vie supplémentaire, dans d’autres circonstances, un environnement humain ou matériel « revisité », mais toujours avec cette même identité qui est la nôtre et nous distingue de tous les êtres humains.

C’est de cette « continuité » dont parlent tous ceux qui envisagent un au-delà de la vie, laissant entendre sans ambiguïté qu’il pourrait y avoir une vie après la mort.

Bernard Baudoin

 

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