Consigne et consommation nomade : la Fédération de la Distribution automatique, inquiète pour l’avenir du secteur, interpelle le Gouvernement

Les professionnels de la distribution automatique ont appris la semaine dernière, comme tous les acteurs concernés par le projet de loi « économie circulaire », le montant envisagé pour la consigne et le contour des modalités de son « retour » en France. Après l’interdiction annoncée du gobelet en plastique le 3 juillet 2021, la consigne vient assombrir à son tour l’avenir de la profession.

La première inquiétude est, naturellement, la chute prévisible de la consommation au distributeur automatique. Il en résultera une hausse du prix d’achat : le montant de la consigne sera automatiquement intégré au prix de vente du produit. Certes, le consommateur peut récupérer la somme consignée en rapportant l’emballage. Mais il existe une incompatibilité manifeste entre une consommation nomade et le fait de consigner un emballage : en effet, l’acte d’achat au distributeur automatique est motivé par la disponibilité immédiate, continue, d’un produit à emporter dans un lieu où le consommateur est de passage ; aussi l’obligation de retourner l’emballage contrarie-t-elle l’élan propre à ce type de consommation. A cela s’ajoute une incertitude concernant le maillage territorial de la consigne, qui pourrait à la fois peser lourdement sur la consommation et compliquer la gestion opérationnelle pour les entreprises. Si la consigne faisait l’objet d’un déploiement partiel, les gestionnaires des machines devraient intégrer le dispositif dans certains points de vente seulement, ce qui représenterait pour eux une difficulté supplémentaire dans la gestion de leur activité.

Autre point d’inquiétude : la lourdeur du dispositif à mettre en place pour les professionnels de la distribution automatique qui sont, pour l’immense majorité d’entre eux, à la tête de TPE et de PME familiales. En l’état du projet, l’on présume qu’il pourrait revenir aux gestionnaires-exploitants d’alimenter en monnaie la machine à déconsigner installée par l’opérateur en charge de la consigne, afin que les consommateurs puissent être remboursés. Cette avance de trésorerie, même mensuelle, représente une charge financière insupportable pour les entreprises du secteur, à la santé économique fragile.

Reste le problème de la maintenance des machines à déconsigner, dont on ignore à ce jour à qui elle incombera, et la difficulté générée par le montant envisagé de la consigne : 15 centimes d’euros. En effet, les automates ne peuvent ni traiter ni gérer les pièces de 1 et 2 centimes, trop légères, qu’il faudrait pourtant pouvoir prendre en charge si ce montant était acté. En outre, la gestion des pièces de 5 centimes, pour faire l’appoint, est très complexe, le temps de recharge de la monnaie en est allongé d’autant, donc le temps de travail des personnels des gestionnaires-exploitants nécessairement impacté et la marge de ces derniers définitivement attaquée de toutes parts. Sans compter que, dans les lieux publics où coexistent plusieurs points de vente de bouteilles en PET et de canettes en aluminium, l’on s’expose à ce que tous les emballages viennent alimenter la machine à déconsigner, y compris donc les emballages non issus de la machine, et que le gestionnaire doive rembourser des consignes qu’il n’a pas encaissé. Il n’est pas concevable que les gestionnaires-exploitants financent un tel système.

La construction d’une usine à gaz se profile dangereusement pour le secteur, qui présente tous les aspects d’une nouvelle taxation des consommateurs et des entreprises, alors qu’il serait si simple de récupérer les emballages partout où la loi a rendu obligatoire le « tri 5 flux », c’est-à-dire presque partout où sont installés les appareils de distribution automatique !

Aussi les professionnels de la distribution automatique souhaitent-ils être entendus sur ces sujets, car ils seront un maillon clé de la chaîne de déploiement du système. Si les metteurs en marché sont naturellement au cœur du dispositif, il est évident que bon nombre d’acteurs ont été oubliés ou négligés dans la réflexion engagée pour élaborer ce nouveau modèle. Il est impératif que le projet de loi prenne en compte ces réalités de terrain, sans quoi la consigne risquerait fort de se révéler néfaste aussi bien pour les consommateurs que pour les entreprises. La transition écologique raisonnée est un objectif commun, pas une lutte d’intérêts individuels.  

 

Vous trouverez via ce lien la tribune parue ce jour sur le site du journal Le Monde, version détaillée de ce communiqué : www.lemonde.fr/idees/article/2019/09/20/il-existe-une-incompatibilite-manifeste-entre-une-consommation-nomade-et-le-fait-de-consigner-un-emballage_6012342_3232.html