Amplification et nuisances sonores : il est temps d’agir

 

A l’occasion de la Journée Nationale de l’Audition, le 10 mars prochain, l’Académie de médecine alerte sur les traumatismes de plus en plus graves et fréquents dus aux abus de l’amplification sonore qui est, dans notre environnement, à l’origine d’une pandémie nouvelle, la surdité précoce.

Le trauma du « samedi soir » rend sourd de plus en plus jeune. Aux fortes intensités d’aujourd’hui, la musique est d’autant plus dangereuse qu’elle est insidieuse et ses conséquences difficiles à évaluer, car on ne pratique plus d’audiogramme systématique depuis la fin du service national. Mais les médecins ORL voient de plus en plus souvent, le lundi, ces victimes des boîtes de nuit du week-end… En effet, cette surdité, d’abord ressentie dans le contexte agréable d’un groupe en transe, devient gênante lorsqu’elle dégénère en troubles permanents, notamment en acouphène, ce qui amène à consulter… souvent trop tard ! Dans l’oreille interne, en effet, chaque agression sonore trop violente transmise par le tympan, la chaine des osselets puis les liquides qui vibrent au rythme des sons conduit à l’arrachement des cils fragiles du long ruban spiralé de cellules sensorielles, chargées de convertir les vibrations sonores en signaux électriques transmis à notre cerveau par le nerf auditif. Dans cet organe de Corti, les cellules ainsi agressées finissent par mourir, si le bruit est intense ou se reproduit souvent, entraînant une perte auditive laquelle, faute de traitement, s’aggravera inéluctablement pour aboutir à des complications, voire à une surdité définitive.

 

Au travail, le bruit est une agression de plus en plus fréquente, mais encore trop rarement reconnue comme une maladie professionnelle. Seuls les riveteurs de la métallurgie et les praticiens du marteau-piqueur doivent obligatoirement porter un casque protecteur d’oreilles, alors que les musiciens professionnels, par exemple, sont notoirement exposés. En effet, les cuivres et les percussions entament l’audition non seulement de ceux qui en jouent, mais surtout celle de leurs proches voisins dans l’orchestre (bassons, hautbois, clarinettes ou percussions). Les musiques d’avant-garde aggravent encore ces méfaits en inventant des situations scéniques dangereuses et en créant des sonorités numériques dotées d’amplifications violentes. Enfin, ne sont pas épargnés les chasseurs invétérés, les canonniers dans leur casemate @ il ne doit pas y en avoir beaucoup ?, sans compter les irréductibles des pétards du 14 juillet…

 

Dans l’habitat, malgré une règlementation abondante, la prise en compte du bruit dans l’environnement reste souvent insuffisante. La part du bruit passe trop souvent au deuxieme plan, loin derriere la performance thermique, malgré une incidence majeure de l’incidence sanitaire et du poids économique des nuisances sonores.

 

Dans tous ces cas, l’Académie nationale de médecine préconise la prévention. En effet, tant que la perte auditive est limitée aux fréquences proches de 4000 Hz, on peut encore agir avec des vasodilatateurs, des corticoïdes, et surtout la suppression définitive de l’agression. Mais, si l’audiogramme chute aussi sur les fréquences plus aiguës, les prothèses auditives s’imposent, sachant qu’elles auront d’autant plus de mal à compenser le handicap que leur action risque d’être gênée par une hyperacousie douloureuse (phénomène dit de recrutement). C’est pourquoi, l’Académie recommande :

  • d’éviter le traumatisme sonore dès l’enfance afin que ses effets, en s’additionnant, n’engendrent pas de complications redoutables et consulter dès les premiers signes, comme des acouphènes, afin de ne pas risquer une surdité précoce, dès la quarantaine, ou une hyperacousie douloureuse, qui peut apparaitre brutalement à 30 ans, à la suite d’une agression sonore, même faible, mais consécutive à des sonorités violentes accumulées depuis l’enfance ;
  • d’utiliser systématiquement, lorsqu’il le faut, une protection auditive, au travail aussi bien que lors des loisirs. Toutefois, il est vain de vouloir échapper au bruit en portant en permanence des bouchons protecteurs dans les oreilles car ces systèmes de protection, d’autant plus visibles qu’ils sont plus efficaces, stigmatisent ces personnes qui, devenus sourds aux voix de leur entourage immédiat, s’enferment dans une spirale d’exclusion sociale et professionnelle ;
  • d’alerter constamment et par tous les moyens la population à cette menace pour la santé :
  • enseigner, dès l’école primaire, les méfaits des bruits trop intenses ;
  • sensibiliser les corps de métier qui interviennent dans l’habitat à la qualité phonique ;
  • inciter les autorités à tous les niveaux, les maires, notamment, à faciliter l’information des habitants pour mieux maîtriser les nuisances sonores de voisinage, en favorisant la médiation, et en menant le plus possible des actions de prévention.

 

Rapport 5.6.2012 : « les nuisances sonores de voisinage dans l’habitat – analyse et maîtrise » (François Legent) http://www.academie-medecine.fr/publication100100053/