Que sont les hydrocarbures « non conventionnels » ?

Aux États-Unis, les prix du gaz naturel ont commencé à grimper à partir de 2003. Ensuite, ils ont littéralement explosé dès 2005 (entre 2005 et 2008, le prix du gaz naturel Henry Hub atteindra deux niveaux records aux alentours de 10 et 11 dollars états-uniens par million de British Thermal Unit, ci-après $/MBtu7), ce qui semble avoir induit l’essor de l’exploitation des roches-mères. Le recours à de nouvelles techniques d’extraction de pétrole et de gaz n’est pas non plus étranger à ce phénomène mais, comme nous allons le voir, c’est l’augmentation du prix du pétrole sur le marché mondial, et du gaz naturel sur les marchés américains, qui a permis le boom de la production. Celui-ci a déclenché une période d’euphorie, particulièrement aux États-Unis. Et on a cru à un nouvel eldorado !


Aux États-Unis, les prix du gaz naturel ont commencé à grimper à partir de 2003. Ensuite, ils ont littéralement explosé dès 2005 (entre 2005 et 2008, le prix du gaz naturel Henry Hub atteindra deux niveaux records aux alentours de 10 et 11 dollars états-uniens par million de British Thermal Unit, ci-après $/MBtu7), ce qui semble avoir induit l’essor de l’exploitation des roches-mères. Le recours à de nouvelles techniques d’extraction de pétrole et de gaz n’est pas non plus étranger à ce phénomène mais, comme nous allons le voir, c’est l’augmentation du prix du pétrole sur le marché mondial, et du gaz naturel sur les marchés américains, qui a permis le boom de la production. Celui-ci a déclenché une période d’euphorie, particulièrement aux États-Unis. Et on a cru à un nouvel eldorado !

Nous allons découvrir ce qu’il en est plus exactement ou, en tout cas, ce qu’on peut en attendre de manière plus réaliste.

Les perspectives
Les incertitudes sont énormes en matière de réserves. On navigue donc à vue de nez quelque part entre 0 et l’infini. En ce qui concerne le « gaz de schiste », l’Agence nationale allemande des Ressources minérales (DERA) estime les réserves mondiales à 1,7 T.m38. Pour donner un ordre de grandeur comparatif, la consom- mation annuelle de gaz naturel en France est d’environ 0,05 T.m3. La consommation de gaz naturel de l’Europe tourne elle autour de 0,52 T.m3. Selon cette agence, les réserves seraient exclusivement concentrées aux États-Unis ; il n’y aurait aucune réserve de gaz de schiste en Europe [géographique] et à peine un peu plus, c’est-à-dire quasi rien, dans l’Union européenne [politique] (DERA, 2012, p. 53). (Je préciserai plus loin la différence qu’il y a lieu de faire entre les « réserves » et les « ressources ».) Ce qui signifie que la production de gaz de schiste sera toujours marginale. À l’opposé, d’autres spécialistes prévoient que la part du gaz naturel dans le « mix9 » énergétique global passera progressivement de 21 % à 25 %. Et qu’en 2030, elle dépassera celle du charbon10.

Coûts et défis
Les défis et coûts réels de la production de combustibles fossiles de ce xxie siècle sont énormes. Par exemple, pour combler la différence entre la demande de pétrole – qui augmente fortement – et la production – qui, elle, risque de diminuer drastiquement dans les années qui viennent –, nous devrions trouver, entre 2007 et 2030, l’équivalent de six fois l’Arabie saoudite (IEA, WEO 2008, Executive Summary, p. 7. Matt Simmons en faisait également état).

Certains de nos hommes politiques et de nos économistes se disent très optimistes et se lancent quelquefois dans des déclarations enthousiastes qui ne relèvent malheureusement pas d’une analyse sérieuse des réalités géologiques et environnementales.

Il est évident que la plupart des décideurs économiques sont aujourd’hui à la recherche de « bois de rallonge » pour compenser la diminution des hydrocarbures dits conventionnels. Cependant, le débat concernant le développement de la filière « gaz de schiste » fait rage, les experts de tous bords s’affrontant sur la question de ses impacts environnementaux, économiques et sociaux. Et cette question est très loin d’être réglée. Ce qui n’empêche pas les entrepreneurs téméraires de se lancer dans l’aventure.

Les gaz de schiste ?
Ce que j’entends autour de moi à propos des gaz de schiste démontre la divergence des convictions et des idées qui alimentent le débat des spécialistes et la manière dont la population perçoit cette problématique.
Certains voient dans les gaz de schiste « la ressource miracle11 » susceptible de régler une bonne part de nos problèmes d’approvisionnement. Il y en aurait d’immenses quantités un peu partout dans le monde.
Ceux-là imaginent une production d’électricité à bas prix, un approvisionnement en gaz bon marché, l’aubaine pour les industries des pays exploitants, pour les secteurs résidentiel et tertiaire, pour la création d’emplois. Ce serait tout bénéfice pour l’économie. D’aucuns vont même jusqu’à envisager une utilisation à grande échelle du gaz de schiste en tant que carburant ; il pourrait remplacer le pétrole brut dans les transports ! De là à rêver d’indépendance énergétique...

À tout cela, d’autres opposent un « cauchemar écologique12 » qui inquiète, voire terrorise quant à ses effets possibles sur l’environnement, la santé publique, sans compter d’autres dégâts collatéraux que l’on ne découvrirait que trop tard.

Entre ces deux tendances, quelques-uns essaient, difficilement, de concilier les points de vue et de trouver une voie moyenne... Exercice parfois périlleux !

Pour « bien faire », les décideurs devraient établir la balance entre les bénéfices éventuels et les risques potentiels, sans toutefois connaître l’ampleur des uns, ni la fréquence et l’intensité des autres.

Sur le terrain, les téméraires dont nous parlions plus haut tentent déjà l’expérience, en minimisant les coûts, principalement les coûts environnementaux. Ce qui génère d’un côté son lot d’espoirs et de l’autre son lot d’inquiétudes, et souvent de colère. Les craintes ne se limitent d’ailleurs pas aux domaines que je viens de mentionner, elles s’étendent également au domaine purement économique, comme nous le verrons plus loin...

Alors, qu’en est-il ? Le gaz de schiste est-il une panacée en matière d’indépendance et d’emploi ? Une catastrophe pour la Nature ? Du battage publicitaire, amplifié par la spéculation financière ?
C’est ce que je vais tenter de démêler au fil de ces pages, sans toutefois prétendre à l’exhaustivité ni à la prise en compte d’absolument tous les paramètres jusqu’aux plus fins, mais en espérant tout de même apporter au lecteur, à la lectrice, suffisamment d’éléments crédibles et pertinents pour alimenter une réflexion féconde.

7 $/MBtu : dans le cadre de la mesure des prix du gaz naturel, 1,034 Btu équivaut à un pied cube de gaz naturel. L’unité $/MBtu correspond donc à un dollar par pied cube de gaz naturel.
8 T.m3 : 1 000 milliards de m3 (1012 m3).
9 Mix énergétique (attention, pas « mixe » ni « mixte ») : « Le mix énergétique définit la répartition des différentes sources d’énergie primaire (nucléaire, charbon, pétrole, éolien, etc.) utilisées pour produire une énergie bien définie comme l’électricité. La part de chaque source d’énergie primaire est exprimée en pourcentage (%) » (Source : © 2001-2014 Futura-Sciences, tous droits réservés - MadeInFutura). On rencontre aussi parfois le terme « bouquet » énergétique.
10 Source : IEA, IEA WEO Special Report – The Golden Age of Gas (2011), 2012.
 

 
Olivier Parks

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Le gaz de schiste