Réforme du financement participatif en France : exit les bons de caisse, bonjour les minibons

Le décret du 28 octobre[1] dernier rénove significativement la réglementation sur le crowdfunding, moins de deux ans après son adoption. Ainsi, les plafonds de souscription par contributeurs sont relevés de 1000 à 2000 euros pour les prêts rémunérés, de 4000 à 5000 euros pour les prêts non-rémunéré, deux outils distribués par les Intermédiaires en Financement Participatif. Mais le décret n’oublie pas pour autant les Conseillers en Investissements Participatifs (CIP) agréés par l’Autorité des Marchés Financiers (AMF), bien au contraire, le financement maximal d’un projet passant de 1 million à 2,5 millions d’euros par an. Et pour se donner les moyens de ces nouvelles ambitions, de nouveaux outils entrent dans l’ère du crowdfunding: les actions de préférence, les titres participatifs, des obligations convertibles et les titres participatifs remboursables au terme d’un délai déterminé constituent autant de nouvelles opportunités pour les porteurs de projets et les CIP.

Toutefois, la grande innovation qu’apporte ce décret réside bien dans le cadre d’application des minibons, un nouveau titre taillé sur mesure par l’ordonnance du 28 avril[2] pour remplacer les bons des caisses, mais réservés à l’usage des CIP. Depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance au 1er octobre, les bons de caisse, ces titres de reconnaissance de dette mis en place par une loi-décret vieille de 80 ans, ne peuvent plus être intermédiés par des plateformes de financement participatif, alors que certaines d’entre elles utilisaient ce titre de créance pour contourner la règlementation du secteur. Le minibon, vient s’y substituer. Avec une échéance maximale de 5 ans, réservés aux SA, SAS et autres SARL de plus de trois ans d’existence et au capital libéré, les minibons peuvent être souscrits par des particuliers comme par des institutions et des entreprises et leur plafond par émission est également de 2,5 million d’euros sur une année.

Mais le minibon n’est pas juste un outil supplémentaire pour les CIP. La véritable innovation de ce titre de créance réside dans son émission et sa tenue de registre qui peut être réalisée de manière dématérialisée et décentralisée, autrement dit via le protocole Blockchain. Unique en son genre dans le droit européen, cette innovation procurera une meilleure sécurité et transparence dans les campagnes de crowdlending tout en réduisant les coûts pour l’émetteur et en permettant d’envisager à termes un marché secondaire.

Si le décret d’application qui donnera le cadre à l’utilisation des Blockchains se fait toujours attendre, certaines plateformes de financement participatif n’ont pas attendu pour mettre en place leurs premières expérimentations et réaliser des proof of concepts innovants. Après avoir réalisé avec succès un test d’émission d’obligations utilisant la Blockchain, Enerfip, la plateforme de financement participatif de la transition énergétique, a par exemple publié un Livre Blanc pour évangéliser le secteur sur les options qu’offrent les Blockchains publiques. De même, Financement Participatif France, l’association de l’écosystème a annoncé récemment construire son propre proof-of-concept en partenariat avec la Caisse des Dépôts et Consignations.

Après avoir augmenté de plus de 300% de 2013 à 2015, tout semble indiquer que le minibon va permettre de stimuler la formidable croissance du prêt participatif en France.

Léo Lemordant
Président d’Enerfip

[1] https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000033317337&dateTexte=&categorieLien=id

[2] https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000032465520&categorieLien=id