L’agriculture française à l’heure des choix

L’agriculture française affiche des résultats insatisfaisants : un emploi qui diminue, des revenus faibles dans certaines activités, un environnement qui se dégrade de façon patente et une performance commerciale qui s’érode. Dans cette Note du CAE, les trois auteurs Jean‐Christophe Bureau, Lionel Fontagné et Sébastien Jean livrent leur constat et pointent les écueils des politiques publiques dédiées à ce secteur. Ils recommandent une orientation plus claire de la politique agricole, centrée sur la préservation du capital naturel, la recherche, la formation et la qualité sanitaire des produits permettant de réconcilier les objectifs de compétitivité, d’environnement et de revenus.

Les handicaps de l’agriculture française ne sauraient se réduire à un coût du travail trop élevé ou une réglementation trop contraignante. La taille limitée des exploitations et la mauvaise coordination des filières nuisent à l’adoption des nouvelles pratiques culturales et aux relations avec l’industrie de seconde transformation et la distribution. La formation hétérogène des agriculteurs, le manque d’ambition de la recherche française en agronomie et une stratégie de compétitivité hors‐prix contestable participent aussi aux mauvaises performances du secteur.

Si le soutien public au secteur agricole est massif, son efficacité est discutable. En effet, les politiques publiques manquent d’orientations claires : elles consistent souvent en un empilement de mesures peu efficaces et poursuivant parfois des objectifs de court terme contradictoires, les dépenses élevées engagées ne permettant en définitive ni d’asseoir la compétitivité, ni d’assurer un revenu décent pour l’ensemble des agriculteurs, ni de préserver l’environnement. En somme, bien que la nouvelle PAC permette des choix, l’utilisation des budgets agricoles s’apparente trop souvent en France à de simples aides au revenu, la stratégie pour orienter à long terme l’agriculture s’avérant peu explicite.

Pour les auteurs, compétitivité, préservation de l’environnement et soutien aux revenus ne seront plus des objectifs contradictoires si deux choix sont opérés. En premier lieu, les agriculteurs doivent être considérés également comme des producteurs de biens publics et rémunérés comme tels tandis que les producteurs sur grande échelle doivent développer une agriculture technologique et responsable. En second lieu, il convient de mettre en œuvre au niveau national une politique de long terme axée sur un effort ambitieux de formation et de recherche, la préservation du capital naturel et la promotion de la qualité sanitaire des produits.

Mettre le capital naturel au centre de la politique agricole
Recommandation 1. Faire de la préservation du capital naturel un axe central de la politique agricole ; cibler plus directement la performance environnementale en remplaçant les aides indifférenciées et l’éco‐conditionnalité par une rémunération des aménités, qui pourrait être différenciée géographiquement.

Créer les conditions d’une agriculture innovante
Recommandation 2. Développer les recherches sur les nouvelles techniques de sélection en s’attachant à les mettre au service d’une agriculture en phase avec des régulations biologiques et promouvoir l’innovation ouverte (portails, open data).

Recommandation 3. Faire du réseau de lycées agricoles un pionnier de l’enseignement numérique. Permettre une formation continue plus poussée des agriculteurs via des congés individuels de formation et en s’appuyant sur l’enseignement supérieur agricole pour former des managers d’exploitations agricoles de haut niveau.

Soutenir la compétitivité
Recommandation 4. Aider les acteurs à promouvoir ensemble un petit nombre de labels valorisant des atouts des produits français comme le contrôle sanitaire, la traçabilité intégrale, l’absence d’antibiotiques, de promoteurs de croissance et le respect de l’environnement ou du bien‐être animal.

Recommandation 5. Privilégier des critères directement liés aux externalités dans le ciblage des aides et agir pour une réorientation dans ce sens au niveau européen. Ne pas pénaliser a priori l’agrandissement des structures s’il ne génère pas d’externalités négatives (gestion des effluents, gestion de la biodiversité). Favoriser la mise en commun de moyens de production.

Mieux accompagner et soutenir les agriculteurs
Recommandation 6. Privilégier le lissage fiscal, voire le report d’emprunts et de charges sociales sur plusieurs années comme outil de stabilisation au niveau national. Au niveau communautaire, réduire les incitations à se spécialiser sur un très petit nombre de cultures.

Recommandation 7. Agir au niveau communautaire pour réduire progressivement les aides sur les surfaces (« paiements de base » et « paiement verts ») profit de budgets ciblant les biens publics ou des objectifs sociaux. Évoluer vers des paiements aux résultats, contractuels et non transférables et plafonner les paiements individuels qui ne rémunèrent pas la production d’un bien public.



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