Anses /Etude Pesti’home sur les utilisations domestiques de pesticides

7 octobre 2019 - De nombreux pesticides sont utilisés par la population dans la vie quotidienne, à l’intérieur, ou à l’extérieur des logements (terrasses, jardins, etc.) pour lutter contre différents nuisibles: insectes volants, insectes rampants, mousses, parasites du bois, mauvaises herbes, etc. Les pratiques et usages domestiques sont mal connus et ont fait l’objet de peu d’études en France. Il est pourtant utile de décrire les caractéristiques des produits utilisés, les motifs, fréquences et modalités de leur utilisation, car ces informations sont nécessaires pour permettre d’évaluer les expositions de la population aux pesticides associées à ces pratiques. Ce constat fait par l’Observatoire des résidus de pesticides en 2010 a conduit l’Anses à mettre en place l’étude Pesti’home, dont les principaux objectifs étaient les suivants : dresser un inventaire des produits pesticides utilisés à domicile et leurs modalités d’utilisation, ainsi que décrire les caractéristiques de la population des utilisateurs. Ces informations contribueront à identifier une liste de substances chimiques de la famille des pesticides qui pourraient faire l’objet ultérieurement de campagnes de mesure de leur présence dans l’air intérieur des logements, et permettre de réaliser une évaluation de l’exposition de la population générale à ces substances et des risques sanitaires associés.

Les pesticides pris en compte dans l’étude incluent les quatre grandes catégories de produits réglementés suivants :
- les produits phytopharmaceutiques utilisés en protection des plantes et dont l’usage par les particuliers dans leurs jardins par exemple, est soumis à autorisation d’après le règlement européen 1107/2009 ;
- certains produits biocides utilisés pour lutter contre les nuisibles tels que les insectes, les rongeurs ou pour protéger le bois contre les insectes ou les moisissures soumis à autorisation après évaluation dans le cadre du règlement européen 528/2012 ;
- certains médicaments vétérinaires à usage antiparasitaire soumis à autorisation après évaluation dans le cadre de la directive européenne 2001/82 actuellement en cours de modification ;
- certains médicaments humains à usage antiparasitaire soumis à autorisation après évaluation dans le cadre de la directive européenne 2004/27.

Matériel et méthode
Une enquête a ainsi été réalisée en France métropolitaine entre le 5 juillet et le 12 novembre 2014 auprès d’un échantillon représentatif des ménages de la population répartis sur l’ensemble du territoire. Les adresses des ménages ont été tirées aléatoirement au sein des 150 communes préalablement tirées au sort. Afin d’assurer la représentativité de l’échantillon, le type de logement, l’équipement téléphonique et la répartition dans huit zones territoriales couvrant la totalité du territoire métropolitain ont été considérés. Au total 1507 ménages ont été retenus comme éligibles pour participer à l’enquête. L’enquête est représentative de l’ensemble des ménages de métropole notamment grâce aux méthodes de redressements statistiques qui ont été appliquées.

Le questionnaire d’enquête incluait les thèmes suivants : description des caractéristiques de l’habitat, des caractéristiques socio-démographiques du ménage et de l’utilisation des pesticides au domicile principal dans les 12 mois précédant la date de l’enquête, inventaire des produits pesticides stockés au domicile et les modalités de leur utilisation, inventaire des produits pesticides non stockés car à usage unique ou rapide et utilisés au cours des 12 mois précédents et leurs modalités d’utilisation, habitudes d’utilisation (achat, précautions d’emploi) selon les différents types de produits et modalités d’élimination.

Résultats principaux
En ce qui concerne les contextes d’utilisation des pesticides à domicile et après application des redressements statistiques, près de la moitié des ménages ont au moins un animal de compagnie, que ce soit un chat, chien, lapin ou autre (45%) et 63% d’entre eux ont des plantes d’intérieur au sein de leur logement. Les ménages vivent majoritairement en logement individuel (57%), la plupart d’entre eux disposent d’un espace extérieur (84%) dont un jardin (54%). Il ressort de l’étude que l’utilisation des pesticides à domicile est généralisée : 75% des ménages ont utilisé au moins un produit pesticide dans les 12 mois précédant la date de l’enquête. Les usages des pesticides visent : les parasites des animaux de compagnie (61% des détenteurs d’au moins un animal), les insectes volants (40% de l’ensemble des ménages), les insectes rampants (28%), les herbicides (22% des détenteurs d’un espace extérieur), les maladies des plantes d’extérieur (20% des détenteurs d’un espace extérieur), les répulsifs corporels d’insectes (12%), les rongeurs (9%), les poux chez l’homme (7%), les maladies des plantes d’intérieur (5% des détenteurs de plantes d’intérieur), les parasites du bois (4%) et les acariens (4%).

Bien que des précautions d’emploi soient prises par une large majorité des ménages, celles-ci sont variables selon les nuisibles à traiter. Globalement, les ménages prennent prioritairement des précautions lorsqu’il s’agit de traiter contre les nuisibles des plantes d’extérieur et contre les poux. A l’inverse la proportion de ménages prenant des précautions est la plus faible lorsqu’il s’agit de traiter contre les insectes volants ou rampants. Environ un ménage sur deux lit toujours les indications sur les emballages des produits contre les insectes volants (44%) et contre les insectes rampants (50%), tandis que, 84% des ménages les lisent toujours sur les emballages des produits anti-poux. De plus, 73% des ménages déclarent toujours appliquer les recommandations d’application du produit quand il s’agit de traiter les poux chez l’Homme, 68% des ménages pour les parasites d’animaux de compagnie, 60% pour la protection des plantes d’extérieur et seulement 43% pour lutter contre les insectes volants. En termes de conditions d’usages, les gants sont portés fréquemment lors de traitements contre les rongeurs, les parasites du bois et les adventices (mauvaises herbes). Près de 44% des ménages en portent toujours pour traiter contre les rongeurs, 45% des ménages pour les parasites du bois et près de 33% pour la protection des plantes d’extérieur. En revanche, ils ne sont jamais portés lorsqu’il s’agit d’utiliser des répulsifs (95%), de traiter contre les insectes volants (85%) et les parasites externes (85%). D’autre part, l’aération des lieux fermés après application ou le respect d’un délai de ré-entrée sont rarement mis en œuvre après usage. Environ 88% des ménages déclarent ne jamais attendre avant de ré-entrer dans la pièce après application d’un produit contre les parasites externes des animaux domestiques, et 87% des ménages n’aèrent jamais la pièce après application de ce même type de produit.

S’agissant des modalités d’élimination, au total, 59% des ménages jettent les produits non utilisés et/ou périmés alors que, 17% les conservent et, 15% affirment utiliser les produits périmés. Parmi ceux qui les jettent, 60% les mettent à la poubelle et 31% les amènent à la déchetterie. Les emballages vides sont soit, mis à la poubelle (66%) soit, apportés à la déchetterie (26%).

Le nombre médian de produits stockés par les ménages est égal à 2 et le nombre total de produits stockés dans le logement peut parfois dépasser 10 ou 20 produits. La plupart des produits sont rangés dans une seule pièce, et souvent dans un des lieux de vie du domicile. Le lieu de rangement le plus fréquent est la cuisine, suivi ensuite du garage. Les produits stockés et utilisés sont majoritairement appliqués à l’intérieur de l’habitation, avec 67% des ménages qui ont appliqué dans l’année au moins un produit à l’intérieur de leur habitat.

Une très large majorité des ménages stockant et utilisant au moins un produit le font pour un produit insecticide (84%) que ce soit pour se protéger eux-mêmes, pour protéger leurs animaux de compagnie ou leurs plantes. Les insecticides sont les produits les plus souvent stockés avec les herbicides (24%) et les fongicides pour la protection des plantes (23%).

Plus d’un quart des ménages ont dans leur stock au moins un produit d’usage interdit au moment de l’enquête, oublié dans un lieu de rangement du fait de l’accumulation du nombre de produits au domicile. Le nombre de produits stockés augmente avec l’âge des membres du ménage. Parmi l’ensemble des produits qui étaient toujours autorisés au moment de l’enquête, 29% ne l’étaient déjà plus en 2018. Une proportion importante des produits sont devenus interdits en 2018 pour la catégorie des phytopharmaceutiques (48%) et des biocides (24%). Cette proportion de produits devenus interdits a considérablement augmenté pour l’année 2019 avec la mise en œuvre de la Loi Labbé. Celle-ci interdit l’achat, l’usage et la détention des produits phytopharmaceutiques chimiques de synthèse par les particuliers. Seuls les produits de biocontrôle, ceux à faible risque pour la santé et l’environnement, et ceux dont l’usage est autorisé dans le cadre de l’agriculture biologique peuvent continuer à être utilisés.

La fréquence d’usage des produits au cours de l’année ou de chaque saison peut varier de moins d’une fois par mois à plus d’une fois par semaine. Les produits de type répulsifs cutanés humains sont ceux dont les utilisations sont les plus fréquentes sur une année en France métropolitaine avec une médiane de 6 utilisations par an, un quart de la population les utilisant plus de 25 fois par an. Les utilisateurs d’insecticides sont ensuite les plus nombreux et les utilisent généralement 3 fois par an. Des scores de fréquences d’utilisation ont été également calculés par ménage à partir des fréquences d’usage de chaque produit demandées dans le questionnaire. Ces scores ont permis de classer les ménages dans quatre classes homogènes d’utilisateurs à l’aide de la méthode des quantiles égaux, de faibles utilisateurs (moins d’une fois par trimestre) à très fort utilisateur (plus de deux à trois fois par mois).

A l’aide de ces scores, trois profils-types d’utilisateurs sont définis selon les activités principales des produits. Le premier profil est celui des faibles utilisateurs de produits pesticides, ils vivent dans des logements collectifs, en centre-ville, souvent dans la région Ile-de-France et traitent peu contre les nuisibles. Le deuxième profil se caractérise par les forts utilisateurs de produits contre les puces, tiques et poux, ils ont souvent un animal domestique. Le dernier profil est celui des très forts utilisateurs, qui regroupe les traitements contre plusieurs types de nuisibles, dont surtout ceux issus du jardin (pucerons, adventices, autres ravageurs du jardin).

Ainsi, les ménages qui utilisent le plus fréquemment des produits pesticides sont ceux qui appliquent de façon cumulée différents types de produits pour leur jardin, leur maison individuelle, leur piscine, leurs animaux de compagnie et pour se protéger eux-mêmes des insectes.

Deux indicateurs permettent de classer les substances actives contenues dans les produits. Les taux d’utilisation informent sur la proportion de ménages ayant au moins un produit contenant la substance active considérée. Le score des fréquences d’utilisation complète l’information apportée par le taux d’utilisation, en ajoutant la fréquence d’utilisation des produits qui contiennent la substance active considérée. Les substances actives issues de la famille chimique des pyréthrinoïdes, à savoir la cyperméthrine, la tétraméthrine, et la perméthrine sont les plus présentes dans les produits, suivi du glyphosate puis du fipronil. En considérant les fréquences d’utilisation, les substances les plus fréquemment présentes dans les produits stockés et utilisés sont également celles issues de la famille chimique des pyréthrinoïdes, la tétraméthrine et la perméthrine et des extraits naturels de pyrèthre. La substance la plus fréquemment stockée et utilisée hors pyrèthre et pyréthrinoïdes est le fipronil, interdit en protection des plantes mais autorisé en biocide et en médicament vétérinaire.
Discussion

Les résultats de l’étude Pesti’home documentent pour la première fois l’usage à domicile des pesticides par la population générale résidant en France métropolitaine, de façon représentative. Néanmoins, il existe des incertitudes liées à différents aspects de l’étude. Celle-ci est basée en partie sur la déclaration des participants, et la fiabilité des données dépend des connaissances et fait appel à la mémoire des participants concernant leurs usages sur une période de 12 mois. Cependant, le relevé photographique des produits stockés a permis de limiter pour partie le biais de mémorisation.
Perspective

Les résultats de l’enquête réalisée dans les DROM viendront compléter et enrichir ceux-ci. L’ensemble des données recueillies documentent l’usage des pesticides par la population française et permettent d’identifier les substances auxquelles la population est exposée dans le cadre de l’utilisation domestique des pesticides. Ces informations permettront à l’Anses de mieux caractériser les expositions notamment cumulées de la population aux pesticides, en prenant en compte d’autres sources et voies d’exposition comme l’alimentation.

Une communication de la part des ministères et des collectivités locales permettrait de sensibiliser la population à l’amélioration des comportements en matière d’élimination des produits et de leurs emballages. Une information des ménages au sujet des produits stockés qui ne sont plus autorisés pourrait inciter les détenteurs de ces produits interdits à les déposer en déchetterie ou s’en débarrasser lors de campagnes d’élimination ciblées. L’interdiction de ces produits peut en effet être liée à la prise en compte d’un risque inacceptable pour l’homme ou l’environnement.

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